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SCENE V I.

JONATHAS, SAUL.

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SAUL.

́Ous m'êtes cher, mon fils, & jusqu'à ma
colere,

Tout a dû vous parler de cet amour de pere.
Je regne, c'est pour vous; mille foucis cachés,
Mille dangers affreux à ce rang attachés

M'ont fait payer bien cher la vaine complaifance
Qu'inspire à tous les Rois la fuprême puissance =
Mais je regne, & du Thrône où l'on s'eft vu monté,
On ne peut fans horreur fe voir précipité.

Pour conferver ce rang où le fang vous appelle', Dieu ! que n'a point tenté mon amour paternelle! Mais l'ennemi l'emporte, & par l'arrêt du Ciel, Si vous n'obéiffez, c'en eft fait d'Ifrael.

JONATHAS.

Quel ennemi nouveau menace la patrie?
Quelle main vous ravit & le fceptre & la vie,
Où par qui notre Dieu va-t-il être outragé ?
Nommez-le moi, je pars, & vous êtes vengé.
SAUL.

Je te fais Roi, mon fils; & le Ciel qui me frappe
Veut que je te remette un fceptre qui m'échappe.
Accompli ta parole, & ce fceptre à la main,
Montre à tout Ifrael quel eft fon Souverain.

Je ne fouffrirai point que ta main me le rende,
Si tu ne reviens teint du fang que je demande,

JONATHA S.

Hé! de quel fang, Seigneur?

SAUL.

Je te vais accabler

Mais il ne s'agit plus enfin de reculer.
Je vais développer un étrange mystère;
Si ton cœur en frémit, fi ton bras délibère,
Saül meurt, tu péris, & l'Etat eft perdu.
C'eft par Samuel même un oracle rendu.
Son Ombre en ce moment à mon ame étonnée
M'eft venuë annoncer cette affreuse journée.
Ofte à l'ufurpateur un bien qu'il te ravit.
Sauve-moi, fauve-toi; viens immoler David.
JONATHAS.

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David? veillai-je ? ô Ciel! eft-ce vous, est-ce un

pere,

Qui vient de me dicter cet arrêt fanguinaire?

Il faut que David meure, & meure par ma main ? Saül auroit conçu ce projet inhumain !

Non, non, ce n'eft pas vous; l'Iduméen perfide
Doeg feul a formé ce deffein parricide.

Mon pere, au nom du Ciel tant de fois irrité,
Ne mettez pas le comble à votre iniquité.
S'il vous enlève un rang qu'à David il destine,
Vos efforts vaincront-ils la volonté Divine?
SAUL relevant Fonathas.

Ces frivoles difcours ne font plus de faison;
Epouse mes fureurs puife tout leur poison,

Ou

Ou fi par tes refus je perds le Diadème,

Tout me fera David, fût-ce Jonathas même.

Lâche, tu le verras regner, & nous mourrons!
JONATHAS.

Si c'eft l'arrêt du Ciel, s'il le faut, expirons,
Et du moins en mourant appaisons fa juftice.

SAUL.

Perfide... cette main fera le facrifice:
Percé des mêmes coups tu le verras périr ;
Mais non, viens avec moi l'immoler ou mourir.

JONATHA S.

Frappez.

SAUL tirant l'épée.

Meurs.

SCENE VII.

DAVID fe préfentant à Saül.

A

Ah! c'eft toi...

RRESTEZ. O Ciel ! qu'allezvous faire?

SAUL à David.

JONATHA S.

Fui, David: immolez-moi, mon pere.

DAVID.

C'eft à moi de mourir: frappez, votre ennemi.

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SAUL à David.

Traître, reçois ce coup.

JONATHAS.

Cher David, prends la fuite.

SAUL épouvanté.

Quelle main invifible arrête ma poursuite?
(L'épée lui tombe des mains

Où vai-je? quelle horreur ! quoi! viens-tu,Samuel,
Soûlever contre moi l'Enfer avec le Ciel ?
Quel arrét foudroyant fort encor de ta bouche!
Laiffe-moi ce bandeau : quoi ta rage farouche
Va jufqu'à couronner mon rival à mes yeux !
Jonathas, noyons-nous dans leur fang odieux.
Mais quel trouble! quels cris! tout fuit, tout
m'abandonne.

Soldats, où courez-vous ? l'ennemi m'environne
Par où fortir. O mort, termine mon deftin,
Et viens me dérober au bras du Philiftin.
Malgré ce coup je fens mon ame toute entiere.
(Il fe frappe comme s'il avoit fon épée. )
Ah, Jonathas, tu meurs, & je vois la lumiere!
Approche, Amalécite, éteins fans héfiter,
Ce reste affreux du jour que je n'ai pu m'oter.
JONATHAS.

Son Démon l'abandonne, & fa fureur expire;
Je vais le retrouver: Gardes, qu'on le retire.
(Il tombe pâmé entre les mains de Phinées
& d'Abiathar.)

SCENE VIII, & derniere.

JONATHAS, DAVID.

MA

jour.

JONATHA S.

Ars une fainte horreur me faifit à mon tour.
A mes regards furpris éclatte un nouveau

Le Ciel s'ouvre pour moi, Dieu faint, ta voix m'appelle,

Pour mes foibles vertus récompenfe trop belle! Pour qui brillent ce fceptre & ce glaive inhumain ? On t'offre l'un, David; l'autre arme un Philiftin. Le cruel il me perce! ô mort toutefois chere! Pardonne au moins, Dieu jufte, à mon malheureux pere!

Qu'il te fuffife, helas, de punir dans le fils

Des forfaits qu'il abhorre & qu'un autre a commis.

Mais d'où vient malgré moi fens-je couler mes larmes ?

Quel trifte fouvenir diffipe ces doux charmes !

O tendreffe, ô David! ô regrets fuperflus!
Lieux fi chers à mon cœur, je ne ne vous verrai
plus.

Quel ordre rigoureux, l'Eternel me déclare!
Cher David, ç'en est fait ce moment nous fé-

pare.

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