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On voit dans nos contrées

Son pouvoir redouté, fes vertus réverées.
Chez les Cananéens tout reconnoit fes loix,
S'il n'eft pas Roi, du moins fçait-il dompter les
Rois.

De la paix, de la guerre, Abraham eft l'arbitre.
Mais de tous ces beaux noms le plus fuperbe titre
Et le bien que fon cœur met au fuprême lieu >
C'eft le titre d'efclave & d'ami de fon Dieu.

Et votre mere?

ISMAEL.

ISA C.

Helas, fa douleur m'inquiette. Que je plains les foucis où mon départ la jette!

Elle n'aime moi. La que

trop

tendre Sara

Soupire après le jour qui me ramenera.

ISMAEL.

Elle n'aime que vous ! (à part.) Marâtre impi toyable!

ISA C.

Sa tendreffe pour moi, Seigneur, n'eft pas croyable,
Pars, me dit-elle, Ifac, fui les ordres Divins,
Et reçois cette robe ouvrage de mes mains.
Puiffe de ma tendreffe un fi fincere gage
Etre de ton retour un assuré présage!

Puis, l'efprit occupé de cent vaines terreurs;

Ma mere en m'embraffant me baigna de fes pleurs.

ISMAEL à part.

Puiffe-t-elle à fon tour me payer par fes larmes, Ce qu'elle m'a coûté de foucis & d'allarmes !

(haut.)

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N'eft-il point d'autre fils pour calmer fes regrets?

ISA C.

Helas, non. Cher objet de fes pieux fouhaits,
Et fruit miraculeux d'une extrême vieillesse,
Je fuis feul, & ce titre augmente fa tendresse.
Il est vrai qu'Abraham eut d'Agar Ifmael...
Je pleure quand je fonge à leur deftin cruel :
Seigneur, difpenfez moi d'un recit qui m'afflige.

ISMAEL.

Non, parlez: je le veux.

ISAC.

Difpenfez-m'en, vous dis-je :

Peut-être votre cœur en feroit trop ému.

ISMAEL.

N'importe, poursuivez.

ISAC.

Ifmael, (qui l'eût cru!)

Souhaité de Sara fut l'objet de fa haine.

Se voyant feule mere, Agar devint hautaine.
Je naquis, & deflors je ne fçai quel destin,
L'arrêt même du Ciel, que vous dirai-je ? enfin
D'Ifmael & d'Agar l'humeur un peu trop fiere,
Concourut à bannir & le fils & la mere.
Epargnez-moi le refte, & jugez par mes pleurs
Si d'un frere exilé je reffens les malheurs.

ISMAEL à part:

Eft-ce Ifac que j'entends! (à Ifac.) Ce fils vit-il encore?

ISA C.

Il vit, nous le fçavons; en quel lieu, je l'ignore ;
Il vit loin de fon Dieu qui l'accable d'ennui :
Le repos eft forti de fon cœur après lui;

C'est ce qu'un bruit confus m'en apprit dans la fuite:

'Abraham ne dit point quels climats il habite;
Autrement pour le voir, quoi qu'il en dût couter,
Soyez certain qu'Ifac eût ofer tout tenter.
Par là j'aurois vaincu fon indomptable envie.
ISMAEL.

Il vous haïffoit donc ?

ISAC.

Malgré la jaloufie,

Pour être aimé de lui je n'ai rien épargné :
Le tems eût fait le refte, & je l'aurois gagné.
ISMAEL à part.

A travers ce difcours de trompeuse apparence,
Je fens qu'il me méprife, & fon amour m'offense.
ISA C.

Vous me femblez rêveur: je crains que ce recit
Bien loin de vous toucher, n'ait laffé votre efprit.
Pardonnez,mais helas! vous le fçavez vous-même,
On parle volontiers, Seigneur, de ce qu'on aime.
Je me retire. Adieu.

IS MAEL.

Non, Ifaç, demeurez

Je dois vous écouter, & vous me connoitrez
Plus que vous ne croyez, Ifmael m'intèresse.
ISA C.

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Genereux inconnu, d'où naît cette tendresse?
ISMAEL à part.

S'il n'étoit pas mon frere il pourroit m'émouvoir. (à Ifac.)

Que direz-vous, Ifac, fi je vous le fais voir ?

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Cet homme plein de fiel, fans Dieu, sans foi,

fans loi,

Ce banni, ce pervers, cet Ifmael... C'est moi.

ISA C.

Vous! mais ce n'eft point là, Seigneur, fon caractère :

Pourriez-vous à ce prix vouloir être mon frere. IS MAEL.

C'eft moi, croyez ces noms.

IS A C.

J'en crois plûtôt mon cœur,

Qui bien mieux que ces noms parle en votre faveur.

Cher Ifmael, c'eft vous permettez que j'em

braffe...

'Arrêtez.

ISMAEL.

ISAC.

Quel accueil! cette froideur me glacer

ISMAEL.

Vous ne me connoiffez encore qu'à demi :
Ifac dans Ifmael retrouve un ennemi.

IS A C.

A quoi dois-je imputer un abord fi fauvage?
ISMAEL.

Je dois tout foupçonner d'un fi triste voyage.
IS A C.

Hé quoi, toujours en proie aux injuftes soupçons
N'écouterez-vous point les aimables leçons
Que dice la nature à des ames bien nées,
Quand la tendre amitié rejoint leurs destinées ?
Pour en voir la beauté, pour sentir fa douceur,
Que n'avez-vous, mon frere, & mes yeux & mos
cœur !

Depuis le jour fatal, jour à jamais funefte,
Qu'éclata contre vous la colere célefte,

Je ne vous dirai point les pleurs que j'ai versés;
Ceux que je verfe encor vous le difent affés :
Et quand vers Ifmael le hazard me ramène,
Lorsqu'en le revoyant j'en crois mes yeux à peine,
Loin de me raffurer d'un souris careffant,
Il fait paffer dans moi le trouble qu'il reffent.
IS MAE L.

Le digne favori d'une équitable mere
Voudroit-il avouer l'amitié d'un tel frere ;

De qui? d'un fils d'efclave; & fans se faire tort,
Pourroit-il s'abbaiffer jufqu'à plaindre mon fort?

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