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LA PAUVRETE.

Puiffant Juge des morts, écoutez ma requéte; J'accepte ce combat, & vous me voyez préte. Mais contre un ennemi doux, artificieux, Fermez, je vous supplie, & l'oreille & les yeux. MINOS.

Penfez-vous qu'aux Enfers pour l'or & vos pareilles

Themis ait jamais eu des yeux & des oreilles.

PLUTU S.

Je la laiffe tout dire, & ne demande rien.

LA PAUVRETE'.

Plutus eft un flatteur : fouvenez-vous en bien.

MINOS.

Suffit; écartez-vous.

(Minos approche des Ombres, les dévoile, & les touche du Caducée. )

Manes, que je découvre,

Revivez, & voyez ce ciel que je vous ouvre.

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Eft-ce un reveil?

PLUTUS derriere eux à part.

Cela fent bien le style d'Ode.

Déja nos Revenans font des vers à la mode :
Je les vois s'approcher. Que les voilà furpris!
Attendons un moment que leurs fens foient remis,
(Minos, Plutus, & la Pauvreté fe retirent.)

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Les quatre Hommes.

CHRYSOGENE,

AR Pluton, dites-moi, fommes-nous au Té

nare ?

ARGYRON.

Chryfogene, eft-ce vous ?

CHRYSOGENE.

Eft-ce vous, Argyron?

SIDERONIDE.

Et vous, Calcis ?

CALCIS.

Et vous, Sideronide?
SIDERONIDE.

Non:

Du moins j'en doute encore. Aventure plus rare. N'a jamais féduit ma raison.

Qu'en pensez-vous? vivons-nous tout de bon?

CHRYSOGENE.

Plus je me fens, plus je vous examine, Et plus je vous prendrois pour vivans à la mine; ARGYRON.

Laiffons-donc là Meffieurs les Morts;

Et pour vivre loin d'eux, faifons tous nos efforts. CALCIS.

La vifion me femble affez jolie:

Vivans ou morts, joüiffons de la vie.

SIDERONIDE.

Ce n'eft plus vifion. Nous revoyons les Cieux : Je fuis le dernier mort, & je m'en fouviens mieux. CHRYSOGENE.

Depuis bien fix mille ans qu'au Styx on m'a fait

boire,

J'ai de ce monde-ci dû perdre la mémoire.
Il me fouvient pourtant que l'air en étoit doux
Et je le goûte enfin à peu près comme vous.
ARGYRON.

Un peu moins vieux que Chryfogene,

Je le tiens mon aîné de deux fiecles au plus ;

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Mais cela n'en vaut pas la peine,

Et je me trouve ici tel que jadis je fus.

CALCIS.

-Honneur aux Anciens de trois milliers d'années : Vous étiez vieux défunts tous deux quand je

mourus.

SIDERONIDE.

Pour moi fans envier vos vieilles destinées,
Je vous avoûrai franc & net,

Que je fuis aux Enfers votre petit cadet,
J'y fuis d'avant-hier, & dans peu de journées,
Je fçaurai retrouver mon fripon d'héritier;
Et nous verrons des deux qui rira le dernier.
CHRYSOGENE.

Un héritier! quelle eft, s'il vous plaît, cette bête ?
SIDERONIDE.

C'est un fils ou neveu qui fe met dans la tête
De dépouiller les morts même avant le trépas.
CALCIS.

Les miens, s'il m'en fouvient, ne m'attraperent

pas.

Abufant des bontés d'un oncle trop peu fage,
Ils dévoroient mon héritage:

En me remariant je punis les ingrats.

ARGYRON.

A ne rien déguifer de la vérité pure,

-Je n'entens point le fin de cette énigme obfcure,

CHRYSOGENE.

Ce langage m'est tout nouveau :

Expliquez-nous, de grace, un ufage fi beau.

SIDERONIDE.

La loi du tien, du mien vous est donc inconnue; C'est être encor bien loin de la loi, meurs ou tue. Mais dites-nous, vous-même, en quel tems viviezvous ?

Quelles mœurs,quelles loix vous réuniffoient tous?

SCENE V.

Tous Les Mêmes, DAMIS, VALERE.

M

VALERE.

ESSIEURS les Revenans, approchez-vous fans crainte.

On nous permet de vous entretenir,

Dites-nous donc fans feinte,

Quel fujet vous fait revenir.

CHRYSOGENE.

Nous ne fçavons encor; mais enfin nous voilà.

VALERE.

Contez au moins votre aventure.

DAMIS.

Ils nous l'apprendront, chofe füre;

Nous les avons furpris lorfqu'ils en étoient-là.

CHRYSOGENE.

J'étois au fiecle d'Or fous Saturne & fous Rhée: Les Dieux nous gouvernoient, unis avec Aftrée. Avant leur union nous errions dans les bois : Leur bonté nous donna des mœurs & point de loix,

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