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Ceffez d'être inquiet; j'ai vu ce fils rebelle? Ce n'eft point pour fa mort qu'ici mon Dieu m'ap pelle.

Un tout autre holocaufte encore plus précieux...
C'est une autre victime en un mot que je veux.
ISAC.

Quelle victime donc peut vous être plus chere,
Qu'Ifmael immolé par les mains de fon pere?
ABRAHAM.

Que vous connoiffez peu l'homme & fa profondeur !

Son plus grand facrifice eft celui de fon cœur.
Dompter fes paffions, fes défirs, fa vengeance,
Avec Dieu qui punit, être d'intelligence,
Voilà fon holocaufte; & je fçai tel effort,
Qui coûtera bien plus à mon cœur que la mort.
ISA C.

Et quel eft cet effort que le Ciel vous demande?
Ne puis-je deviner enfin ce qu'il commande ?
Eft-il quelque projet, eft-il quelque danger,
Qu'avec vous votre fils ne doive partager?
ABRAHAM.
Vous le partagerez, mon fils,

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Cachez-moi, j'y confens, ce furprenant mystère; Il fuffit qu'Ifmael n'ait rien à redouter:

Mais, Seigneur, ôtez-lui tout sujet d'en douter. Sa frayeur, je l'avoue, au moins je le fouhaite, Eft le fruit des foupçons où fa haine le jette

Et le Ciel au trépas ne l'a point destiné,
Il eft vrai, mais croyez que s'il l'eût ordonné,
Votre Ifac en mourant auroit rejoint fon frere,
Et la douleur eût fait ce qu'il n'auroit pu faire.
Que vois-je ? vous pleurez !

ABRAHA M.

Pourquoi dans ce transport Viens-tu me préfenter l'image de ta mort? Conçois-tu la douleur dont mon ame est saisie, Quand je fonge qu'Ifac a pu perdre la vie, Moi que cent fois on vit pâle & tremblant d'effroi, Au plus leger des maux que je craignois pour toi, Moi qui te cheris plus que je ne puis le dire!

ISA C.

Faut-il qu'à votre ennui la tendreffe confpire!
Par quel funefte foin vous laiffez-vous ronger?
D'une mort qui n'eft pas, pourquoi vous affliger?
Rappellez-vous plûtôt ces heureufes années
Dont le Ciel a daigné marquer mes destinées.
Songez que ce Meffie annoncé mille fois,
Nous devra la naissance illu de tant de Rois,
Et qu'un jour notre race en miracles féconde,
Aura le Ciel pour guide, & pour bornes le monde.
Votre cœur au plaifir peut-il se refuser?

ABRAHAM à part.

Malheureux, tu concours toi-même à t'abuser!

à Ifac.

Moins à plaindre jadis j'ai gouté cette gloire,
Un Dieu nous la promet, & nous devons l'en

croire,

Mais d'un plus noble espoir l'homme juste flatte
Ne s'enorgueillit point de sa prospérité.
Sans fuivre aveuglément une ombre paffagere,
Il pense qu'il habite une terre étrangere ;
Qu'ici bas rien n'eft sûr, & que le tems qui fuit,
Nous enveloppe tous dans l'éternelle nuit.
De ces biens fans orgueil nouriffez l'espérance,
Et fongez qu'après tout la plus belle apparence
Paffe comme l'éclair qu'on voit s'évanouir,
Que l'homme n'eft point fait enfin pour en jouir.

ISA C.

Je fçai que des vrais biens d'une gloire future, Ceux que l'on nous promet ne font que la figure. Mais vous-même autrefois charmé de mon bonheur,

Ne m'animiez-vous pas à benir le Seigneur? Pouvez-vous condamner une innocente joye, Que juftifie affez le Ciel qui nous l'envoye ? Prétendez-vous toujours, fidéle à vos chagrins, Vous cacher aux regards des perfides humains. Venez...

ABRAHA M.

Ce ne font pas les humains que j'évite: Mortels ainfi que moi, je crains peu leur pour

fuite.

Mais eft-il fur la terre un antre affez profond, Pour me cacher à l'œil du Dieu qui me confond? ISA C.

Nul remords ne vous force à fuir devant sa face.

Vous n'avez point, mon pere, encouru fa disgrace.

SCENE

I I I.

ZAEL, ABRAHAM, ISAC.

OF

ZA EL.

U font ces étrangers dont l'abord odieux Trouble nos régions, épouvante nos Dieux? (à Abraham.)

Sous quel aftre conduit, fans craindre leur ton

nerre

Téméraire, ofez-vous leur déclarer la guerre? Que t'a fait Ifmael, pere dénaturé, Pour te revoir encor de fon fang altéré Par un trait inoüi fignalant fon fupplice, Au Dieu qui le trahit, l'offrir en sacrifice? Apprends que contre toi nos Dieux l'ont protégé, Et qu'aujourd'hui par eux il fe verra vengé. Redoutable à fon tour il porte leur réponse; Tremble, voici l'Arrêt que leur courroux pro

nonce :

Un mortel nous contraint d'abandonner ce mont ̧
Par le fang d'Abraham effacez cet affront,
Que l'on venge Ifmael, & les Dieux en colere,
Et qu'on fauve le fils en immolant le pere.
Telle eft leur volonté ; je t'annonce ton fort,
Et je vais t'épargner un crime par ta mort.

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N

ISAC, ABRAHAM.

ISA C.

ON, ne dévoilons pas ce terrible mystère ; Ifmael veut du fang, il faut le fatisfaire : J'y cours.

ABRAHAM.

Reftez; le tems n'eft pas encore venu; Ce n'eft point à fes Dieux que votre sang est dû.

SCENE

V.

PHARÈS, ABRAHAM, ISAC.

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PHARE'S à Abraham.

UITTEZ, quittez, Seigneur, une terre mau

dite,

D'où j'ai vu de tout tems l'innocence profcrite.
Tout s'émeut. Ifmael armé contre vos jours
De fes Dieux, pour vous perdre, emprunte le

fecours;

Et fans ceffe occupé du soupçon qui l'entraîne,
Sous le titre de zèle il fait agir sa haine :
Zaël d'un faux oracle appuyant fa fureur,
Verse dans les esprits la rage & la terreur.

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