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JONATHAS.

Ne déliberons plus, prévenons la tempête.
Mon ami va périr, & mon pere m'arrête!
Et j'obéis encore ! ah, grand Dieu, j'en frémi ;
Eft-il rien qui ne céde au falut d'un ami?
D'un inique devoir l'amitié me dispense,
Et tu me punirois de mon obéiffance.
Aux fureurs de Saül courons jetter un frein:
Ses coups avant David me perceront le fein.

SCENE

IV.

Les mêmes, PHINE'E S.

PHINE'ES.

'EIGNEUR, un étranger erre dans ce bocage:

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Il vous nomme.

JONATHAS.

David à d'autres foins m'engage.

Détourne des témoins les regards curieux,

Et dérobe mon trouble & ma fuite à leurs yeux.

Je pars.

(

SCENE

V.

DAVID, ABIATHAR.

DAVID déguifé en Berger, la lance
de Saul à la main.

A

fence;

BIATHAR, fers mon impatience;
Amene Jonathas cache lui ma pre-

Je veux jouir ici de fon étonnement.

SCENE VI.

DAVID feul.

UE je chéris l'erreur de ce déguisement !

Q Plein du doux fouvenir qu'en vain il me re

trace,

J'oublie en ce moment ma peine & ma difgrace:
Je crois revoir encor mes plaines, mes côteaux,
Et la houlette en main conduire mes troupeaux.
David jadis berger, puis objet de l'envie;
Dieu! quels jours différens ont partagé ma vie !
Fortune, qu'as-tu fait de ma félicité ?

Qu'êtes-vous devenue, heureuse liberté,

Où, fans connoître encor la Cour & fes ca prices,

D'un état ignoré j'ai goûté les délices ?

Courtifan malgré moi; craint, haï, careffé,
J'ai perdu mon repos dans la gloire éclipfé,
Gendre du Souverain, & Souverain moi-même
Je dois, dit Samuel, porter le Diadème.

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Que cet honneur fatal m'a coûté de chagrins ! Plus de nuits fans frayeurs, & plus de jours fereins.

Saül, l'ingrat Saul a conjuré ma perte :

Sous cent formes la mort à mes yeux s'eft offerte. Mais ce qui dans mes maux comble mon défefpoir,

C'est le parfait ami que David va revoir.

Et quel ami, grand Dieu! toi feul fçais le connoître ;

Vertueux dans un rang où l'on rougit de l'être, Tendre pour les amis, fidéle à l'étranger,

Il a le cœur d'un Prince, & les mœurs d'un berger.

Je ne trouve qu'ingrats ; feul il me plaint encore:
Il partage mes maux : Malheureux il ignore
Que je dois occuper fon thrône malgré moi.
Ciel! fi je te fuis cher, révoque cette loi.

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DAVID, JONATHAS, PHINE'ES,
ABIATHAR, LES DEUX BERGERS.

ABIATHAR à Jonathas
en montrant David.

PARLEZ à ce Berger, Seigneur.

I. BERGER à Jonathas.

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Quelle rencontre ! nos yeux se remontre.

JONATHAS.

Ciel, c'eft David!

DAVID.

Oui, Prince, & par ce prompt retour Malgré mille dangers, jugez de mon amour. Sous ce déguisement traversant une armée, J'ai trompé fa fureur à me perdre animée. Ces Bergers qui m'ont vu ne me remettent pas ; J'ai trompé tous les yeux hors ceux de Jonathas. (Abiathar fe retire. )

JONATHA S en embrassant David. Cher ami... Mais je vois la lance de mon pere: Que portez-vous?

DAVID.

La paix vous fçaurez ce myftere. Le Roi, vous, & David, tous feront fatisfaits : Cette lance en un mot eft le nœud de la paix.

JONATHA S.

Eft le nœud de la paix! ô myftere, ô prodige!
Mes yeux ne font-ils point éblouis d'un preftige?
Eft-ce David enfin qu'aujourd'hui je revoi,
David dont le danger me pénétroit d'effroi?
Lui pour qui j'ai tremblé depuis un mois d'abfence
Victime du devoir & d'une obéissance

Qu'a pu feul m'impofer ton amour malheureux?
DAVID.

Seigneur, en me fuivant vous nous perdiez tous

deux.

JONATHAS.

Non, malgré mon refpect pour un pere parjure,
L'amitié dans mon cœur étouffoit la nature,
Je courois à l'inftant le fléchir, le braver
M'opposer à fes coups, me perdre & vous fauver.
DAVID.

Rendez graces au Ciel qui vous épargne un crime.
Mon amitié toûjours fans tache & légitime,

Ne vous permettra rien contre un pere en cour

roux :

Le Dieu qui nous unit me fauvera fans vous.

JONATHA S.

Ami trop vertueux ! mais quand tout m'aban

donne,

Dis-moi quel bon deftin à mes vœux te redonne;
Quel miracle, dis-moi, te ramene en ce lieu?
A qui dois-je un bienfait si rare?

DAVID.

A notre Dieu.

C'eft

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