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j'aime à le dire, des noms de modestes et simples laboureurs, MM. Lamairesse, Lochet, Lequeux, Rousseau-Choisel, Stévenel, Deullin et d'autres encore, qui apprécient et appliquent tout de suite ce moyen ignoré de leurs pères d'utiliser le repos de la terre.

A quelques lieues d'ici, un homme dont la mémoire est restée chère aux Châlonnais, M. Chamorin de Cappy, couvre de sainfoin une partie notable de son immense domaine d'Ecury.

Ailleurs, MM. Varin d'Epensival, Leblanc-Duplessis, d'Orconte; Tarin, de Chapelaine; Barrois, de Bouet; Chopin, de Somme-Bionne; César Soulès, d'Avize; Petit-Hutin, de Reims; Dergère, de Mondement; marquis de Pleurre, à Pleurs, et tant d'autres, adoptent et propagent la nouvelle et bienfaisante méthode.

A peine la culture de ces plantes, si bien appelée culture artificielle, est-elle répandue par les soins de ces hommes intelligents, que déjà la Société recommande les agents qui doivent stimuler la production des nouveaux fourrages, et qu'aussitôt nos cultivateurs vont chercher la cendre sulfureuse de nos côteauxvignobles ou la pierre à plâtre des environs de ChâteauThierry et de Meaux.

Les premières annales de notre Société nous montrent le début d'un grand progrès réalisé depuis longtemps. déjà dans notre pays. On voit dans ses annales comment s'est faite notre belle laine de Champagne, comment aux qualités naturelles que ce produit tient de notre sol, des croisements ingénieux ont ajouté d'autres qualités et ont créé ainsi cette laine fine, longue et solide que tous les manufacturiers reconnaissent comme la meilleure laine de France.

Dans cette émulation si remarquable que montraient,

dès cette époque déjà si éloignée de nous, les propriétaires champenois pour améliorer leurs races, nous rencontrons les mêmes noms que nous citions tout à l'heure, et avec eux d'autres noms également chers au pays, ceux de MM. Ruinart de Brimont; Durant de Mareuil; de La Rochefoucauld-Doudeauville, de Montmirail; Morel, de Vindé; Delfraise, de Juvigny; Lochet, d'Epernay; de Pinteville, de Cernon; Moët de Romont; celui de M. Maître, de Saint-Souplet, dont le petit-fils occupe aujourd'hui un des premiers rangs parmi les éleveurs d'animaux reproducteurs en France. Encore un nom qui se recommande plus spécialement à notre reconnaissance, celui de M. Bourgeois de Jessaint. Notre Société est toujours heureuse de redire au pays que l'amélioration de ses troupeaux est un des plus anciens services du magistrat qui l'a administré pendant quarante ans.

Remettons encore en mémoire ces autres faits remarquables:

Les premiers béliers mérinos de race pure, qui ont été importés en Champagne, lui venaient de la munificence du roi Louis XVI.

Plus tard, un troupeau entier de cette précieuse race fut acheté en Espagne et envoyé à Etoges par le maréchal Lannes, duc de Montebello. C'était une année avant la glorieuse fin de l'homme illustre que votre Société eut l'honneur de compter dans ses rangs.

La plantation des arbres résineux en Champagne est encore un de ces grands bienfaits que nous devons à nos ancêtres.

L'ancienne Académie de Châlons avait prévu ce moyen de mettre en rapport nos terres les plus mauvaises, et les premières publications de notre Société recommandent ces utiles plantations.

Une grande partie des forêts de sapins, qui existent aujourd'hui, date du commencement de ce siècle, et l'on a pu déjà calculer ce qu'il y a de richesse acquise dans cette caisse d'épargne que la génération précédente nous a léguée. Il y a longtemps aussi qu'on a pu apprécier de quelle ressource ces plantations sont pour celles de nos campagnes qui sont éloignées des forêts de bois feuillus et quel élément puissant de fertilisation elles procurent aux terres qu'on veut mettre en culture.

Dans la galerie des hommes utiles de la Champagne, ceux de nos concitoyens qui les premiers ont eu l'heureuse témérité de couvrir de sapins une grande étendue de leur domaine, méritent une des premières places, et, parmi ces bienfaiteurs de la Champagne, vous avez surtout déjà nommé MM. Loisson de Guinaumont, Ménard, principal du collège de Châlons, père de Mme Anaïs Ségalas, Chamorin de Cappy. Vous avez aussi nommé notre collègue, M. de Pinteville-Cernon, qui continue ce que faisait son père, ce que faisait son aïeul, à qui François de Neufchâteau envoyait en 1803 la médaille d'or de la Société centrale d'agriculture en lui donnant le nom de premier planteur de la Champagne.

Une autre grande culture a constamment fixé votre attention, celle de la vigne, une des principales richesses de notre sol; mais cette richesse est bien plus ancienne que celles que je viens de passer en revue. Il y a bien des siècles que le vin de Champagne est connn et aimé, il y a longtemps qu'il inspire les poëtes et qu'il est versé dans les coupes royales.

La méthode suivie pour cultiver la vigne de Champagne est bien vieille aussi; elle n'a guère changé et il est bien qu'elle ne change pas beaucoup.

I'n savant œnologue, M. Jules Guyot, dans une confé

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rence qu'il faisait dernièrement à nos vignerons, leur disait à peu près ceci : « Votre méthode de culture est « bonne et j'ai peu de chose à vous apprendre. Je n'a « à vous indiquer que quelques améliorations de détail. - Voyez celles que vous pouvez appliquer chez vous; mais ne faites pas beaucoup autrement que ne faisaient « vos pères. Ils s'attachaient surtout à conserver à leurs « vins la netteté de goût et la délicatesse qui les ont fait distinguer de tout temps. C'est là qu'est la fortune de « vos vignobles! En visant à une production plus abon«dante, vous pourriez tuer votre poule aux œufs d'or! »

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Si, de même que le docteur Guyot, la Société d'agriculture n'a pas de meilleur conseil à donner à nos vignerons que de continuer à faire ce qu'ils font, elle a pu cependant leur recommander quelques utiles procédés, par exemple le système de moyères suspendues, dont l'idée est due à notre collègue M. Vautrin de La Motte, d'Ay, et qui a le grand avantage de ne pas priver le sol de la vigne d'un seul des ceps qu'elle peut porter.

Les ravages causés dans nos vignes par les insectes ont été, de tout temps, l'objet des études de notre Société, et elle a pu donner aux vignerons des moyens de faire la guerre à leurs redoutables ennemis en leur signalant le résultat de savantes observations de ses membres; celles, par exemple, de M. le docteur Dagonet, trop tôt enlevé à l'affection méritée de sa ville natale; de M. d'Herbez, d'Ay; de M. Vautrin de La Motte, qui poursuit si bien l'œuvre de ses devanciers.

Nos vignes ont leurs fléaux; mais nos vins ont aussi leurs épreuves à traverser. Parler de cette maladie de la graisse, que nous ne connaissons plus guère, de ces casses meurtrières qui ruinaient des maisons, c'est rappeler les services que notre collègue, M. François, a

rendus à l'industrie des vins de Champagne. Ce que les recherches patientes et assurément fort désintéressées de ce modeste et infatigable savant ont sauvé de pertes à cette industrie se compte par millions.

Et, cependant, parmi nos jeunes commerçants, beaucoup ignorent pent-être le nom de l'homme à qui ils doivent des secrets dont l'application leur est si utile: ainsi, le moyen de faire sécher le dépôt du vin, et cet autre ingénieux procédé qui leur indique exactement ce que le vin doit contenir de matière sucrée pour produire une belle mousse sans briser sa frêle enveloppe.

Le monde savant garde les noms d'hommes illustres dont les découvertes n'ont pas donné les résultats pratiques et les profits que notre commerce champenois doit à M. François. Ne laissons pas oublier notre collègue, et espérons que le bureau de notre Société aura assez d'influence sur notre administration municipale, pour qu'un jour nous voyions donner le nom de M. François à l'une des rues de notre cité.

Notre Société regardera toujours comme une de ses meilleures attributions celle de parler et de reparler souvent des hommes dont les travaux ou l'initiative ont été profitables au pays.

En passant en revue les progrès de l'agriculture déjà anciennement acquis (et, je le répète, ces vieux fastes de notre histoire agricole sont spécialement l'objet de cette allocution), j'ai la double bonne fortune de rencontrer un de ces faits que je puis citer comme un exemple de l'intelligence de nos cultivateurs, et qui rappelle un grand service rendu par deux bien honorables collègues.

Il y a quarante-cinq ans, une machine, indispensable aujourd'hui, la machine à battre le blé, était à peine connue en France. Le département de la Marne, nous

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