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d'abord dans ce grand livre qu'on appelle la nature. Entré ensuite comme påtre au service d'une communauté de moines, il trouva dans la bibliothèque du couvent tous les aliments que réclamait son intelligence.

On voyait tout le jour, tandis que son troupeau paissait, Valentin Duval assis au pied d'un arbre et plongé dans quelque lecture instructive ou contemplant d'un œil avide et curieux une carte géographique.

Il fut surpris un jour dans cette attitude par Léopoid, le prince qui gouvernait alors la Lorraine. Ce dernier envoya Duval au collège des jésuites de Pont-à-Mousson, où le jeune patre perfectionna ses premières études. Il devint bientôt le bibliothécaire de François, fils de Léopold, qui venait de succéder à son père et d'échanger sa principauté de Lorraine contre celle de Toscane.

Plus tard le duc François, nommé empereur d'Autriche, conféra à Valentin Duval les fonctions de directeur du cabinet des antiques et des médailles, qu'il venait de fonder.

Duval fit de nombreux voyages en Italie, y étudia l'archéologie, les beaux-arts et l'histoire. Il en revint rapportant de magnifiques collections de médailles et d'antiques dont il enrichit le musée de Vienne.

Né en 1695, il mourut en 1775, comblé d'années et d'illustres amitiés, après une vie consacrée à la science et à d'agréables relations avec les savants et les hommes distingués de son temps.

Tel fut le champenois Duval. M. Gustave Navlet nous l'a représenté à cette époque de sa jeunesse où il se livrait à l'étude en gardant son troupeau. Duval est assis sur une peau de loup, les jambes légèrement croisées. Le troupeau peut donc brouter en paix tandis que le pasteur

étudie et songe, car l'ennemi, le ravisseur a expié ses forfaits.

Duval lit attentivement un livre que soutient sa main droite largement ouverte, et dont sa main gauche s'apprête à tourner un des feuillets.

Le pâtre est posé presque à l'antique, c'est-à-dire le torse et les jambes nues, revêtu seulement d'un caleçon ou culotte. Une chevelure épaisse, presque inculte, descend sur son front. Une corne d'appel, une branche de chène sont placées près de lui à sa gauche; à sa droite, une carte géographique et un livre, dont la reliure fatiguée par l'usage, montre les cartons disjoints.

Cette œuvre de M. Gustave Navlet brille surtout par l'originalité, la vigueur, et un côté essentiellement humain. Il n'est personne qui ne contemple avec un sentiment profond cette tête intelligente, attentive et énergique, cette narine qui semble aspirer la science, cette bouche expressive, dont la lèvre inférieure, à la fois puissante et tenace, appelle et défie les difficiles problèmes. La main qui soutient le livre est remarquable de vérité.

On sent qu'elle a conscience du poids léger, mais précieux, qu'elle supporte. Celle qui tourne la page revêt au plus haut point cette qualité. Le mouvement en est charmant de naturel, le bras s'arrondit et se soutient sans effort. On sent et on épie le moment où le lecteur, arrivé à bout de page, va délicatement tourner le feuillet.

La tête et le corps sont penchés dans un abandon que justifie l'attention du pâtre studieux. Ce n'est plus ici comme dans le Callot, dont les vêtements dissimulent les formes ou les laissent deviner seulement. Dans la statue qui nous occupe, l'artiste a donné carrière à l'examen anatomique.Les formes sont celles d'un jeune homme de 18 à 20 ans. Le muscle ne saillit pas encore, mais on

le sent déjà. Les attaches des membres sont bien modelées et bien placées.

On reprochera peut-être à cette œuvre de M. Gustave Navlet le peu d'ampleur de la poitrine à la hauteur des épaules, quoiqu'on puisse expliquer ce défaut de proportion par l'inclinaison du buste en avant et la projection des bras qui soutiennent le livre.

Les jambes sont un peu fortes si on les compare aux proportions du bras, mais elles rachètent ce léger défaut par un beau modelé. La jambe gauche notamment, plus repliée sur elle-même, accuse dans sa partie nue et dans celle recouverte par le vêtement un fini remarquable, et se rattache bien au corps. Enfin, on pourrait peutêtre désirer que l'abondante chevelure du pâtre laissât plus découvert ce front intelligent sur lequel on lit la noble passion de savoir.

Dans ce travail, M. Gustave Navlet a prouvé encore une fois qu'on trouve en lui le penseur, le poëte, l'artiste, et nous le répétons à dessein, ce qui frappe dans son talent, c'est le côté vraiment humain de ses conceptions.

Si l'on considère toutes ces figures écloses au souffle de son inspiration, on remarquera qu'elles vivent complétement dans les données de ces poëmes joyeux ou sombres, drames ou idylles, pour lesquels l'artiste les a créées.

En résumé, les deux dernières œuvres présentées par M. Navlet à votre appréciation, intitulées Jacques Callot et Valentin Duval, mettent de nouveau en lumière des qualités réelles qui ont sérieusement fixé l'attention. de votre Commission, et affirment chez notre compatriote un travail opiniâtre, des progrès soutenus et des droits plus sérieux que jamais à la protection éclairée dont

l'entoure l'administration municipale de la ville de Châlons.

Votre Commission, Messieurs, a pensé que ces productions étaient dignes, de la part de la Société, d'un témoignage élevé qui serait à la fois pour M. Navlet une récompense et un soutien dans cette voie souvent aride et difficile de l'art contemporain. Elle vous propose donc d'allouer à cet artiste une somme de 200 francs, et comme marque durable de cette manifestation, elle vous propose, en outre, de décerner à M. Gustave Navlet une médaille d'argent commémorative, avec cette inscription :

Société d'agriculture, commerce, sciences et arts du département de la Marne.

A GUSTAVE NAVLET, SCULPTEUR. 1869.

ESSAI

SUR LA NUMISMATIQUE

de la partie de la Champagne

REPRÉSENTÉE AUJOURD'HUI PAR LE DÉPARTEMENT DE LA MARNE

Par Aug. DENIS

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