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Le blé, grâce à Dieu, croît aussi bien en France qu'à Naples ou en Hongrie.

Mais on fera tant qu'on voudra du vin mousseux, on ne fera du Champagne que chez nous (1).

Peut-on se plaindre de ces priviléges, de ces productions octroyés à certains points du globe ct refusés à d'autres ?

« C'est méconnaître, dit Bastiat, la pensée providen<< tielle qui préside aux destinées humaines, manifestée << par l'infinie variété des climats, des saisons, des forces << naturelles et des aptitudes, biens que Dieu n'a si iné<< galement répartis entre les hommes que pour les unir, « par l'échange, dans les liens d'une universelle frater<< nité. >>

Mais, s'écrie-t-on, l'agriculture souffre! -Nous sommes une nation agricole; il y a, en France, 25,000,000 de cultivateurs sur 38,000,000 d'individus !

Je ne mets nullement en doute la souffrance de l'agriculture. Tout le monde peut affirmer l'existence du mal aux cris du patient, mais le médecin lui-même ne peut, à l'intensité des cris, reconnaître l'étendue du mal.

Eh quoi, cependant une nation agricole souffre-t-elle réellement quand, en moins de dix jours, lorsqu'on lui demande 429 millions, elle fait surgir, comme d'un coup de baguette, 15 milliards!

(1) De 1850 à 1860, le chiffre annuel des bouteilles de vin de champagne, expédiées tant à l'étranger qu'à l'intérieur de la France, varie entre dix et onze millions;

Du 1er avril 1866 au 1er avril 1867, il a été de 13,502,229 bouteilles.

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1868,
1869,

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Et l'exportation seule est comprise, dans le chiffre de l'année 1868-69,

pour 12,810,194 bouteilles.

Faites la part de la spéculation aussi large que vous voudrez, un tel chiffre permet bien des réductions.

Mais si agriculteurs et commerçants peuvent souscrire aux emprunts, si la spéculation peut y trouver son compte, ce n'est ni le commerçant, ni le spéculateur qui se contentent du taux de 3 1/2 ou 3 75 au plus, offert par nos caisses d'épargne.

Les versements effectués en 1868 à ces caisses populaires présentaient un excédant de 27 millions sur 1867, et le nombre des livrets donnait la proportion de un déposant sur dix-neuf habitants.

Les chiffres de 1869 ne sont pas encore connus, mais on peut déjà assurer que cet exercice se solde par un excédant notable sur 1868.

Est-ce la dépréciation du prix des laines ou les autres maux de l'agriculture qui tendent à porter notre rente au chiffre naguère incroyable de 75?

Est-ce un symptôme de souffrance que la transformation des villages?

Et que dirai-je de l'accroissement du bien-être des campagnes, surtout dans la classe des petits propriétaires ?

Bien loin de m'en plaindre, je suis heureux chaque fois qu'il m'est donné de reconnaître les progrès du confortable, naguère privilége des villes, chez ces hommes du libre et rude labeur, chez ces enfants de la vieille mère-nourrice qu'on aime, je dirais presque d'instinct.

Mais de cet état de choses satisfaisant je ne veux pas déduire la négation de la souffrance de l'agriculture. Je constate seulement que les apparences sont trompeuses. D'un autre côté, si l'agriculture perd sur ses laines, ce qu'elle gagne sur les produits de sa basse-cour, — les œufs, les volailles et aussi la viande et le beurre, arri

vés, depuis quelques années, à des prix si élevés, n'apporte-t-il pas une certaine compensation à son déficit?

J'ai si bonne opinion de l'intelligence et du courage de l'agriculture de notre pays, que je suis sûr qu'elle saura combler ce déficit en se modifiant, en se transformant même, s'il le faut.

Enfin, Messieurs, tandis que quelques-uns invoquent le nombre des agriculteurs pour appeler sur cette industrie la protection, d'autres se servent du même argument en faveur des traités libres-échangistes. Un des orateurs de nos grandes Assemblées législatives pouvait même dire ces jours derniers : « L'industrie agricole se trouve << très-bien du régime de la liberté, si bien qu'elle vou<«<drait y amener toutes les autres industries. » (Cte de Buttenval).

Contradiction évidente, qui m'amène à penser que ceux qui demandent la dénonciation des traités ne sont qu'une fraction de la grande famille agricole.

Je suis même confirmé dans cette opinion par le vote que vient d'émettre la société des agriculteurs de France.

teurs,

On dit que la France compte 25,000,000 de cultiva

les chiffres du dernier recensement général ne donnent que 19,600,000 sur 38,067,000 h. (1).

Sur ces 19,600,000 agriculteurs, ne faut-il pas encore déduire quelques millions de viticulteurs dont les intérêts sont tout différents, et je vous demanderai, Messieurs,

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Personnes vivant exclusivement de leurs revenus (rentiers,

retraités, etc.), professions libérales......

Professions diverses...

19,598,115 12,476,249 1 095,787

3,607,295

1,289,618

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combien, dans les 14 ou 15,000,000 d'agriculteurs réels, élèvent de bêtes à laine (1)?

N'oublions pas que nous n'avons, en France, que trente millions de moutons (2).

Si, au milieu de ces généralités, je touche à la question des laines, c'est qu'elle a été portée devant vous, c'est qu'elle a pour notre pays un intérêt direct.

Les tissus n'ont éprouvé, dit-on, qu'une baisse insignifiante; concedo.

Mais je ne puis admettre que le consommateur soit hors de cause.

Car la laine n'alimente pas seulement les filatures; on l'emploie aussi à l'état brut ou presque brut.

Elle était, il y a quelques années, au cours à peu près normal de 3 fr. la livre. En 1869, le prix est généralement tombé à 1 fr. 40; les plus favorisés n'ont guère dû vendre plus de 1 fr. 65, soit donc, en moyenne, 1 fr. 50, c'est-à-dire moitié des années précédentes.

En outre, le cours moyen de 1869 peut-il être considéré comme normal? une hausse notable n'est-elle pas arrivée insensiblement à s'accuser? Est-ce un retour momentané et accidentel? That is the question.

Et croyez-vous, Messieurs, qu'il puisse être indifférent à tout le monde, et surtout au pauvre, à celui qui jusqu'ici n'a eu qu'une couche de paille, à l'ouvrier, même à la classe moyenne, de payer 60 francs le matelas qui, naguère, valait 100 francs?

Ce qui

(1) 1,000,000 à 1,500,000 tout au plus, dit un membre. ferait une moyenne de 20 à 30 mouton, par éleveur; ce chiffre me paraît très-admissible.

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Maints articles de bonneterie, de mercerie, les tricots, les bas, etc., ont pu éprouver une baisse analogue.

— Il faut, en outre, observer que les laines dites d'Australie ne nous arrivent au prix de fret de 1/2 penny le kilo, qu'à la condition que les bâtiments qui les apportent, retournent avec un chargement de marchandises françaises ou anglaises.

Nous rendons ainsi à ces pays la monnaie de leur pièce, et non sans prélever quelqu'honnête bénéfice sur le change.

D'autre part, ces vastes contrées se peupleront petit à petit, la concurrence s'y élèvera comme partout, et les importations y acquerront de plus en plus d'importance. Des appels sont déjà faits à l'émigration.

En résumé, il semble que la souffrance n'est ni aussi vive, ni si générale qu'elle parait l'être a priori, même dans un pays d'éleveurs comme le nôtre.

Je ne puis quitter les laines, Messieurs, sans vous poser une dernière question, d'un ordre différent, et sur laquelle j'appelle votre attention.

Les produits indigènes peuvent-ils suffire aux besoins de l'industrie?

L'enquête agricole de 1866 répond : Non.

Ne pensez-vous pas que cette réponse doit être d'un grand poids dans la balance?

Le système protecteur considère chaque produit, non au point de vue du consommateur, mais à celui du producteur.

Aussi, qu'arrive-t-il ?

Je prends un objet de première nécessité, le blé; l'évidence est plus palpable.

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