Imágenes de páginas
PDF
EPUB

volontaires, charretiers et citoyens fuyant à toutes jambes, lui disant que l'ennemi avait enveloppé Suippes, qu'il avait haché le bataillon. Un instant après, deux cavaliers et un chasseur vinrent donner une alarme complète en disant que l'armée de M. Dumouriez avait été défaite. Vous pouvez aisément juger du grand mouvement que cette nouvelle a occasionné parmi les volontaires et citovens. Le bataillon des Lombards, sans aucun ordre, se replia sur Chalons, et la compagnie franche en fit autant dans la nuit. La fermentation a été considérable; on criait à la trahison, et jusqu'à présent le calme n'est pas revenu. Un homme soupçonné d'espionnage a eu le col coupé ce matin devant la porte de mon logement. >>

Deux jours après le ministre de la guerre recevait cette dépêche du général La Bourdonnaye: « Nous avons été et nous sommes dans la situation la plus pénible ici, et nous n'en sortirons qu'avec deux ou trois jours de relâche. Le désordre est dans toutes les distributions; c'est le pillage. Quelques compagnies de Paris arrivent avec de honnes intentions; d'autres laissent commettre le désordre. Deux cents fuyards de l'arrière-garde de Dumouriez ont commencé ce désordre: nous faisons notre possible pour les chasser. Ensuite l'insubordination des troupes de nouvelle levée qui trouvent le pain de munition moins blanc que celui de Paris et excitent toute sorte de mécontentement. Les boulangers sont pillés depuis deux jours: on nous menace. Je suis obligé d'arrêter l'arrivée des troupes qui nous dévorent au lieu de dévorer l'ennemi. Les premières troupes de Paris désobéissaient formellement, car Dumouriez aurait eu 4,000 hommes de plus, le jour de sa retraite de Grandpré, s'ils eussent voulu partir et si quatre bataillons n'étaient pas

revenus sur le bruit de la déroute. Ensuite, ils ne voulaient plus partir que 20 ou 30,000 hommes réunis ; enfin j'ai envoyé sept bataillons ce matin à la suite de M. Beurnonville.... Tout ce désordre vient du mauvais esprit des quatre cinquièmes de ces troupes. >>

Peu après, La Bourdonnaye fut nommé au commandement de l'armée du Nord. Dumouriez, en lui adressant de Sainte-Ménehould ses félicitations, le 15 septembre, ajoute, au sujet des sept bataillons, que le nouveau général en chef lui avait envoyés... « Je ne les raterai pas : si je ne prenais ce parti, ils ruineraient mon armée et finiraient par me pendre. » Deux jours après, La Bourdonnaye, encore à Châlons, mandait au ministre : « Vous ne savez pas, Monsieur, qu'en retardant de m'envoyer un ordre direct de venir me concerter sur l'expédition de Flandre, vous me laisserez égorger ici. On a tué aujourd'hui un lieutenant-colonel; on m'a averti ce soir que M. Duhamel, qui a cherché à prévenir ce mal, est menacé; on m'a fait dire très-affirmativement que je l'étais aussi... Quelque parti que l'on prenne, si M. Santerre ne vient pas raccorder et subordonner la force armée de Paris, nous sommes perdus, non pas par les ennemis, mais par nos désordres. »

Santerre ne vint pas très-heureusement sans doute, et ces troupes quittèrent bientôt Châlons, ce que les paisibles habitants de cette ville ne regrettèrent probablement pas.

Il m'a semblé que ces notes n'étaient pas indignes d'être recueillies dans les archives du ministère de la guerre et que, dans le temps présent, elles ne sont malheureusement pas tout-à-fait sans une certaine actualité relative.

INDUSTRIE SÉRICICOLE

M. Guérin-Méneville, inspecteur-général de la sériciculture, a fait dernièrement à la Société des agriculteurs de France, un rapport sur la station séricicole régionale de l'Est qui intéresse essentiellement notre pays; nous croyons convenable de donner la publicité de nos Mémoires à la partie de ce travail qui concerne notre contrée et notre Société.

Si nous avons été devancés, dit le rapporteur, par les nations voisines dans l'établissement d'institutions où l'étude scientifique et pratique et l'enseignement de la sériciculture vont être poursuivis convenablement, l'idée n'en est pas moins française, car, depuis plus de vingtcinq ans, M. Eugène Robert et moi, nous n'avons cessé de demander la création de ce que nous appelions des fermes-écoles séricicoles, des haras de vers à soie, des magnaneries expérimentales, des laboratoires de sériciculture, en un mot des stations séricicoles.

Aujourd'hui, en Champagne, deux hommes de cœur se sont rencontrés. Ils ont compris que l'industrie de la soie pouvait y être avantageusement introduite, et ils ont

entrepris de doter la région qu'ils habitent de cette riche branche de l'agriculture.

Ces deux bons citoyens sont M. Nagel, ancien directeur de la magnanerie expérimentale de Chenonceaux, et M. Cordier-Lamotte, propriétaire à Châlons-sur-Marne.

M. Nagel, élève distingué de Camille Beauvais, après 11 ans de travaux séricicoles poursuivis à la magnanerie subventionnée de Chenonceaux, vaincu par l'épidémie, comme les autres directeurs des établissements du même genre, se décida en 1863, à donner sa démission et à se retirer à Chalons-sur-Marne.

Ne pouvant se résoudre à abandonner ses travaux de prédilection, ses chers vers à soie, il a pu continuer les études si fàcheusement interrompues à Chenonceaux, grâce à l'appui que l'amitié de M. Cordier-Lamotte et la Société d'agriculture lui ont accordé. A force de travail, d'activité et de persévérance, il est parvenu à créer l'établissement modèle que je viens de visiter avec le plus vif intérêt.

Il y avait de nombreuses difficultés à vaincre pour arriver à fonder la station séricicole de Châlons, les rapports très-consciencieux et très-favorables faits à la Société d'Agriculture, Commerce, Sciences et Arts de Châlons, par M. le docteur Chanoine, en 1868, et par son vice-secrétaire M. Ch. Remy, en 1871, montrent tout l'intérêt que la Société et les amis de l'agriculture ont pris à la généreuse et utile entreprise de MM. Nagel et Cordier.

Il résulte de ces rapports, ainsi que des observations que j'ai pu faire en suivant, chaque année, les progrès des travaux de M. Nagel pendant mes tournées d'inspection et d'études séricicoles, que, depuis 1863, où M. Nagel

a commencé à Chalons ses travaux pour la régénération de nos races françaises, les petites éducations qu'il a faites dans cette localité, en y appliquant les méthodes hygiéniques les plus rationnelles, inspirées par sa vieille expérience scientifique et pratique, lui ont donné, chaque année, des graines de plus en plus saines.

Employées dans nos régions essentiellement séricicoles et encore très-malades, ces graines ont donné généralement de bons résultats et les travaux de M. Nagel ont rappelé le nom jadis si connu de l'ancien directeur de la magnanerie de Chenonceaux, l'une des plus anciennes de France, et du lauréat de la grande médaille de 1re classe de l'exposition universelle de 1855.

A partir du mois de mars 1871, et avec l'aide de M. Cordier qui a généreusement avancé les fonds nécessaires (environ 12,000 fr.) M. Nagel, déployant un zèle digne des plus grands éloges, est parvenu à faire bâtir une magnanerie complète, dans laquelle on peut élever les vers à soie de 5 onces de graines, ayant en outre deux cabinets pour des expériences variées, une grande cave pour les appareils de chauffage et d'aération, pour la conservation de la feuille, etc, etc. En même temps il a fait faire un défoncement complet du terrain, d'environ un hectare, que lui a concédé, pour 18 ans, la Société d'agriculture, et il y a planté plus de mille mûriers d'âges divers, depuis trois ans jusqu'à sept ans.

En entrant dans ce jardin, que j'avais visité en 1869, j'ai éprouvé une véritable admiration en voyant ces belles plantations entièrement développées, et une jolie magnanerie construite d'après les meilleurs principes et prête à fonctionner quand les plantations de mûriers du jardin et des terrains acquis ou loués près de la ville, seront en plein rapport.

« AnteriorContinuar »