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des Islettes et de Strasbourg, au coq légendaire, font valoir les tons plus vigoureux des grands plats de Rouen et de Delft. Une statuette en bois sculpté, épave d'une chapelle disparue sans doute, des meubles grossiers forment les accessoires de ce tableau, dont le dessin est excellent, la touche très-ferme et la couleur d'une sobriété qui n'exclut point certains effets fort originaux.

De M. Roybet, un de nos artistes favoris du public amateur, nous avons une Italienne assise, vue de profil et lisant. Nous retrouvons dans cette toile la fermeté de dessin, de couleur et de touche qui caractérisent le talent de M. Roybet, talent marqué au coin d'une vive originalité. Le violet domine parfois un peu trop dans ses tableaux. Dans l'œuvre qu'il a exposée à Reims, ce défaut est beaucoup moins accusé.

M. Duval a exposé une Vue intérieure de la galerie d'Apollon au Louvre.

Ce tableau, très-satisfaisant sous le rapport de la perspertive et du dessin, est peut-être un peu dur de lignes et de couleur, mais il donne à M. Duval une place fort honorable dans ce genre de peinture, difficile à pratiquer, et dans lequel un de nos compatriotes, M. Navlet, s'est acquis une réputation méritée.

Nous avons regretté de ne voir figurer à Reims aucune œuvre de M. Navlet, peintre d'intérieur, dont notre musée châlonnais possède déjà deux très-remarquables toiles.

Nous arrivons maintenant, messieurs, aux différentes écoles paysagistes si brillamment représentées à l'exposition de Reims, et nous trouvons d'abord, de M. Victor Dupré, un paysage aux environs de Trouville, dont la couleur vigoureuse, le ton excellent, les qualités de lumière et d'air affirment de nouveau le talent déjà connu de l'artiste.

De M. Richet, des paysages et une vue prise en Picardie, qui sont très-fermes de couleur et très-fins de touche. M. Richet semble procéder à la fois de Rousseau et de Daubigny, en compagnie desquels il se trouve à l'exposition rémoise.

M. Corot, un des artistes les plus renommés et les plus aimés du public, a envoyé à Reims quatre tableaux brossés par son infatigable pinceau: la voiture de foin, les environs de Dunkerque (moulin.) — Environs de Dunkerque (bateau) et un paysage. Les mieux réussies de ces quatre toiles sont la voiture de foin et le bateau.

Le talent de M. Corot, un des plus féconds et des plus célèbres parmi nos paysagistes, a déjà été apprécié d'une manière bien différente par ses admirateurs passionnés et par ses détracteurs souvent injustes.

Pour un grand nombre, M. Corot est un poète et un charmeur; il retrace la nature elle-même, sa poésie mélancolique, sa fraicheur enivrante, ce charme pénétrant des prairies et des bois. Nul n'a reçu autant que M. Corot le don de l'impression morale; il est à son gré anecdotique ou religieux, familier ou auguste, charmant ou terrible. Dans son tableau de Macbeth, il est à la hauteur de Shakespeare, dans son œuvre le Dante et Virgile, il est aussi puissant par l'inspiration que le poète florentin.

Selon ses détracteurs, d'une main presque inhabile M. Corot prend un pinceau, et avec quelques couleurs qui se ressemblent toujours, il dessine, il ébauche sur une toile des silhouettes confuses, des apparitions vagues, de monotones feuillages, dont la frondaison ressemble plutôt à de vertes plumes qu'à des feuilles.

M. Corot a certainement peint, dans sa longue carrière d'artiste, plus d'une toile remarquable. Mais avec l'âge sa main s'alourdit, ses défauts s'exagèrent, sa touche devient

plus lourde et perd ainsi une partie de ce charme vaporeux que revêt la nature à certaines heures du jour et de l'année, et qui constituaient l'originalité et l'une des plus belles qualités de cet artiste.

M. Français a exposé une vue prise aux Vaux de Cernay, et une étude dans le ravin de Cernay. On retrouve dans ces œuvres les franches oppositions de couleur et de lumière, la touche vive et l'originalité de ce maître, qui s'est acquis depuis longtemps une réputation légitime.

Nous trouvons de M. Félix de Wuillefroy trois tableaux: Forêt de Fontainebleau au mois de novembre. Lisière de forêt (brouillard d'automne.) Le coucher du soleil sur le plateau de Belle-Croix (forêt de Fontainebleau.)

Ce sont là trois œuvres remarquables et auxquelles l'attention du public connaisseur n'a point fait défaut à Reims. M. de Wuillefroy possède comme artiste de nombreuses qualités, dessin irréprochable et toujours sensible sous le moelleux de la touche, couleur excellente, intelligente distribution de la lumière. Tout ce qui, dans ses tableaux, est herbes, feuillages, branches, troncs, fougères, roches couvertes de mousse, acquiert sous cet habile pinceau une vérité et un charme incontestables.

M. de Vuillefroy saisit toutes les harmonies de la nature. sous leurs aspects les plus grandioses et dans leurs manifestations les plus humbles. Ces hardes de cerfs et de biches qui s'avancent le nez au vent, tout prêts à disparaître à la première alarme, au milieu de ces vastes clairières où le vent d'automne courbe les bruyères rousses et les arbres jaunissants, sont pleines de vie et de mouvement.

M. de Wuillefroy est un maitre assurément, et, d'après ses œuvres, nous ne doutons pas qu'il ne soit classé parmi nos meilleurs peintres de paysages.

Un intérieur de forêt, de M. Watelin, nous montre de

réelles qualités, de la fermeté dans la touche, une bonne couleur, des perspectives bien ménagées; on pourrait désirer cependant plus de légèreté dans la main et un peu plus d'air dans ce tableau.

Nous trouvons, de M. Jules Dupré, un Soleil couchant (marine) et une Mare entourée d'arbres.

M. Jules Dupré est un de nos maîtres paysagistes dont les œuvres sont les plus recherchées et atteignent dans les ventes des prix élevés. Ce n'est que justice. Selon nous, ce peintre est de ceux qui voient la nature sous son aspect véritable et traduisent sincèrement sur leurs toiles l'impression qu'ils ressentent. On ne saurait trop admirer chez M. Dupré l'habile emploi de la lumière, la dégradation des plans, l'air abondant et les tons d'une justesse remarquable, à quelque époque de l'année et du jour que le maître ait saisi son modèle.

Nous voyons, de Théodore Rousseau, une Lisière de bois, soleil couchant, et nous admirons les qualités qui ont fait de ce maître un de nos plus grands peintres de paysages.

Dans ses tableaux, l'accord est merveilleux entre les ciels et les terrains; la silhouette des arbres sert toujours de lien entre ces deux extrémités de l'œuvre, par sa légèreté et par sa grandeur: Chez M. Rousseau, le dessin a une grande précision; rien n'est laissé au hazard, tout est calculé. Cette peinture, que nous avons admirée à l'exposition de Reims, emplit son cadre, le déborde, et donne à l'âme une impression sévère. Elle appelle l'esprit vers ces aspirations de l'idéal qui remplissent le cœur lorsque s'éteignent dans la campagne les derniers bruits du jour.

Nous trouvons de M. Ziem une vue de Venise, une vue de Constantinople et des barques à Venise, aquarelle.

M. Ziem est un des plus brillants virtuoses de la peinture. Il peint des marines comme on peindrait des fleurs, des

étoffes, de riches armures. On s'arrête étonné et comme ébloui devant ces tableaux où scintillent tant de rubis, de diamants et de topazes; on a quelque peine à comprendre ces architectures aux fantasques perspectives, ces vaisseaux d'or et d'argent, cette mer où tout est caprice, et ces pavillons éployés qui mêlent leurs vives couleurs dans une Jumière un peu folle. M. Ziem a découvert une Méditerranée plus bleue que nature: il glisse sur une pente dangereuse; il gagnerait quelque chose à se modérer et à se contenir.

Tel est à peu près, messieurs, le jugement porté il y a quelque dix ans par la critique sur les œuvres de M. Ziem. On dirait, à voir les tableaux exposés à Reims, que l'artiste a quelque peu tenu compte de ce sage conseil. En effet, dans ces toiles, il y a moins de fougue dans la couleur et plus de raison et de vraisemblance dans les emportements de ce brillant pinceau, aussi habitué au succès qu'aux fantaisies dont il sait habiller la nature, déjà si colorée, des paysages de l'Orient.

Notre compatriote, M. Louis Boulangé, expose: les Laveuses, la Prairie et la Forêt de Fontainebleau, vaches à l'abreuvoir.

Ces tableaux contiennent à un haut degré les sérieuses qualités qui ont donné à M. Louis Boulangé un rang des plus honorables parmi nos paysagistes. M. Boulangé est élève de Delacroix; aussi sa palette se ressent-elle de cet illustre patronage. Dessin excellent, couleur vigoureuse, touche facile, bon emploi de la lumière, c'est ainsi que les œuvres de cet artiste se recommandent à l'attention des amateurs.

Deux tableaux de M. Chintreuil, l'Automne et le Printemps, on été très-remarqués à l'exposition rémoise. M. Chintreuil est un artiste de beaucoup de talent, il excelle dans les vaporeuses perspectives. Nul mieux que lui ne

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