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signalé le danger de l'œuvre qui devait être entreprise en 1789. A la suite des brusques changements opérés dans le régime de la société, le respect de la propriété se trouva ébranlé. Gracchus Babeuf apparaît six ans après 1789; Fourier, Saint-Simon, lui succèdent et toutes les écoles socialistes qui montrent le même dédain pour le droit de propriété, ce droit que Clicquot considérait à juste titre comme le boulevard des empires et que la révolution compromit à tout jamais, peut-être, pour avoir voulu lui créer de nouvelles assises.

Cette préoccupation de l'économiste et du législateur, nous la retrouvons plus loin dans le même mémoire : « Ce n'est pas assez, dit Clicquot, de s'occuper du danger des maux, il faut prendre garde de ne pas y introduire le péril des remèdes. »

M. de Vroil remarque qu'il y a dans cette phrase un vague pressentiment et une frayeur des dangers que pouvait amener une transformation trop brusque.

<< La constitution de la France ne comporte ni remède violent, ni commotion subite; elle ne doit arriver au changement que par des mouvements chroniques et qui n'occasionnent aucune secousse sensible. >>

VI

Arrivée à ces hauteurs, l'économie politique touche à la philosophie de l'histoire et ses enseignements ne sauraient être trop médités. Clicquot-Blervache fut du nombre de ceux qui prévirent la révolution française. Il la prévit non pas à la manière sceptique de Voltaire qui s'écriait: « Nos enfants verront un beau tapage,» mais à la manière de

ces grands citoyens qui s'appelaient Vauban et Fénelon. Leurs avertissements ne furent malheureusement pas écoutés. Ce n'est pas d'une manière lente et continue mais par des secousses violentes que la France a procédé depuis 1789; et elle ne semble pas prête à suivre une marche plus. sage et moins dangereuse. Ceux qui ont été, comme Blervache, les précurseurs de la révolution de 1789, ceux mêmes qui, dans l'Assemblée constituante, ont opéré les réformes si longtemps désirées, seraient aujourd'hui pris de tristesse à la vue de la France amoindrie, divisée contre elle-même, telle que l'ont faite quatre-vingts ans de révolution, et ils se prendraient à douter de l'efficacité de leur

œuvre.

Dans cette rapide analyse des travaux de Clicquot-Blervache, je n'ai suivi que les idées générales; je n'ai pas montré l'ingénieux économiste descendant aux détails fiscaux et administratifs. Nous l'aurions vu s'élevant avec force contre le système des emprunts, proclamant la nécessité des grands travaux publics, dessèchements de marais, canalisation, mesures à prendre pour empêcher les inondations périodiques de la Loire, de la Saône et du Rhône, demandant pour les routes la création de cantonniers, qui n'existaient pas alors, qu'il appelle « manœuvres stationnaires » et dont il décrit minutieusement l'emploi. Aucun détail, si minime qu'il soit, ne lui échappe lorsqu'il doit en résulter quelque bien pour la France.

Nous ne saurions trop, en terminant, remercier M. de Vroil d'avoir réuni en un volume, condensé et classé les œuvres éparses de Clicquot-Blervache. Ces œuvres, composées à diverses époques, forment cependant un tout harmonieux; elles deviennent le complément indispensable d'une bibliothèque d'économie politique. En ce qui concerne la

Société d'agriculture de la Marne, elle ne peut manquer d'accueillir avec faveur une publication qui rappelle le

nom d'un des plus distingués lauréats de l'ancienne académie de Châlons.

SUR

M. JULIUS BRENCHLEY

Membre correspondant.

SÉANCE DU 15 MARS 1873

J'ai demandé la parole, Messieurs, pour vous annoncer la mort de M. Julius Brenchley, naturaliste anglais, membre correspondant de notre Société depuis 1858, que la plupart d'entre vous doivent se rappeler avoir vu à Châlons, lorsqu'il vint rendre visite à son compagnon de voyages, M. Jules Remy.

J'ai cru aller, en outre, au devant de votre désir, malgré le peu de temps dont je pouvais disposer, en vous donnant d'après le Maidstone and Kentish Journal du 3 mars, une rapide notice biographique sur ce courageux explorateur.

M. Brenchley naquit à Maidstone, le 30 novembre 1816. Il commença ses études à Folkestone, les continua à Maidstone, et les acheva au collège Saint-John de Cambridge, où il prit ses titres universitaires en 1840.

A la sortie du collége, il entra dans les ordres et fut nommé à la cure de l'église de la Trinité de Maidstone, où il sut s'attirer les sympathies de tous et surtout des pauvres: il était en même temps, à titre gracieux, chapelain de l'hôpital. Il fut ensuite appelé à la cure de Shoreham où, pendant le court séjour qu'il y fit, il s'attira les mêmes sympathies qu'à Maidstone; sollicité par son père, qui désirait visiter le continent avec lui, il quitta sa cure, qu'on laissa vacante dans l'espérance qu'il se déciderait à revenir à ce poste où il s'était créé de si nombreuses et durables amitiés. Il partit avec son père en 1845; leur voyage dura deux ans. Ils visitèrent les principales villes d'Europe; mais au retour, en novembre 1847, M. Brenchley perdit son père à Paris.

Rentré en Angleterre, il n'y séjourna que peu de temps, la passion de l'imprévu et l'intérêt qui s'était éveillé en lui pour les études ethnographiques, l'amenèrent à partir pour l'Amérique.

En 1849, il traversa les Etats-Unis du nord au sud. Il pénétra dans les forêts du Canada où, durant tout l'automne et l'hiver, il vécut du produit de sa chasse, dormant le plus souvent en plein air, faisant des observations et nouant des relations avec les Indiens. Il s'accoutumait ainsi à des privations volontaires, pour se préparer au grand voyage qu'il méditait et qu'il exécuta en 1850.

Au printemps de cette année, accompagné de deux de ses compatriotes, lord Calthorpe et l'Hon. H. Coke, il partit de Saint-Louis sur le Mississipi et alla par le Missouri jusqu'à Saint-Joseph. De cette ville, il se dirigea vers les grandes plaines de l'Amérique, avec l'intention de gagner les côtes de l'Orégon par la voie des monts Rocheux, ce qui était à cette époque, et est encore aujourd'hui un voyage périlleux.

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