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L'histoire de l'humanité primitive peut être divisée en deux périodes principales: l'âge de la pierre, l'àge des métaux.

L'âge de la pierre comprend à son tour trois époques:

L'époque de la pierre taillée ou des animaux des espèces éteintes, tels que le grand ours, le mammouth, le lion, le tigre et l'hyène dits des cavernes, le rhinocéros tichorinus à narines cloisonnées. Une température polaire régnait alors sur l'Europe; ces glaciers confinés maintenant sur les plus hauts sommets des Alpes ou des Pyrénées, descendaient jusqu'au fond des vallées. L'homme, couvert de chaudes fourrures, vivait alors, mais d'une existence misérable, dans les cavernes ou les abris sous roche.

Puis la période quaternaire prit fin par une fonte générale des glaciers qui n'existèrent plus alors que sur les hauts sommets. Les grands animaux, tels que l'ours des cavernes et le mammouth, émigrèrent vers le nord, où l'on retrouve encore aujourd'hui leurs cadavres étonnants enfouis dans les glaces, et conservés comme si seulement hier ils avaient cessé de vivre.

Sur notre sol, c'est alors l'époque du renne ou des animaux contemporains émigrés; c'est aussi le second àge de la pierre, caractérisé par des armes et des outils en silex d'une taille plus perfectionnée, et par les outils, les armes, et les instruments en os. De cette époque datent les monuments les plus reculés de l'art humain, représentés par des reproductions d'animaux, d'hommes, de poissons et de fleurs gravées sur l'ardoise ou l'ivoire ou sculptées dans les ossements des grands mammifères tels que le renne ou l'auroch.

Enfin vient la troisième époque, celle de la pierre polie et des animaux contemporains asservis tels que le chien, le cheval, le mouton, le bœuf, la chèvre; c'est l'âge dans lequel vécurent les troglodytes de Coizard et de Courjeonnet.

Pendant cette période, la hache, qui constitue entre les mains de l'homme préhistorique tout à la fois une arme et un instrument, revêt une forme moins grossière, nous dirions même d'une certaine élégance. L'ouvrier primitif, par un long et difficile travail, après lui avoir donné par la taille la forme voulue, la polit sur le bloc de grès, grossier monolithe, qui est le plus souvent une de ces roches arrachées aux plus hautes montagnes, et dispersées dans nos plaines par le cataclysme qui signala la fin de la période glaciaire, et désigné par la science sous le nom de blocs erratiques.

On ne signale guère dans toute l'Europe que quelquesuns de ces grands polissoirs, ceux par exemple du grand Pressigny, l'atelier le plus considérable qu'on connaisse de l'époque de la pierre polie, et dont on retrouve les produits exportés par les populations préhistoriques, par voie d'échange, dans plusieurs contrées de la France et même de l'Europe.

Le polissoir trouvé à la Varenne-Saint-Maur, par M. Leguay, celui découvert par M. Lenoir à Cérilly, dans l'Yonne, bloc de grès dur, du poids de 7,000 kilogrammes, et le polissoir qu'il a rencontré en décembre 1866 sur les limites des départements de l'Aube et de l'Yonne, à Marcilly-le-Hayer, du poids approximatif de 6,000 kilogrammes, et placé maintenant dans le musée de Troyes. Il existe encore des monuments de ce genre à Villeneuve-l'Archevêque et à Pouy. Plusieurs autres ont été récemment détruits dans les mêmes contrées.

Il était donc, Messieurs, du plus haut intérêt pour M. Joseph de Baye de trouver non loin des grottes le polissoir sur lequel les troglodytes de Coizard et de Courjeonnet terminaient les belles armes en silex qui figurent dans sa

collection; il chercha, et ses efforts furent récompensés d'un complet succès, car aujourd'hui ce polissoir gît au milieu du musée du château de Baye, dont il forme le complément, et dans lequel, exigeant captif, il n'a pu pénétrer qu'à travers une brèche formée dans la muraille.

Il est là couché sur sa robuste charpente, avec ses deux larges cuvettes et ses longues entailles creusées péniblement sans doute par les efforts et le travail d'une longue suite de générations.

Non loin de ce polissoir sont placés, dans de solides cadres, des fragments de la paroi crayeuse, extraits de grottes éboulées, et représentant des haches préhistoriques taillées en relief dans la craie par les artistes de ce monde primitif; ces représentations constituent un monument du plus haut intérêt pour la science, et nous en retrouverons, en place, d'autre spécimens dans les grottes que nous allons bientôt visiter.

Lorsque Boucher de Perthes et les premiers initiateurs de la science préhistorique en France et en Europe voulurent appuyer et prouver par des documents matériels et par des faits la coexistence, si longtemps contestée et aujourd'hui universellement admise, de l'homme avec les grands mammifères des espèces éteintes tels que le mammouth et le grand ours, ils établirent une partie de leurs preuves, non-seulement sur les vestiges humains rencontrés à cette époque et depuis plus d'un siècle dans les terrains diluviens non remaniés, mais encore sur les haches fabriquées par l'homme, et improprement appelées celtiques.

Pendant longtemps ces instruments se présentèrent aux explorateurs sous la forme d'un silex taillé, et pour la dernière période de la pierre, sous l'aspect d'un silex poli, mais pour en légitimer l'emploi, il restait à déterminer la

manière précise dont elles étaient emmanchées, pour qu'elles pussent commodément servir d'armes et d'instruments, et produire tout leur effet.

Or, d'après les découvertes faites par Boucher de Perthes dans les terrains de la Somme, et par M. Desor dans les habitations lacustres de la Suisse, on savait déjà que l'ouvrier préhistorique commençait par fixer la hache dans une corne de cerf évidée, appelée aujourd'hui gaîne, et que cette gaîne était percée dans son milieu d'un trou rond. destiné à recevoir un manche en bois. On trouve fréquemment des haches emmanchées dans leur gaine, ou dans une situation voisine de la gaine qui les reçut avant leur enfouissement; mais le manche en bois a presque toujours disparu sous l'action du temps; MM. Boucher de Perthes et Desor ont eu, presque exclusivement parmi les explorateurs, l'avantage de découvrir chacun une hache complète ainsi qu'ils l'indiquent, l'un dans ses Antiquités celtiques et antediluviennes, l'autre dans son Mémoire sur les Palafittes. Seulement le mode d'emmanchement des deux instruments diffère quelque peu sans en altérer beaucoup la forme générale. En effet, dans la hache Boucher de Perthes, le manche en bois traverse la gaîne de corne, tandis que dans la hache Desor, c'est au contraire la gaîne de corne qui est introduite dans le manche ligneux.

D'un autre côté, on savait de quelle manière étaient constituées les haches des populations préhistoriques de certaines parties de la France et notamment du Morbihan, car les dolmens du Petitmont et du Manné-Lud offraient, sur leurs grossières assises, les dessins de plusieurs haches en pierre emmanchées ou non. Les dolmens de Manné-erHroëg et de Penhap montraient également aux explorateurs des vestiges de même forme mais tous tellement frustes

que beaucoup de savants hésitaient encore à y reconnaître la nature des instruments représentés.

En présence des sculptures transportées au musée de M. Joseph de Baye, de celles existant dans les grottes, et qui sont bien l'œuvre des populations préhistoriques, il n'y a plus d'indécision possible, et on est certain aujour d'hui que les haches, l'instrument type, ne différaient pas sensiblement les unes des autres, comme organisation, aussi bien en Suisse qu'en France.

M. Joseph de Baye a dessiné sur les planches d'un album les sculptures qui existent dans sa collection et celles que renferment les grottes; ces dessins présentés au congrès préhistorique, tenu récemment à Bruxelles, ont vivement attiré l'attention des nombreux savants accourus de toutes les parties du monde à cette imposante réunion scientifique.

M. Joseph de Baye n'a point borné ses recherches et ses études aux époques préhistoriques. Les vitrines de son musée montrent également une intéressante collection d'objets gallo-romains et mérovingiens tels que colliers, bracelets, fibules, bagues, enfin tout ce qui constitue le mobilier ornemental de ces deux époques.

De même que la collection préhistorique, toute cette partie du musée est exclusivement champenoise et extraite du sol même du département de la Marne.

Après avoir examiné en détail tous les objets qui composent ce remarquable ensemble, votre commission s'est rendue aux grottes de Coizard, distantes de dix kilomètres. du château de Baye, et peu éloignées du groupe de Courjeonnet. Ce dernier se compose de treize grottes, et d'une sépulture circulaire creusée à ciel ouvert, tandis que les grottes de Coizard sont au nombre de trente-cinq.

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