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Le dessin, dans ce tableau, révèle de sérieuses qualités; il manque pourtant un peu de fermeté dans la ligne. La couleur est bonne; la touche serrée dénote une habileté de main assez remarquable. La tête du saint est belle, inspirée par la bienfaisance. Les misérables qu'il soulage sont vrais de mouvement et d'émotion. C'est, en un mot, une œuvre fort estimable.

M. Antony Serres a exposé les Fugitifs, épisode d'une invasion de barbares dans l'Empire romain.

Toute une famille romaine, riche sans doute et patricienne peut-être, si l'on en juge par la distinction des types des individus qui la composent et par les splendides épaves qu'elle emporte dans sa fuite, se précipite éperdue sur un étroit chemin, laissant derrière elle, et en flammes, la riche villa, les grasses métairies fondées par ses ancêtres. Des femmes affolées de terreur, des enfants épouvantés, de jeunes hommes, l'effroi et la vengeance dans les yeux, les uns à pied, d'autres à cheval, composent ce groupe mouvementé, dominé par la figure d'un vieillard robuste encore, aux traits césariens, sans doute le chef de cette famille. Il porte dans les plis de sa toge une riche cassette qu'il serre contre lui avec une expression contenue de sombre colère. Cette œuvre est remarquable par le rendu des détails, l'exactitude archéologique des accessoires et par les mouvements vrais des personnages. La touche en est facile, l'aspect fort agréable. Quoique un peu mou de ton et de facture, quoique un peu relâché dans les lignes, ce tableau est certainement réussi. Il indique chez M. Serres une vive intelligence de l'antiquité, des études sérieuses et une grand facilité à manier le pinceau.

Mile Léonie Dusseuil est l'auteur d'un tableau dont le livret de l'exposition donne ainsi le sujet :

« Sainte Clotilde implore du ciel la guérison de son fils mourant, tandis que Clovis lui reproche d'avoir, par le baptême, attiré sur l'enfant la colère de ses dieux. L'encens brûle pour la dernière fois devant les idoles, qui bientôt seront renversées par la croix du Berceau. La civilisation vaincra la barbarie par le christianisme et, quelques mois après, Clovis, frappé de la guérison de son fils, achèvera sa conversion à la bataille de Tolbiac. »

En peignant ce tableau, Mlle Léonie Dusseuil a écrit une remarquable page d'histoire. Le sentiment, l'expression dominent dans cette toile, la correction des lignes, la distinction des attitudes viennent encore ajouter à ces nobles qualités. On ne peut trouver plus de fermeté dans le dessin, plus de délicatesse et de moelleux dans la touche. La couleur est d'une harmonie pénétrante, il règne comme un parfum de poésie sur cette œuvre aussi bien pensée que bien peinte. Mlle Dusscuil, esprit et caractère distingués et pleins d'élévation, nourrie dans les fortes études littéraires et artistiques, est une élève d'Hippolyte Flandrin, et l'on retrouve dans son œuvre une grande partie des qualités de ce maître regretté.

M. Henri Lévy a exposé un Episode de la guerre de Grèce, et une Orgie dans une église au moyen dye.

Ces deux œuvres brillent par la couleur plutôt que par le dessin. Elles rachètent cette infériorité par une chaleur de ton considérable, et par une fougue qui a su ménager la vérité des mouvements et des attitudes. Sans connaître les préférences de M. Lévy parmi les maîtres modernes, nous pourrions, sans crainte de nous tromper beaucoup, voir en lui un admirateur d'Eugène Delacroix.

Puisque le nom de ce grand coloriste vient sous notre plume, nous dirons de suite que ce n'est pas sans quelque

Cmotion que nous avons retrouvé à l'exposition des Amis des Arts de Reims une de ses œuvres, l'Education d'Achille.

Au milieu d'un paysage imposant par sa nudité même et par ses sombres et fantastiques aspects, le centaure Chiron, lancé au galop, emporte sur sa croupe son vaillant élève, auquel il donne une leçon d'adresse en lui apprenant a lancer une flèche rapide contre un oiseau qui disparaît déjà dans la nue et que son bras lui désigne. Achille est assis sur la croupe du centaure auquel il est adossé; il se retourne par un mouvement d'une élégance extrême et d'un équilibre parfait, pour lancer le trait qui va frapper sa proie.

Dans le lointain, à gauche, un lion disparaît et se cache au milieu de sombres rochers; il fuit devant ses deux redoutables adversaires. Ce détail dans le tableau ajoute encore à la poésie de l'ensemble, il éclaire la pensée et l'intention du maître; car la fuite de ce roi du désert est un hommage rendu à la vigueur et à la vaillance des deux héros de cette antique légende.

Nous retrouvons dans cette toile les splendides qualités d'Eugène Delacroix et aussi ses défauts presque autant aimés par les fanatiques de son œuvre. La couleur, le mouvement, la vie, la justesse des attitudes, une poésie pénétrante abondent dans ce tableau; c'est bien là cette touche facile, pleine de fougue qui a fait dire aux adversaires de Delacroix qu'il peignait avec un balai ivre. Mais dans toute cette couleur ne cherchons point la justesse des tons, rien qui imite exactement la nature.

Et pourtant les tableaux d'Eugène Delacroix séduisent et passionnent ceux qui, en dehors de tout parti pris, ont le bonheur de les regarder souvent. Il en est de cette chaude peinture comme de ces breuvages excitants et

parfumés qui tout d'abord irritent les tempéraments délicats, et dont l'usage prolongé y ramène la santé et la vigueur.

Eugène Delacroix était à la fois un penseur et un peintre, un philosophe et un artiste, c'est là le secret de ce génie consacré déjà par le temps et par l'admiration de tous. ceux qui ont pour le talent un culte mérité.

M. Luminais a envoyé à l'exposition rémoise un tableau représentant des Soldats gaulois passant un gue.

Cette œuvre est bien conçue et exécutée avec une vérité archéologique remarquable. Au premier plan, un guerrier gaulois, aux cheveux d'un blond ardent, aux longues moustaches, à la figure énergique et fière, monté sur un vigoureux cheval et conduisant en main un autre coursier, commence à traverser le fleuve, en modérant l'allure des deux animaux; au second plan, et presque à l'autre bord, un autre cavalier semble examiner avec attention la campagne, comme s'il redoutait une surprise. En arrière se presse le groupe des guerriers qui se disposent eux-mêmes à traverser le fleuve.

Il y a, dans ce tableau, du mouvement, une excellente couleur, sobre, tempérée, et une grande fermeté dans le dessin. M. Luminais est d'ailleurs presque un vétéran des luttes artistiques, et il ne compte plus ses succès.

M. Bombled a représenté sous ce titre, une Vedette, un chasseur à cheval placé en observation et occupé à charger sa carabine Chassepot.

Le ton général de ce petit tableau est excellent, un peu froid peut-être. La touche en est fine et soignée, le dessin très-arrêté, l'exécution facile. Le cheval surtout est tout à fait nature; c'est bien là l'humble cheval de troupe, fatigué, portant bas la tête, quand un instant d'immobilité lui est accordé. Le cavalier est bien posé en selle; on reconnaît

en lui un soldat déjà éprouvé et qui sait se mettre en garde contre les surprises de l'ennemi.

Sous ce titre: au Retour du combat, M. Bellangé a exposé un épisode de la campagne d'Italie en 1859. La scène se passe dans un village, voisin sans doute du champ de bataille. Français et Autrichiens blessés sont couchés, dans un pêle-mêle tout à fait naturel, au pied de quelques. maisons déchirées par les boulets et les balles; quelques prisonniers debout contemplent cette scène; on lit sur leurs visages la douleur de la défaite et la fatigue du combat. Au centre du tableau et au second plan, un clairon amène par la bride un cheval portant un officier français blessé et dont le visage retrace la souffrance.

Ce tableau est largement touché, la couleur en est bonne, un peu dure peut-être; beaucoup de vigueur dans l'exécution et de sentiment vrai dans ce drame qui nous rappelle, hélas! ce temps où la fortune n'avait point encore délaissé notre drapeau.

M. Outin nous montre un petit tableau de genre,Amateur. Au milieu d'un intérieur où s'entassent pêle-mêle tous les trésors de la curiosité, faïences, cuivres, émaux, bronzes, marbres, statuettes et tableaux, un collectionneur du 18 siècle tient et examine sous toutes ses faces un magnifique support en fer de brasero hollandais, une de ces merveilles sorties avec ses volutes et ses rinceaux galamment tournés des mains d'un de ces artistes du fer, comme les 16 et 17° siècles en ont compté beaucoup. L'amateur a sans doute fait une trouvaille, ou enlevé au feu des enchères à un rival moins heureux l'objet de son admiration, car sa large et bonne figure de vieillard resplendit de contentement et de santé sous sa perruque poudrée, et son teint est aussi frais que l'habit de soie couleur changeante qui recouvre ses larges épaules, déjà voûtées par l'âge.

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