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IV.

AU ROI,

SUR SA CONQUÊTE DE LA FRANCHE-COMTÉ '.

Quelle rapidité, de conquête en conquête,
En dépit des hivers guide tes étendards?

Et quel dieu dans tes yeux tient cette foudre prête
Qui fait tomber les murs d'un seul de tes regards?

A peine tu parois, qu'une province entière
Rend hommage à tes lis et justice à tes droits;
Et ta course en neuf jours achève une carrière
Que l'on verroit coûter un siècle à d'autres rois.

En vain pour t'applaudir ma muse impatiente,
Attendant ton retour, prête l'oreille au bruit;
Ta vitesse l'accable, et sa plus haute attente
Ne peut imaginer ce que ton bras produit.

Mon génie, étonné de ne pouvoir te suivre,
En perd haleine et force; et mon zèle confus,
Bien qu'il t'ait consacré ce qui me reste à vivre,
S'épouvante, t'admire, et n'ose rien de plus.

Je rougis de me taire, et d'avoir tant à dire;
Mais c'est le seul parti que je puisse choisir :
Grand roi, pour me donner quelque loisir d'écrire,
Daigne prendre pour vaincre un peu plus de loisir 2!

+ Corneille a traité le même sujet en latin. Voyez, ci-après, le n° II de ses Poésies latines. 2 Boileau a resserré la même pensée dans ce vers, par lequel commence son Épi

tre VIII:

Grand roi, cesse de vaincre, ou je cesse d'écrire.

V.

AU ROI,

SUR LE RÉTABLISSEMENT DE LA FOI CATHOLIQUE EN SES CONQUÊTES DE HOLLANDE 1.

Tes victoires, grand roi, si pleines et si promptes,
N'ont rien qui ne surprenne en leur rapide cours,
Ni tout ce vaste effroi des peuples que tu domptes,
Qui t'ouvre plus de murs que tu n'y perds de jours.

C'est l'effet, c'est le prix des soins dont tu travailles
A ranimer la foi qui s'y laisse étouffer :
Tu mets de leur parti le Maître des batailles,
Et, dès qu'ils ont vaincu, tu le fais triompher.

Tu prends ses intérêts, il brise tous obstacles;
Tu rétablis son culte, il se fait ton appui ;
Sur ton zèle intrépide il répand søs miracles,
Et prête leur secours à qui combat pour lui.

Ils font de jour en jour nouvelle peine à croire,
Ils vont de marche en marche au-delà des projets,
Lassent la renommée, épouvantent l'histoire,
Préviennent l'espérance, et passent les souhaits.

Poursuis, digne monarque, et rends-lui tous ses temples :
Fais-lui d'heureux sujets de ceux qu'il t'a soumis;
Et comme il met ta gloire au-dessus des exemples,
Mets la sienne au-dessus de tous ses ennemis.

Mille autres à l'envi peindront ce grand courage,
Ce grand art de régner qui te suit en tout lieu :
Je leur en laisse entre eux disputer l'avantage,
Et ne veux qu'admirer en toi le don de Dieu.

4 Voyez le n. III des Poésies latines.

VI.

TRADUCTION

D'UNE INSCRIPTION LATINE POUR L'ARSENAL DE BREST'.

Palais digne de Mars, qui fournis pour armer
Cent bataillons sur terre, et cent vaisseaux sur mer;
De l'empire des lis foudroyant corps-de-garde,
Que jamais sans pålir corsaire ne regarde,

De Louis, le plus grand des rois,
Vous êtes l'immortel ouvrage.

Vents, c'est ici qu'il lui faut rendre hommage;
Mers, c'est ici qu'il faut prendre ses lois.

VII.

LES VICTOIRES DU ROI

SUR LES ÉTATS DE HOLLANDE,

EN L'ANNÉE 1672.

IMITÉES DU LATIN DU P. DE LA RUE.

Les douceurs de la paix, et la pleine abondance
Dont ses tranquilles soins comblent toute la France,
Suspendoient le courroux du plus grand de ses rois :
Ce courroux, sûr de vaincre, et vainqueur tant de fois,
Vous l'aviez éprouvé, Flandre, Hainaut, Lorraine;
L'Espagne et sa lenteur n'en respiroient qu'à peine;
Et ce triomphe heureux sur tant de nations
Sembloit mettre une borne aux grandes actions.
Mais une si facile et si prompte victoire
Pour le victorieux n'a point assez de gloire :

Voici cette inscription latine, dont Santeuil est l'auteur :

LUDOVICO MAGNO.

Quæ pelago sese arx aperit metuenda Britanno,
Classibus armandis, omnique accommoda bello,
Prædonum terror, Francis tutela carinis,
Æternæ regi excubiæ, domus hospita Martis,
Magni opus est Lodoïci. Hunc omnes omnibus undis
Agnoscant venti dominum, et maria alta tremiscant.

Amoureux des périls et du pénible honneur,
Il ne sauroit goûter ce rapide bonheur;
Il ne sauroit tenir pour illustres conquêtes
Des murs qui trébuchoient sans écraser de têtes,
Des forts avant l'attaque entre ses mains remis,
Ni des peuples tremblants pour justes ennemis.
Au moindre souvenir qui peigne à sa vaillance
Chez tant d'autres vainqueurs la fortune en balance,
Les triomphes sanglants, et long-temps disputés,
Il voit avec dédain ceux qu'il a remportés :
Sa gloire, inconsolable après ces hauts exemples,
Brûle d'en faire voir d'égaux ou de plus amples;
Et, jalouse du sang versé par ces guerriers,
Se reproche le peu que coûtent ses lauriers.

Pardonne, grand monarque, à ton destin propice,
Il va de ses faveurs corriger Pinjustice,
Et t'offre un ennemi fier, intrépide, heureux,
Puissant, opiniâtre, et tel que tu le veux.
Sa fureur se fait craindre aux deux bouts de la terre,
Au levant, au couchant, elle a porté la guerre;
L'une et l'autre Java, la Chine, et le Japon,
Frémissent à sa vue et tremblent à son nom.
C'est ce jaloux ingrat, cet insolent Batave,
Qui te doit ce qu'il est, et hautement te brave;
Il te déchire, il arme, il brigue contre toi,
Comme s'il n'aspiroit qu'à te faire la loi.

Ne le regarde point dans sa basse origine,
Confiné par mépris aux bords de la marine :
S'il n'y 'fit autrefois la guerre qu'aux poissons,
S'il n'y connut le fer que par ses hameçons,
Sa fierté, maintenant au-dessus de la roue,
Méconnoît ses aïeux qui rampoient dans la boue.
C'est un peuple ennobli par cent fameux exploits,
Qui ne veut adorer ni vivre qu'à son choix;
Un peuple qui ne souffre autels ni diadèmes;
Qui veut borner les rois et les régler eux mêmes;
Un peuple enflé d'orgueil et gorgé de butin,
Que son bras a rendu maître de son destin;
Pirate universel, et pour gloire nouvelle
Associé d'Espagne, et non plus son rebelle.

Sur ce digne ennemi venge le ciel et toi; Venge l'honneur du sceptre, et les droits de la foi. Tant d'illustres fureurs, tant d'attentats célèbres, L'ont fait assez gémir chez lui dans les ténèbres : Romps les fers qu'elle y traîne, et rends-lui le plein jour; Règne, et fais-y régner le vrai culte à son tour.

Ce grand prince m'écoute, et son ardeur guerrière Le jette avidement dans cette apre carrière, La juge avantageuse à montrer ce qu'il est; Et plus la course est rude, et plus elle lui plaît. Il s'oppose dėja des troupes formidables, Des Ostendes, trois ans à tout autre imprenables, Des fleuves teints de sang, des champs semés de corps, Cent périls éclatants, et mille affreuses morts : Car enfin d'un tel peuple, à lui rendre justice, Après une si longue et si dure milice, Après un siècle entier perdu pour le dompter, Quelle plus foible image ose se présenter? Des orageux reflux d'une mer écumeuse, Des trois canaux du Rhin, de l'Yssel, de la Meuse, De ce climat jadis si fatal aux Romains, Et qui défie encor tous les efforts humains, De ces flots suspendus où l'art soutient des rives Pour noyer les vainqueurs dans les plaines captives, De cent bouches partout si prêtes à tonner, Qui peut se former l'ombre, et ne pas s'étonner? Si ce peuple au secours attire l'Allemagne, S'il joint le Mein au Tage, et l'Empire à l'Espagne, S'il fait au Danemarck craindre pour ses deux mers, Si contre nous enfin il ligue l'univers, Que sera-ce? Mon roi n'en conçoit point d'alarmes; Plus l'orage grossit, plus il y voit de charmes : Son ardeur s'en redouble, au lieu de s'arrêter; Il veut tout reconnoître et tout exécuter, Et, présentant le front à toute la tempête, Agir également du bras et de la tête. La même ardeur de gloire emporte ses sujets; Chacun veut avoir part à ses nobles projets; Chacun s'arme, et la France, en guerriers si féconde, Jamais sous ses drapeaux ne rangea tant de monde.

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