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Daigne servir de tête et d'ame à ce grand corps,
Et sous tes illustres auspices

Ses bras feront pleuvoir d'inévitables morts.
Que je plains votre aveugle et folle confiance,
Obstinés ennemis de nos plus doux souhaits,
Qu'enorgueillit une triple alliance
Jusques à dédaigner les bontés de la France!
Que de pleurs, que de sang, que de cuisants regrets
Vous va coûter ce refus de la paix!
Son vengeur à partir s'apprête,

Cent lauriers lui ceiguent la tête,
Cent lauriers que sa main elle même a cueillis
Sur autant de vos murs foudrøyés par ses lis.
Bellone, qui l'attend au sortir de son Louvre,
Veut tracer à ses pas la carrière qu'elle ouvre;
Son zèle, impatient d'arborer ce grand nom,
Pour conduire son char s'empare du timon:
D'un prompt et sûr triomphe écoutez le prélude,

Et par quels vœux poussés tous à la fois te
De ses heureux sujets la noble inquiétude
Hâte ses glorieux exploits.

Pars, grand monarque, et vole aux justes avantages. Que te promet l'ardeur de tant de grands courages

(C'est ce que dit toute sa cour);

Pars, grand monarque, et vole aux conquêtes nouvelles
Dont te répond l'amour de tant de cœurs fidèles
C'est ce que dit tout Paris à son tour.
Il part; et la frayeur, chez les siens inconnue,
Annonce en même temps parmi vous sa venue:
La victoire le suit dans une majesté

Dont l'inexorable fierté

Semble du ciel autorisée

A venger le mépris d'une paix refusée
Avec tant de témérité.

Et, commençant par un miracle,
Bellone fait partout retentir cet oracle:

« Ennemis de la paix, vous la voudrez trop tard:

« Le ciel ne peut aimer ceux qui troublent la terre;

« Et, je vous le dis de sa part,

« La guerre punira ceux qui veulent la guerre. >>>

L'Anglois avec chaleur souscrit à cet arrêt;
Au belliqueux Suédois également il plaît :
Le Danois en frémit, Brandebourg s'en alarme;

Et pour nos François c'est un charme
Qui laisse leur esprit d'autant plus satisfait,
Que c'est à leur valeur d'en faire voir l'effet.
Déja le Rhin pálit, la Meuse s'épouvante,
Et l'Escaut, dont le front jaune et cicatrisé
Porte empreints les grands coups dont il s'est vu brisé,
Craint une plaie encor plus étonnante,

Et cache au plus creux de ses eaux
Sa tête de nouveau tremblante

Pour le reste de ses roseaux.

Χ.

VERS PRÉSENTÉS AU ROI,

SUR SA CAMPAGNE DE 1676.

Ennemis de mon roi, Flandre, Espagne, Allemagne,
Qui croyiez que Bouchain dût finir sa campagne,
Et n'avanciez vers lui que pour voir comme il faut
Régler l'ordre d'un siége, ou livrer un assaut,
Ne vous fatiguez plus d'études inutiles

A prendre ses leçons quand il vous prend des villes;
N'y perdez plus de temps: ses François aujourd'hui
Sont les disciples seuls qui soient dignes de lui,
Et nul autre n'a droit à ces nobles audaces
D'embrasser son exemple et marcher sur ses traces.
Lassés de toujours perdre, et fiers de son retour,
Vous vous étiez promis de vaincre à votre tour;
Vous aviez espéré de voir par son absence
Nos troupes sans vigueur et nos murs sans défense :
Mais vous n'aviez pas su qu'un courage si grand
De loin comme de près sur les siens se répand;
De loin comme de près sa prudence les guide;
De loin comme de près son destin y préside.
Les rois savent agir tout autrement que nous;.
Souvent sans être en vue ils frappent de grands coups.
Dieu lui-même, ce Dieu dont ils sont les images,
De son trône en repos fait partir les orages,

Et jouit dans le ciel de sa gloire et de soi,
Tandis que sur la terre il remplit tout d'effroi.
Mon prince en use ainsi; ses fêtes de Versailles
Lui servent de prélude à gagner des batailles,
Et d'un plaisir pompeux l'éclat rejaillissant
Dissipe vos projets en le divertissant.

Muses, l'aviez-vous cru, vous qui faites les vaines
De prévoir l'avenir des fortunes humaines,
D'en percer le plus sombre et le plus épineux?
Aviez-vous deviné que ce parc lumineux,
Ces belles nuits sans ombre avec leurs jours d'applique,
Préparoient à vos chants un objet héroïque?
Dans ces délassements où tant d'art a paru,
Voyez-vous Aire prise et Mastricht secouru?
C'étoit là toutefois, c'étoit l'heureuse suite
Qu'y destinoit dès-lors son auguste conduite.
Dans ce brillant amas de feux et de beautés,
Sa grande ame s'ouvroit à ses propres clartés :
Au milieu de sa cour au spectacle empressée,
La guerre s'emparoit de toute sa pensée;
Et ce qui ne sembloit que nous illuminer
Lui montroit des remparts ailleurs à fulminer.
J'en prends Aire à témoin, et les mers de Sicile,
L'esprit de liberté qui règne en toute l'île,
L'ame du grand Ruyter, et ses vaisseaux froissés,
Sous l'abri de Sardaigne à peine ramassés.

Votre orgueil s'en console, ennemis de la France,
A revoir Philisbourg sous votre obéissance;
L'empereur et l'Empire, unis à l'investir,
Enfin au bout d'un an ont su l'assujettir :
Mais l'effort d'une ligue en guerriers si féconde
Devoit y consumer moins de temps et de monde.
Il falloit, en dépit des plus hardis secours,
Comme notre Condé, le prendre en onze jours;
Et vous déshonorez vos belles destinées
Quand l'œuvre d'onze jours vous coûte des années.
Cependant à vos yeux, et dans le même été,
Aire, Condé, Bouchain, n'ont presque rien coûté;
Et Mastricht voit tourner vos desseins en fumée,
Quand ce qu'il vous en coûte auroit fait une armée.

Ainsi, bien que la prise ait suivi le blocus,
Que devant Philisbourg nous paroissions vaincus,
Si pour rendre à vos lois cette place fameuse
Le Rhin vous favorise au refus de la Meuse,
Si pour d'autres exploits il anime vos bras,
Pour un peu de bonheur ne nous insultez pas;
Et surtout gardez-vous de le croire si ferme,
Que vous vous dispensiez de trembler pour Palerme,
Pour Ypres, pour Cambrai, Saint-Omer, Luxembourg;
Tremblez même déja pour votre Philisbourg.
Le nom seul de mon roi vous est partout à craindre :
A triompher de vous cessez de le contraindre;
Et, jusques à la paix qu'il vous offre en héros,
Craignez sa vigilance, et même son repos.

ΧΙ.

SUR LES VICTOIRES DU ROI,
EN L'ANNÉE 1677.

Je vous l'avois bien dit, ennemis de la France,
Que pour vous la victoire auroit peu de constance,
Et que de Philisbourg à vos armes rendu
Le pénible succès vous seroit cher vendu.
A peine la campagne aux zéphyrs est ouverte,
Et trois villes déja réparent notre perte;
Trois villes dont la moindre eût pu faire un état,
Lorsque chaque province avoit son potentat;
Trois villes qui pouvoient tenir autant d'années,
Si le ciel à Louis ne les eût destinées :

Et, comme si leur prise étoit trop peu pour nous,
Mont-Cassel vous apprend ce que pèsent nos coups.

Louis n'a qu'à paroître, et vos murailles tombent;
Il n'a qu'à donner l'ordre, et vos héros succombent :
Et tandis que sa gloire arrête en d'autres lieux
L'honneur de sa présence et l'effort de ses yeux,
L'ange de qui le bras soutient son diadème
Vous terrasse pour lui par un autre lui-même ;
Et Dieu, pour lui donner un ferme et digne appui,
Ne fait qu'un conquérant de Philippe et de lui.
Ainsi quand le soleil fait naître un parélie,

La splendeur qu'il lui prête à la sienne s'allie;
Leur hauteur est égale, et leur éclat pareil;
Nous voyons deux soleils qui ne sont qu'un soleil;
Sous un double dehors il est toujours unique,
Seul maître des rayons qu'à l'autre il communique;
Et ce brillant portrait qu'illuminent ses soins
Ne brilleroit pas tant s'il lui ressembloit moins.

Mais c'est assez, grand roi, c'est assez de conquêtes :
Laisse à d'autres saisons celles où tu t'apprêtes;
Quelque juste bonheur qui suive tes projets,
Nous envions ta vue à tes nouveaux sujets.
Ils bravent tes drapeaux, tes canons les foudroient,
Et pour tout châtiment tu les vois, ils te voient:
Quel prix de leur défaite! et que tant de bonté
Rarement accompagne un vainqueur irrité !
Pour nous, qui ne mettons notre bien qu'en ta vue,
Venge-nous du long temps que nous l'avons perdue;
Du vol qu'ils nous en font viens nous faire raison;
Ramène nos soleils dessus notre horizon.
Quand on vient d'entasser victoire sur victoire,
Un moment de repos fait mieux goûter la gloire;
Et, je te le redis, nous devenons jaloux
De ces mêmes bonheurs qui t'éloignent de nous.
S'il faut combattre encor, tu peux, de ton Versailles,
Forcer des bastions et gagner des batailles;
Et tes pareils, pour vaincre en ces nobles hasards,
N'ont pas toujours besoin d'y porter leurs regards.
C'est de ton cabinet qu'il faut que tu contemples
Quel fruit tes ennemis tirent de tes exemples,
Et par quel long tissu d'illustres actions
Ils sauront profiter de tes instructions.

Passez, héros, passez; venez courir nos plaines; Égalez en six mois l'effet de six semaines : Vous seriez assez forts pour en venir à bout, Si vous ne trouviez pas notre grand roi partout; Partout vous trouverez son ame et son ouvrage, Des chefs faits de sa main, formés de son courage, Pleins de sa haute idée, intrépides, vaillants, Jamais presque assaillis, toujours presque assaillants; Partout de vrais François, soldats dès leur enfance,

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