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Je violente mon humeur
D'abandonner ce lieu charmeur;
Toutefois je n'ose me plaindre,
Étant déja si fort gâté,
Que je m'achèverois de peindre
Pour peu que j'en aurois tâté.

Outre que mes eaux sont si basses,
A force de vider les tasses,
Qu'il faut renoncer au métier,
Ne pouvant plus laisser en gage,
Au malheureux cabaretier,
Que les rubis de mon visage.

Mais encor suis-je plus heureux
Que tant de fous et d'amoureux.
Qui se sont perdus par leurs grippes;
Car, bien que je sois bas d'aloi,
Mon argent, serré dans mes tripes,
N'est point sorti hors de chez moi.

LE JOUEUR.

Attaqué d'une forte et rude maladie,
Depuis le jour des Rois,

Les os, par sa chaleur à mon dam trop hardie,
M'en sont tombés des doigts.

Bien que, du seul revers de ce mal si funeste, Je fusse assez gâté,

Pour avoir fait encore à prime trop de reste Il ne m'est rien resté.

Dames, à cela près, faisons en assurance
La bête en quelque lieu,

Et je promets moi-même, à faute de finance,
De me mettre au milieu.

VIM.

RÉCIT

POUR

LE BALLET DU CHATEAU DE BISSÈTRE.

Toi, dont la course journalière

Nous ôte le passé, nous promet l'avenir,
Soleil, père des temps comme de la lumière,
Qui vois tout naître et tout finir,
Depuis que tu fais tout paroître

As-tu rien vu d'égal au château de Bissetre?

Toutes ces pompeuses machines
Qu'autrefois on flattoit de titres orgueilleux,
Pourroient-elles garder auprès de ces ruines
Le nom d'ouvrages merveilleux?
Et toi, qui les faisois paroître,

Qu'y voyois-tu d'égal au château de Bissetre?

Ces tours qui semblent désolées, Et ces vieux monuments qu'on laisse à l'abandon, C'est ce qui fait périr le nom des mausolées Et des palais d'Apollidon,

Puisque tu les fis tous paroître

Sans y voir rien d'égal au château de Bissètre...

Cache-toi donc plus tard sous l'onde,
Sur ce nouveau miracle arrête ton flambeau;
Et, sans aller si tôt apprendre à l'autre monde
Ce que le nôtre a de plus beau,

Sois long-temps à faire paroître..

Que rien n'est comparable au château de Bissètre.

IX.

POUR MONSIEUR L. C. D. F.,

REPRÉSENTANT

UN DIABLE AU MÊME BALLET.

ÉPIGRAMME.

Quand je vois, ma Phylis, ta beauté sans seconde,
Moi qui tente un chacun, je m'y laisse tenter;
Et mes desirs brûlants de perdre tout le monde
Se changent aussitôt à ceux de l'augmenter.

Χ.

STANCES

SUR

UNE ABSENCE EN TEMPS DE PLUIE.

Depuis qu'un malheureux adieu Rendit vers vous ma flamme criminelle, Tout l'univers, prenant votre querelle, Contre moi conspire en ce lieu.

Ayant osé me séparer
Du beau soleil qui luit seul à mon ame,
Pour le venger, l'autre cachant sa flamme,
Refuse de plus m'éclairer.

L'air, qui ne voit plus ce flambeau,
En témoignant ses regrets par ses larmes,
M'apprend assez qu'éloigné de vos charmes
Mes yeux se doivent fondre en eau.

Je vous jure, mon cher souci, Qu'étant réduit à voir l'air qui distille, Si j'ai le cœur prisonnier à la ville, Mon corps ne l'est pas moins ici.

ΧΙ.

SONNET.

Après l'œil de MÉLITE 'il n'est rien d'admirable;
Il n'est rien de solide après ma loyauté :
Mon feu, comme son teint, se rend incomparable,
Et je suis en amour ce qu'elle est en beauté.

Quoi que puisse à mes sens offrir la nouveauté,
Mon cœur à tous ses traits demeure invulnérable;
Et quoiqu'elle ait au sien la même cruauté,
Ma foi pour ses rigueurs n'en est pas moins durable.

C'est donc avec raison que mon extrême ardeur
Trouve chez cette belle une extrême froideur,
Et que, sans être aimé, je brûle pour Mélite ;

Car de ce que les dieux, nous envoyant au jour,
Donnèrent pour nous deux d'amour et de mérite,
Elle a tout le mérite, et moi j'ai tout l'amour.

XII.
MADRIGAL.

Je suis blessé profondément:

Amour, et ma maîtresse,
Qui de vous deux me blesse?

Un aveugle n'a point l'adresse

De porter dans les cœurs ses coups si justement ;

Et Phylis n'a point de flèches
Pour faire de telles brèches :

Mon mal n'est point l'effet ni de ses seuls regards,

Ni des traits qu'un aveugle tire;
Mais la mauvaise avecque lui conspire,

Et lui prête ses yeux pour adresser ses dards.

+ Ce sonnet étoit adressé à cette femme charmante que Corneille, dans sa première jeunesse, avoit aimée avec passion, et chez laquelle il lui arriva l'aventure qui donna lien à sa comédie de Mélite. Ce sont les seuls vers qui soient restés de tous ceux qu'il avoit composés pour elle: il ne voulut jamais qu'ils devinssent publics, et les brûla tous deux ans avant sa mort. (P.)

XUI.

ÉPIGRAMMES

TRADUITES

DU LATIN D'AUDOENUS (OWEN.)

I.

Jeanne, toute la journée,
Dit que le joug d'hyménée
Est le plus âpre de tous;
Mais la pauvre créature,
Tout le long de la nuit, jure
Qu'il n'en est point de si doux.

II,

Les huguenotes de Paris
Disent qu'il leur faut deux maris;
Qu'autrement il n'est en nature
De moyen par où, sans pécher,
On puisse, suivant l'Écriture,
Se mettre deux en une chair.

III.

Depuis que l'hiver est venu
Je plains le froid qu'Amour endure,
Sans songer que plus il est nu
Et tant moins il craint la froidure.

IV.

Dans les divers succès de la fin de leur vie,
Le prodigue et l'avare ont de quoi m'étonner ;
Car l'un ne donne rien qu'après qu'elle est ravie,
Et l'autre après sa mort n'a plus rien à donner.

V.

Catin, ce gentil visage,
Épousant un huguenot,
Le soir de son mariage
Disoit à ce pauvre sot :
De peur que la différence

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