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Attachés au devoir, prompts à l'obéissance;
Partout enfin des cœurs qui savent aujourd'hui
Le faire partout craindre, et ne craindre que lui.
Sur le zèle, grand roi, de ces ames guerrières
Tu peux te reposer du soin de tes frontières,
Attendant que leur bras, vainqueur de tes Flamands,
Mêle un nouveau triomphe à tes délassements;
Qu'il réduise à la paix la Hollande et l'Espagne,
Que par un coup de maître il ferme ta campagne;
Et que l'aigle jaloux n'en puisse remporter
Que le sort des lions que tu viens de dompter.

XII.

AU ROI,

SUR LA PAIX DE 1678.

Ce n'étoit pas assez, grand roi, que la victoire
A te suivre en ces lieux mit sa plus haute gloire;
Il falloit, pour fermer ces grands événements,
Que la paix se tint prête à tes commandements.
A peine parles-tu, que son obéissance
Convaine tout l'univers de ta toute-puissance,
Et le soumet si bien à tout ce qu'il te plaît,
Qu'au plus fort de l'orage un plein calme renaît.

Une ligue obstinée aux fureurs de la guerre
Mutinoit contre toi jusques à l'Angleterre :
Ses projets tout-à-coup se sont évanouis;
Et pour toute raison, AINSI LE VEUT LOUIS.
Ce n'est point une paix que l'impuissance arrache,
Et dont l'indignité sous de faux jours se cache;
Pour la donner à tous ne consulter que toi,
C'est la résoudre en maître, et l'imposer en roi;
Et c'est comme un tribut que tes vaincus te rendent,
Sitôt que par pitié tes bontés le commandent.

Prodige! ton seul ordre achève en un moment
Ce qu'en sept ans Nimègue a tenté vainement;
Ce que des députés la fameuse assemblée,
D'intérêts opposés trop souvent accablée,
Ce que n'espéroit plus aucun médiateur,
Tu le fais par toi-même, et le fais de hauteur.

On l'admire avec joie; et, loin de t'en dédire,
Tes plus fiers ennemis s'empressent d'y souscrire :
Un zèle impatient de t'avoir pour soutien
Réduit leur politique à ne contester rien.
Ils ont vu tout possible à tes ardeurs guerrières;
Et, sûrs que ta justice y mettra des barrières,
Qu'elle se défendra de rien garder du leur,
lis la font seule arbitre entre eux et la valeur.

Qu'il t'épargne de sang, Espagne! il te veut rendre
Des villes qu'il faudroit tout un siècle à reprendre;
Il en est en Hainaut, en Flandre, que son choix,
En t'imposant la paix, remettra sous tes lois :
Mais au commun repos s'il fait ce sacrifice,
En tous tes alliés il veut même justice,
Et qu'aux lois qu'il se fait leurs intérêts soumis,
Ne laissent aucun lieu de plainte à ses amis.

O vous qu'il menaçoit, et qui vous teniez prêtes A l'infaillible honneur d'être de ses conquêtes, Places dignes de lui, Mons, Namur, plaignez-vous : La paix vous ôte un maître à préférer à tous; Et Louis au vieux joug vous laisse condamnées, Quand vous vous promettiez nos bonnes destinées. Heureux, au prix de vous, Ypres et Saint-Omer! Ils ont eu comme vous de quoi les alarmer; Ils ont vu comme vous leur campagne fumante Faire passer chez eux la faim et l'épouvante : Mais pour cinq ou six jours que ces maux ont duré, Ils ont mon roi pour maître, et tout est réparé.

Ainsi fait le bonheur de l'Égypte inondée Du Nil impétueux la fureur débordée; Ainsi les mêmes flots qu'elle fait regorger Enrichissent les champs qu'il vient de ravager. Consolez-vous pourtant, places qu'il abandonne, Qu'il semble dédaigner d'unir à sa couronne; Charles, dont vous aurez à recevoir les lois, Voudra d'un si grand maître apprendre l'art des rois, Et vous verrez l'effort de sa plus noble étude S'attacher à le suivre avec exactitude.

Magnanime Dauphin, n'en soyez point jaloux Si jamais on le voit s'élever jusqu'à vous;

Il pourra faire un jour ce que déją vous faites,
Être un jour en vertus ce que déja vous êtes;
Mais exprimer au vif ce grand roi tout entier,
C'est ce qu'on ne verra qu'en son digne héritier:
Le privilége est grand, et vous serez l'unique"
A qui du juste ciel le choix le communique.

J'allois vous oublier, Bataves généreux,
Vous qui sans liberté ne sauriez vivre heureux,
Et que l'illustre horreur d'un avenir funeste
A fait de l'alliance ébranler tout le reste.
En ce grand coup d'état si long-temps balancé,
Si tout ce reste suit, vous avez commencé;
Et Louis, qui jamais n'en perdra la mémoire,
Se promet de vous rendre à toute votre gloire,
De rétablir chez vous l'entière liberté,
Mais ferme, mais durable à la postérité,
Et telle qu'en dépit de leurs destins sévères
Vos aïeux opprimés l'acquirent à vos pères.
M'en désavoueras-tu, grand roi, si je le dis?
Me pardonneras-tu, si par-là je finis?

Mille autres te diront que pour ce bien suprême,
Vainqueur de toutes parts, tu t'es vaincu toi-même;
Ils diront à l'envi les bonheurs que la paix
Va faire à gros ruisseaux pleuvoir sur tes sujets ;
Ils diront les vertus que vont faire renaître
L'observance des lois et l'exemple du maître,
Le rétablissement du commerce en tous lieux;
L'abondance partout répandue à nos yeux,
Le nouveau siècle d'or qu'assure ton empire,
Et le diront bien mieux que je ne le puis dire.

Moi, pour qui ce beau siècle est arrivé si tard, Que je n'y dois prétendre ou point ou peu de part; Moi, qui ne puis le voir qu'avec un œil d'envie Quand il faut que je songe à sortir de la vie ; Je n'ose en ébaucher le merveilleux portrait, De crainte d'en sortir avec trop de regret.

FIN DES POEMES.

DE

LA SAINTE VIERGE'.

AU LECTEUR:

Cette pièce se trouve imprimée sous le nom de saint Bonaventure, à la fin de ses Œuvres. Plusieurs doutent si elle est de lui, et je ne suis pas assez savant pour en juger. Elle n'a pas l'élévation d'un docteur de l'Église; mais elle a la simplicité d'un saint, et sent assez le zèle de son siècle, où, dans les hymnes, proses, et autres compositions pieuses que l'on faisoit en latin, on recherchoit davantage les heureuses cadences de la rime que la justesse de la pensée. L'auteur de celle-ci a voulu trouver l'image de la Vierge en beaucoup de figures du vieil et du nouveau Testament: les applications qu'il en a faites sont quelquefois un peu forcées; et, quelque aide que j'aie tâché de lui prêter, la figure n'a pas toujours un entier rapport à la chose. Je me suis réglé à rendre chacun de ses huitains par un dizain; mais je ne me suis pas assujetti à les faire tous de la même mesure : j'y ai mêlé des vers longs et courts, selon que les expressions en ont eu besoin, pour avoir plus de conformité avec l'original, que j'ai tâché de suivre fidèlement. Vous en trouverez d'assez passables, quand l'occasion s'en est offerte; mais elle ne s'est pas offerte si souvent que je l'aurois souhaité pour votre satisfaction. Si ce coup d'essai ne déplaît pas, il m'enhardira à donner de temps en temps au public des ouvrages de cette nature, pour satisfaire en quelque sorte à l'obligation que nous avons tous d'employer à la gloire de Dieu du moins une partie des talents que nous en avons reçus. Il ne faut pas toutefois attendre de moi, dans ces sortes de matières, autre chose que des traductions ou des paraphrases. Je suis si peu versé dans la théologie et dans la dévotion. que je n'ose me fier à moi-même quand il en faut parler: je les regarde comme des routes inconnues, où je m'égarerois aisément, si je ne m'assurois de bons guides; et ce n'est pas sans beaucoup de confusion que je me sens un esprit si fécond pour les choses du monde, et

4 Composées en rimes latines par saint Bonaventure, et mises en françois par Pierre Corneille. Paris, 1665, in-12.

si stérile pour celles de Dieu. Peut-être l'a-t-il ainsi voulu pour me donner d'autant plus de quoi m'humilier devant lui, et rabattre cette vanité si naturelle à ceux qui se mêlent d'écrire, quand ils ont eu quelque succès avantageux. En attendant qu'il lui plaise m'inspirer et m'attirer plus fortement, je vous fais cet aveu sincère de ma foiblesse, et ne me hasarderai à vous rien dire de lui que je n'emprunte de ceux qu'il a mieux éclairés.

Accepte notre hommage, et souffre nos louanges,
Lis tout céleste en pureté,
Rose d'immortelle beauté.

Vierge, mère de l'humble et maîtresse des anges,
Tabernacle vivant du Dieu de l'univers,
Contre le dur assaut de tant de maux divers
Donne-nous de la force, et prête-nous ton aide;

Et jusqu'en ce vallon de pleurs
Fais-en du haut du ciel descendre le remède,
Toi qui sais excuser les fautes des pécheurs.

O Vierge sans pareille, et de qui la réponse
Mérita de porter et conçut Jésus-Christ,
Sitôt que Gabriel t'eut fait l'heureuse annonce
Qu'en un souffle sacré suivit le Saint-Esprit;
Vierge devant ta couche, et vierge après ta couche,
Montre en notre faveur que la pitié te touche,
Qu'aucun refuge à toi ne se peut égaler;
Et comme notre vie, en disgraces fertile,
Durant son triste cours incessamment vacille,
Incessamment aussi daigne nous consoler.

L'esprit humain se trouble au nom de vierge mère,
L'orgueil de la raison en demeure ébloui;
De la vertu d'en-baut ce chef-d'œuvre inouï
Pour leurs vaines clartés est toujours un mystère:
La foi, dont l'humble vol perce au-delà des cieux,
Pour cette vérité trouve seule des yeux,
Seule, en dépit des sens, la connoît, la confesse;
Et le cœur, éclairé par cette aveugle foi,
Voit avec certitude, et soutient sans foiblesse,
Qu'un Dieu pour nous sauver voulut naître de toi.

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