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Pare un buisson ardent, au lieu dele brûler,
Et s'en fait comme un trône où plus elle s'allume,

Et moins elle consume.

Ton adorable intégrité,

O Vierge-mère, ainsi ne souffre aucune atteinte,
Lorsqu'en tes chastes flancs se fait l'union sainte
De l'essence divine à notre humanité.

Que la manne au désert est d'étrange nature!
Son goût, le premier jour, se conforme au souhait,
Et, quand pour d'autres jours la réserve s'en fait,
Elle souille le vase et tourne en pourriture :
Ce peu seul qui dans l'arche en tient le souvenir
S'y garde incorruptible aux siècles à venir,
Sans que souillure aucune à son vaisseau s'attache;
Ainsi tu conçois Jésus-Christ,
Et ta virginité demeure ainsi sans tache
En nous donnant ce fils conçu du Saint-Esprit.

Comme tomboit du ciel cette manne mystique
Qui du peuple de Dieu faisoit tout le soutien,
Ainsi du sein du Père est descendue au tien
Celle qui des enfants est le seul viatique.
La manne merveilleuse, et que nous figuroit
Celle qu'en la cueillant tout ce peuple admiroit,
Par une autre merveille ainsi nous est donnée :
Ainsi nous pouvons prendre, ainsi nous est offert
Plus que ne recevoit cette troupe étonnée
Qui durant quarante ans s'en nourrit au désert.

Ta grace par l'effet avilit la figure,

Elle en ternit l'éclat, elle en sème l'oubli;

Et par sa nouveauté l'univers ennobli

N'a plus d'amour ni d'yeux pour la vieille peinture;

Les nouvelles clartés de la nouvelle loi

Que Dieu fait commencer par toi

Ne laissent rien d'obscur pour ces nouveaux fidèles ;

Et ce qui jadis éblouit,

Sitôt que tu répands ces lumières nouvelles,

Ou s'épure ou s'évanouit.

Ce grand auteur de toutes choses,

Ce Dieu qui fait d'un mot quoi qu'il ait résolu,
Te regarda toujours comme un vase impollu
Où ses graces seroient encloses :
Vase noble, admirable, et charmant à l'aspect,
Digne d'un saint hommage et d'un sacré respect,
Digne enfin du trésor qu'en toi sa main enferme:
C'est par toi qu'il voulut qu'on goûtat en ces lieux,
Pour arrhes d'un bonheur et sans borne et sans terme,
Ce pain des habitants des cieux.

Tu nous donnes ce pain des anges
Que tes entrailles ont produit,

Ce pain des voyageurs, ce pain qui nous conduit
Jusqu'où ces purs esprits entonnent ses louanges;
C'est ce pain des enfants, ce comble de tous biens,
Qu'il ne faut pas donner aux chiens,

A ces hommes charnels qui ne vivent qu'en brutes;
Il n'est que pour les cœurs d'un saint amour épris;
Et, comme il les guérit des plus mortelles chutes,
Sur tous les autres pains ils lui doivent le prix.

C'est en lui que sont renfermées
Les plus salutaires douceurs
Que puissent aimer de tels cœurs,
Et les plus dignes d'être aimées;
Il est plein d'un suc ravissant,
D'un suc si gracieux, d'un suc si nourrissant,
Qu'il fait seul un banquet où toute chose abonde;
Il est pain, il est viande, il est tout autre mets;
Il rend seul une table en délices féconde,

Et doit être pour nous le banquet des banquets.

Ce mets nous rétablit, ce mets nous régénère,
Il ramène la joie et fait cesser l'ennui;
Ton fils, qui par ce mets attire l'ame à lui,
La guide par ce mets, et l'allie à son Père.
Ce mets de tous les biens est l'accomplissement;
Il est de tous les maux l'anéantissement :
Pour nous il vaine, il règne, il étend son empire;

Il soutient, il fait croître en sainte ambition;
Et, pour dire en un mot tout ce qu'on en peut dire,
Il élève tout l'homme à sa perfection.

Il est le pain vivant et qui seul vivifie,
Il est ensemble et vie, et voie, et vérité;
Lui-même il nous départ son immortelle vie
Par les épanchements d'une immense bonté.
L'Église avec ce pain reçoit tant de lumière,
Que la nouvelle épouse efface la première
Par les vives splendeurs qui font briller sa foi :
La synagogue tombe, et périt auprès d'elle,
Et l'ombre de la vieille loi

Fait place au jour de la nouvelle.

La manne a donc tari, le ciel n'en verse plus;
La figure cède à la chose,

Et le pain que Dieu nous propose

D'un ciel encor plus haut descend pour ses élus.

Si la manne eut cet avantage
Que des fils d'Israël elle fut le partage,
Ce pain est celui du chrétien.

O chrétien! pour qui seul est fait ce pain mystique,
Viens, mange; et, puisque enfin c'est un pain angélique,
Fais comme un ange, et montre un zèle égal au sien.

Passons de miracle en miracle.

Moïse met, au nom des tribus d'Israël,

Pour faire un prêtre à l'Éternel,
Douze verges au tabernacle;

Aaron y joint la sienne; elle seule y produit
Des feuilles, des fleurs et du fruit:
Par-là du sacerdoce il emporte le titre :
Tout ce peuple n'a qu'une voix,

Et de ce même Dieu qu'il en a fait l'arbitre
Il accepte à grands cris et bénit l'heureux choix.

Quelle nouveauté surprenante!
La fleur sort de l'aridité;

Le fruit, de la stérilité;

Un bois sec reverdit; il germe, éclot, enfante.
Où sont tes lois, nature, et que devient ton cours
Dans ces miraculeux retours

Qui rendent, malgré toi, l'impuissance fertile ?
Et quel est le pouvoir qui ne prend qu'une nuit
Pour tirer d'une branche et séchée et stérile

Ces feuilles, ces fleurs, et ce fruit?

Ce fruit, et ces fleurs, et ces feuilles, Pour étaler aux yeux un si nouvel effet, N'attendent point que tu le veuilles; Dieu le veut, il suffit, le miracle se fait; Il est son pur ouvrage : et comme ce grand Maitre Sans prendre ton avis toi-même t'a fait naître, Sans prendre ton avis il renverse tes lois : Un bois sec rend du fruit par son ordre suprême; Par son ordre suprême, ô Vierge! tu conçois, Et ta virginité dans ta couche est la même.

Elle est toujours la même, et ce grand Souverain
En conserve les fleurs toujours immaculées,
Alors qu'il fait germer dans ton pudique sein
La fleur de la campagne et le lis des vallées.
Ta prompte obéissance attire sa faveur
Qui te fait de la terre enfanter le Sauveur,
Sans que ta pureté demeure moins entière;
Et cette obéissance, enflant ta charité,
D'un amour tout divin fait comme une rivière
Qui s'épanche à grands flots sur notre aridité.

Un prophète promet une nouvelle étoile :
Du milieu de Jacob cet astre doit sortir;
Une verge nouvelle en doit aussi partir :
L'une et l'autre a paru, l'une et l'autre est ton voile.
La verge d'Israël dont Moab est battu

Est un portrait de ta vertu,

Qui de tous ennemis t'assure la défaite;
Et la fleur qu'elle porte est ton fils Jésus-Christ,
En qui d'étonnement la nature muette

Voit ce qu'elle attendoit et jamais ne comprit.

L'étoile garde encor sa chaleur tout entière,;
Bien qu'un rayon en sorte et brille sans égal.

La pureté de sa lumière

Fait toujours même honte à celle du cristal :
Ce rayon qui la laisse ainsi brillante et pure
De ton fils et de toi nous offre la figure;

De ce fils qui conserve en toi la pureté,

De toi qui le conçois sans souillure et sans tache,

Et qui gardes encor la même intégrité

Quand même de tes flancs pour naître il se détache.

Verge mystique d'Israël,

Par les prophètes tant promise,
Verge que le Père éternel
Sur toutes autres favorise,
De la racine de Jessé,

Comme ils nous l'avoient annoncé,
Nous te voyons sortir exempte de foiblesse :
Tu conçois par miracle, et ton merveilleux fruit
Rend pour toi compatible avecque la grossesse
Cette virginité que tout autre détruit.

N'es-tu pas cette étoile ensemble et cette verge,
Verge que de la grace arrose un clair ruisseau,
Étoile en qui Dieu fait un paradis nouveau,
Vierge et mère à la fois, et mère toujours vierge?
L'étoile a son rayon, et la verge a sa fleur :
Ton fils est l'un et l'autre, et de ce cher Sauveur
La fleur et le rayon nous présentent l'image,
Fleur céleste qui porte un miel tombé des cieux,
Et rayon dont l'éclat dissipe tout l'orage
Qui fit trembler la terre et gémir nos aïeux.

O verge dont aucune plante
N'égale la fertilité,
Étoile de qui la clarté

Sur toutes autres est brillante,
Tes paroles, tes actions
Ont toutes des perfections
Au-dessus de la créature;

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