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ses créatures; et puisque, par l'entrée que vous m'y donnez, je trouve et plus d'occasions et plus de facilité de lui rendre mes devoirs plus souvent, j'ai quelque droit de me promettre qu'étant illuminé de plus près, je pourrai répandre à l'avenir dans tous mes ouvrages, avec plus d'éclat et de vigueur, les lumières que j'aurai reçues de sa présence. Comme c'est un bien que je devrai entièrement à la faveur de vos suffrages, je vous conjure de croire que je ne manquerai jamais de reconnoissance envers ceux qui me l'ont procuré, et qu'encore qu'il soit très vrai que vous ne pourriez donner cette place à personne qui se sentit plus incapable de la remplir, il n'est pas moins vrai que vous ne la pouviez donner à personne, ni qui l'eût plus ardemment souhaitée, ni qui s'en tint votre redevable en un plus haut point, ni qui eût enfin plus de passion de contribuer de tous ses soins et de toutes ses forces au service d'une compagnie si célèbre, à qui j'aurai des obligations éternelles de m'avoir fait tant d'honneurs sans les mériter 1.

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PRÉFACES

DE L'IMITATION DE JÉSUS-CHRIST.

POUR LES VINGT PREMIERS CHAPITRES DU LIVRE PREMIER, PUBLIÉS EN 1651.

AU LECTEUR.

2........ Les matières y ont si peu de disposition à la poésie, que mon entreprise n'est pas sans quelque apparence de témérité. Et c'est ce qui m'a empêché de m'engager plus avant, que je n'aye consulté le jugement du public par ces vingt chapitres que je lui donne pour coup d'essai, et pour arrhes du reste. J'apprendrai, par l'estime ou le mépris qu'il en fera, si j'ai bien ou mal pris mes mesures, et de quelle façon je dois continuer; s'il me faut étendre davantage les pensées de mon auteur pour leur faire recevoir par force les agréments qu'il a méprisés, ou si ce peu que j'y ajoute quelquefois, par la nécessité de fournir une strophe, n'est point une liberté qu'il soit à propos de retrancher. Je pensois être le premier à qui il fût tombé en l'esprit de sanctifier la poésie par un ouvrage si précieux; mais je viens d'être surpris de le voir rendu en vers latins par le R. P. Thomas Mesler, bénédictin de l'abbaye impériale de Zuifalten, et imprimé à Bruxelles dès l'année 1649. Il s'en est acquitté si dignement, que je ne prétends pas l'égaler en notre langue. Je me contenterai de le suivre de loin, et de faire mes efforts pour rendre mon travail utile à mes lecteurs, sans aspirer à la gloire que le sien a méritée. Je ne prétends non plus à celle de donner mon suffrage parmi tant de savants, et me rendre partie en cette fameuse querelle touchant le véritable auteur d'un livre si saint. Que ce soit Jean Gersen, que ce soit Thomas A-Kempis, ou quelque autre qu'on n'aye pas encore mis sur les rangs, tachons de suivre ces instructions, puisqu'elles sont bonnes, sans examiner de quelles mains elles viennent. C'est ce qu'il nous ordonne lui-même dans le cinquième chapitre de ce premier livre, et cela doit suffire à ceux qui ne cherchent qu'à devenir meilleurs par sa lecture; le reste n'est important qu'à la gloire des deux ordres qui le veulent chacun revêtir de leurhabit. Je n'ai pas assez de suffisance pour pouvoir juger de leurs raisons, mais je trouve qu'ils ont raison l'un et l'autre de vouloir que l'Église leur soit obligée d'un si grand trésor; et, si j'ose en dire mon opinion, j'estime que ce grand personnage a pris autant de peine à n'être pas connu qu'ils en prennent à le faire connoître, et tiens fort vraisemblable qu'il n'eût pas osé nous donner ce beau précepte d'humilité dès le second chapitre, Ama nesciri, s'il ne l'eût pratiqué lui-même. Aussi ne puis-je dissimuler que je penserois aller contre l'intention de l'auteur que je traduis, si je portois ma curiosité dans ce qu'il nous a voulu et su cacher avec tant de soin. Ce m'est assez d'être assuré, par la lecture de son livre, que c'étoit un homme de Dieu, et bien illuminé du Saint-Esprit. J'y trouve certitude qu'il étoit prêtre; j'y trouve grande apparence qu'il étoit moine; mais j'y trouve aussi quelque répugnance à le croire Italien. Les mots grossiers dont il se sert assez souvent sentent bien autant le latin de nos vieilles pancartes que la corruption de celui delà les monts; et si je voyois encore quelques

Ce discours, écrit avec plus de negligence qu'aucun autre ouvrage de Corneille, semble prouver. par le peu de soin qu'il y dornina, son mépris secret pour l'Académie, qui, après avoir censuré le Cid par une basse complaisance pour le cardinal de Richelieu, avoit encore été assez injuste pour lui préférer deux fois deux hommes dont le nom est à peine connu. On sent combien un remerciement qui lui rappeloit nécessairement cette double injure dut lui paroître pénible à faire, et combien d'ailleurs il étoit au-dessous de lui. (P.)

* Comme en la préface générale de l'Imitation.

autres conjectures qui le pussent faire passer pour François, j'y donnerois volontiers les mains en faveur du pays.

POUR LES CINQ DERNIERS CHAPITRES

DU PREMIER LIVRE

ET LES SIX PREMIERS DU LIVRE SECOND,

PUBLIÉS EN 1652.

AU LECTEUR.

Je donne cette seconde partie à l'impatience de ceux qui ont fait quelque état de la première, et ce n'est pas sans un peu de confusion que je leur donne si peu de chose à la fois. Quelques uns même en pourront murmurer avec justice: mais après la grace qu'ils m'ont faite de ne point dédaigner ce qu'ils en ont vu, je pense avoir quelque droit d'espérer qu'ils ne me refuseront pas celle de se contenter de ce que je puis, et de n'exiger rien de moi par-delà ma portée. Le bon accueil qu'en a reçu le premier échantillon de cet ouvrage m'a bien enhardi à le poursuivre; mais il ne m'a pas donné la force d'aller bien loin sans me rebuter. Le peu de disposition que les matières y ont à la poésie, le peude liaison non seulement d'un chapitre avec l'autre, mais d'une période même avec celle qui la suit, et la quantité des redites qui s'y rencontrent, sont des obstacles assez malaisés à surmonter. Et si, outre ces trois difficultés qui viennent de l'original, vous voulez bien en considérer trois autres de la part du traducteur, peu de connoissance de la théologie, peu de pratique des sentiments de dévotion, et peu d'habitude à faire des vers d'ode et de stances, j'ose m'assurer que vous me trouverez assez excusable, quand je vous avouerai qu'après seize ou dix-sept cents vers de cette nature, j'ai besoin de reprendre haleine, et me reposer plus d'une fois dans une carrière si longue et si pénible. C'est ce que je fais avec d'autant plus de liberté, que je n'y vois aucun chapitre dont l'intelligence dépende de celui qui le précède, ou de celui qui le suit; et que, n'ayant point d'ordre entre eux, je puis m'arrêter où je me trouve las, sans craindre d'en rompre la tissure. Si Dieu me donne assez de vie et d'esprit, je tâcherai d'aller jusqu'au bout, et lors nous rejoindrons tous ces fragments. Cependant je conjure le lecteur d'agréer ce que je lui pourrai donner de temps en temps, et surtout de souffrir l'importunité de quelques mots que j'emploie un peu souvent. Les répétitions sont si fréquentes dans le texte de mon auteur, que quand notre langue seroit dix fois plus abondante qu'elle n'est, ma traduction l'auroit déja épuisée. Il s'y trouve même des mots si farouches pour la poésie, que je suis contraint d'en chercher d'autres qui n'y répondent pas si parfaitement que je souhaiterois, et n'en sauroient exprimer toute la force.

Je fais cette excuse particulièrement pour celui de consolations dont il se sert à tout propos, et qui a grande peine à trouver sa place dans nos vers avec quelque grace; celui de joie et celui de douceur que je lui substitue ne disent pas tout ce qu'il veut dire; et, à moins que l'indulgence du lecteur supplée ce qui leur manque, il ne concevra pas la pensée de l'auteur dans toute son étendue. II en est ainsi de quelques autres que je ne puis pas toujours rendre comme je voudrois. Je n'en veux pas toutefois imputer si pleinement la faute à la foiblesse de notre langue, que je ne confesse que la mienne y a bonne part; mais enfin je ne puis mieux, et de quelque importance que soit ce défaut, je n'ai pas cru qu'il me dût faire quitter un travail que d'ailleurs on me veut faire croire être assez utile au public, et pouvoir contribuer quelque chose à la gloire de Dieu et à l'édification du prochain.

POUR LA SUITE DU LIVRE SECOND,

PUBLIÉE EN 1653.

AU LECTEUR.

J'ai bien des graces à vous demander, mais aussi les difficultés qui se rencontrent en cette sorte de traduction méritent bien que vous ne m'en soyez pas avare. Le peu de disposition que les matières y ont à la poésie, le peu de liaison non seulement d'un chapitre avec l'autre, mais d'une période même avec celle qui la suit, et la quantité des redites, sont des obstacles assez malaisés à surmonter. Et si, outre ces trois qui viennent de l'original, vous voulez bien en considérer trois autres de la part du traducteur, peu de connoissance de la théologie, peu de pratique des sentiments de dévotion, et peu d'habitude à faire des vers d'ode et de stances, j'ose m'assurer que vous me pardonnerez aisément les défauts que je vois moi-même dans cet ouvrage, sans pouvoir l'en purger au point qu'on peut raisonnablement attendre d'un homme à qui les vers ont acquis quelque réputation. Surtout les répétitions sont si fréquentes dans le texte de mon auteur, que quand notre langue seroit dix fois plus abondante qu'elle n'est, je l'aurois déja épuisée. Elles ont bien lieu de vous importuner, puisqu'elles m'accablent; et j'avoue ingénument que je n'ai pu encore trouver le secret de diversifier mes expressions, toutes les fois qu'il me présente la même chose à exprimer. Le premier et le dernier chapitre de ce second livre en sont tout remplis; et comme je n'ai pu me résoudre à faire une infidélité à mon guide, que je suis pas à pas, de peur de m'égarer dans un chemin qui m'est presque inconnu, aussi n'ai-je pu forcer mon génie à n'y laisser aucune marque du dégoût que ces redites m'ont donné. Il se rencontre même dans son texte des mots si farouches pour la poésie, que je suis contraint d'avoir recours à d'autres qui n'y répondent pas si bien que je souhaiterois, et n'en sauroient faire passer toute la force en notre françois. Je fais cette excuse particulièrement pour celui de consolations, dont il se sert à tout propos, et qui a grande peine à trouver sa place dans les vers avec quelque grace. Ceux de tribulation, contemplation, humiliation, ne sont pas de meilleure trempe. La nécessité me les fait employer plus souvent que ne peut souffrir la douceur de la belle poésie; et quand je m'enhardis à en substituer quelques autres en leur place, je sens bien qu'ils ne disent pas tout ce que mon auteur veut dire, et qu'à moins que l'indulgence du lecteur supplée ce qui leur manque, il ne concevra pas sa pensée dans toute son étendue. Il en est ainsi de quelques autres encore que je ne puis pas rendre toujours comme je voudrois, et sont cause que les personnes bien illuminées, qui entendent et goûtent parfaitement l'original, ne trouvent pas leur compte dans ma traduction. Je n'en veux pas imputer si pleinement la faute à la foiblesse de notre langue, que je ne confesse que la mienne y a bonne part; mais enfin je ne puis mieux faire, et de quelque importance que soit ce défaut, je n'ai pas cru qu'il dût me faire quitter un travail que d'ailleurs on veut me faire, croire être assez utile au public et pouvoir contribuer quelque

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