vers des quinze livres des Métamorphoses, dont il n'avoit autrefois publié que les six premiers. De tous les ouvrages qui nous restent des anciens poëtes, il n'y en a point dont la matière soit plus diversifiée, et dont l'utilité soit plus connue: aussi presque toutes les nations se sont empressées à le traduire; les Grecs même n'ont pas dédaigné de le mettre en vers dans leur langue. Mais Ovide, qui s'arrête volontiers sur les endroits de la fable qui présentent des images riantes à la poésie. passe légèrement sur beaucoup de circonstances que personne peutêtre n'ignoroit de son temps, et que très peu de gens savent aujourd'hui. • M. Corneille y a suppléé par le commentaire du monde le plus ingénieux: il a inséré dans ces sortes d'endroits quelques vers surnuméraires, qui, répandant un nouveau jour sur la fable, en continuent si bien le sens, qu'on a peine à s'apercevoir qu'ils y soient ajoutés. C'est là le premier avantage : voici le second. Ces vers sont imprimés d'un caractère différent, et on peut les passer sans interrompre la liaison naturelle de ce qui précède et de ce qui suit. Ainsi il y a des notes pour ceux qui en ont besoin; c'est une traduction simple pour les autres, et un agrément particulier pour tous. Quand il plut au roi d'augmenter par un nouveau réglement l'Académie des Inscriptions, M. Corneille y fut appelé comme un sujet des plus utiles et des plus zélés: il l'étoit en effet. Son âge déja fort avancé ne l'empêchoit point de se rendre très régulièrement aux assemblées. Il perdit la vue bientôt après; mais cet accident si fâcheux ne diminua rien de son assiduité. D'autres infirmités succédant insensiblement à la perte de ses yeux, on le déchargea des travaux de l'Académie, dont l'entrée, droit de suffrage, et toutes les autres prérogatives, lui furent conservées sous le titre de vétéran. M. Corneille, tout aveugle qu'il étoit, et accablé sous le poids des années, ne laissa pas de faire encore d'heureux efforts en faveur du public. Il lui donna d'abord les nouvelles observations de l'Académie françoise sur Vaugelas, qu'il avoit exactement recueillies. Il mit ensuite sous la presse son grand Dictionnaire géographique, qui l'occupoit depuis quinze ans, et qui n'a été achevé d'imprimer qu'un an avant sa mort. Ce recueil, qui est en trois volumes in-fol., est le plus ample que nous ayons en ce genre. Il contient non seulement une infinité d'articles que l'on chercheroit en vain dans les autres dictionnaires; mais on y trouve de plus, dans les articles communs, des circonstances et des particularités qui, les rendant beaucoup plus étendus, les rendent beaucoup plus curieux. Il en corrigea lui-même toutes les épreuves; il avoit dressé exprès un lecteur, dont il s'étoit rendu la prononciation si familière, qu'à l'entendre lire il jugeoit parfaitement des moindres fautes qui s'étoient glissées dans la ponctuation ou dans l'orthographe. Dès que l'impression de cet ouvrage fut achevée, M. Corneille se retira à Andelys, petite ville de Normandie, où il avoit du bien. Il y mourut la nuit du 8 au 9 du mois de décembre dernier 1709, âgé de quatre-vingt-quatre ans trois mois et quelques jours 1. Il avoit joui toute sa vie, si l'on en excepte les cinq ou six dernières années, d'une santé égale et robuste, malgré son application continuelle au travail. Il est vrai que personne ne travailloit avec tant de facilité. On dit qu'Ariane, sa tragédie favorite, ne lui avoit coûté que dix-sept jours 2, et qu'il n'en avoit donné que vingt-deux à quelques autres. Il étoit d'une conversation aisée, ses expressions vives et naturelles la rendoient légère sur quel que sujet qu'elle roulât. Il avoit conservé une politesse surprenante jusque dans ces derniers temps où l'âge sembloit devoir l'affranchir de beaucoup d'attentions; et à cette politesse il joignoit un cœur tendre qui se livroit aisément à ceux qu'il sentoit ètre du même caractère. Pénétré des vérités de la religion, il en remplissoit les devoirs avec la dernière exactitude, mais sans aucune affectation. Très sincèrement modeste, il n'avoit jamais voulu profiter des occasions favorables de se montrer à la cour, ni chez les grands; et, toujours empressé à louer le mérite d'autrui, on l'a vu plusieurs fois se dérober aux applaudissements que le sien lui attiroit. Il aimoit sur toutes choses une vie tranquille, quelque obscure qu'elle pût être, bienfaisant d'ailleurs, généreux, libéral même dans la plus médiocre fortune. Tous ceux qui l'ont connu le regrettent comme si la mort l'eût enlevé à la fleur de son âge; car la vertu ne vieillit point. 4 Il laissa une fille, qui épousa M. de Marsilly, et un fils nommé François, dont la fille fut mariée avec le comte de La Tour-du-Pin. (Biogr. univ.) 2 On rapporte dans la Bibliothèque des theatres qu'Ariane fut faite en quarante jours. Je ne suis pas étonné de cette rapidité dans un homme qui a l'habitude des vers, et qui est plein de son sujet. (VOLT.) - De Visé, dans le Mercure galant de janvier 1710, dit aussi qu'Ariane fut faite en quarante jours. www LISTE GÉNÉRALE DES OUVRAGES DE TH. CORNEILLE. POËMES DRAMATIQUES'. 1647. I. * LES ENGAGEMENTS DU HASARD, comédie en cinq actes et en vers. Sujet emprunté à Caldéron. 1648. II. * LE FEINT ASTROLOGUE, comédie en cinq actes et en vers. Sujet également imité de Caldéron. A la fin du quatrième acte, Mendoce, vieux domestique de Léonard, se plaint à Philippin, valet de D. Fernand, des malheurs attachés à la domesticité, et lui explique en ces termes les expédients dont il se sert pour corriger la fortune : Le moyen, en servant, d'amasser un teston? Et pouvons-nous avoir de quoi faire débauche PHILIPPIN. C'est-à-dire, en deux mots, que tu ferres la mule? Philippin lui conseille de retourner vite en son pays, s'il veut éviter d'apprendre à danser sous la corde, et lui offre comme un prompt moyen de transport une mule enchantée, sur laquelle il traversera les airs. Doutes-tu qu'il n'en soit presque de tous métiers? Il en est de sergents. il en est de notaires; Il en est de barbiers comme d'apothicaires → Ceux dont le titre est précédé d'un asterisque sont les seuls avoués par l'auteur. Sans cela d'où leur viendroient les cornes? Il en est de lourdauds, de hargneux et de mornes; Il en est d'enjoués, il en est de grondants, De danseurs sur la corde, et d'arracheurs de dents; ACTE V, SC. 7. 1650. III. * D. BERTRAND DE CIGARRAL, comédie en cinq actes et en vers. Dans le portrait que Guzman fait de son maître, on trouve ces deux vers: Goutteux ce que doit l'être un goutteux d'origine, ACTE I, SC. 2. Le dernier pourroit aujourd'hui être mal entendu. Voici l'interprétation que D. Bertrand lui-même en donne un peu plus loin. Il présente sa main sans gant à Isabelle, qui pousse un cri en la voyant. Ce n'est rien, reprend-il aussitôt, Ce n'est qu'un peu de gale; Je tâche à lui jouer pourtant d'un mauvais tour; 1651. IV. * L'AMOUR A LA MODE, comédie en cinq actes et en vers. On peut regarder le personnage d'Oronte comme l'original, ou du moins comme l'esquisse des petits-maîtres et des hommes à bonne fortune qu'on a depuis mis sur la scène. Le passage suivant appuiera cette remarque. CLITON. Plus je vous examine, et plus je vous admire: ORONTE. Et mon humeur t'étonne? CLITON. Je n'en connus jamais de plus caméléone: ORONTE. C'est ainsi que l'amour jamais ne me surprend; CLITON. Quoi! donner tout ensemble et reprendre son cœur, ORONTE. C'est amour, Cliton, et du meilleur. CI ITON. Mais l'amour, n'est-ce pas une ardeur inquiète, Un frissen tout de flamme, un accident confus Qui brouille la cervelle et rend l'esprit perclus? ORONTE. C'est l'amour du vieux temps; il n'est plus à la mode. CLITON. Il n'est plus à la mode? ORONTE Il est lourd et grossier. CLITON. Que faut-il faire donc pour le modifier? ORONTE. Ma conduite aisément te lèvera ce doute: Examine-la bien. CLITON. Ma foi, je n'y vois goutte. Si vous voulez m'instruire, il vaut mieux s'expliquer. ORONTE. Écoute pour cela ce qu'il faut pratiquer: Avoir pour tous objets la même complaisance, Savoir aimer par cœur, et sans que l'on y pense, Se plaindre d'un grand mal, et n'en point ressentir, |