Lorsque sous le plus juste et le plus grand des princes L'abondance et la paix règnent dans mes provinces, Rome, par quel destin tes Romains irrités Arrêtent-ils le cours de mes prospérités? Après avoir gagné victoire sur victoire, Et porté ma valeur au comble de la gloire, Après avoir contraint par mes illustres faits Mes rivaux orgueilleux à recevoir la paix, J'espérois d'établir une sainte alliance, D'unir les intérêts de Rome et de la France, Et de porter bien loin, par mes rares exploits, La gloire de mes lis et celle de la croix ; Mon monarque, chargé de lauriers et de palmes, Voyoit tous ses états et ses provinces calmes, Et, disposant son bras à quelque saint emploi, Ne vouloit plus combattre et vaincre que pour toi : Il t'offroit son pouvoir et sa valeur extrême : Mais tu veux l'obliger à te vaincre toi-même, Et, par un attentat et lâche et criminel, Tu fais de ses faveurs un mépris solennel ; On voit régner le crime avec la violence Où doit régner la paix avecque le silence; On voit les assassins courir avec ardeur Jusqu'au palais sacré de mon ambassadeur, Porter de tous côtés leur fureur vagabonde, Et violer les droits les plus sacrés du monde. Je savois bien que Rome élevoit dans son sein Des peuples adonnés au culte souverain, Des héros dans la paix, des savants politiques, Experts à démêler les affaires publiques, A conseiller les rois, à régler les états; Mais je ne savois pas que Rome eût des soldats.
Extraite d'un Recueil de Pièces en prose et en poésie, imprimé en Hollande en
Lorsque Mars désoloit nos campagnes fertiles, Tu maintenois tes champs et tes peuples tranquilles; Tout le monde agité de tant de mouvements Suivoit le triste cours de ses déréglements; Toi seule, dans le port, à l'abri de l'orage, Tu voyois les écueils où nous faisions naufrage;
Des princes irrités modérant le courroux,
Tu disposois le ciel à devenir plus doux;
Et, sans prendre intérêt aux passions d'un autre,
Tu gardois ton repos et tu pensois au nôtre;
Tu voyois à regret cent exploits inhumains,
Et tu levois au ciel tes innocentes mains;
Tu recourois aux vœux quand nous courions aux armes; Nous répandions du sang, tu répandois des larmes; Et, plaignant le malheur du reste des mortels,
Tu soupirois pour eux au pied de tes autels; Tu demandois au ciel cette paix fortunée; Et tu me la ravis dès qu'il me l'a donnée ! A peine ai-je fini mes glorieux travaux, Que tu veux m'engager à des combats nouveaux : Reine de l'univers, arbitre de la terre, Tu me prêchois la paix au milieu de la guerre; J'ai suivi tes conseils et tes justes souhaits, Et tu me fais la guerre au milieu de la paix! Détruisant les erreurs et punissant les crimes, J'ai soutenu l'honneur de tes saintes maximes; J'ai remis autrefois, en dépit des tyrans, Dans leur trône sacré tes pontifes errants, Et, faisant triompher d'une égale vaillance, Ou la France dans Rome, ou Rome dans la France, J'ai conservé tes droits et maintenu ta foi; Et tu prends aujourd'hui les armes contre moi! Quel intérêt t'engage à devenir si fière? Te reste-t-il encor quelque vertu guerrière ? Crois-tu donc être encore au siècle des Césars, Où, parmi les fureurs de Bellone et de Mars, Jalouse de la gloire et du pouvoir suprême, Tu foulois à tes pieds et sceptre et diadème? Dans ce fameux état où le ciel t'avoit mis Tu ne demandois plus que de grands ennemis;
Et, portant ton orgueil sur la terre et sur l'onde, Tu bravois le destin des puissances du monde, Et tu faisois marcher sous tes injustes lois Un simple citoyen sur la tête des rois;
Ton destin ne t'offroit que d'illustres conquêtes ; Ta foudre ne tomboit que sur de grandes têtes, Et tu montrois en pompe aux peuples étonnés Des souverains captifs et des rois enchaînés. Mais, quelques grands exploits que l'histoire renomme, Tu n'es plus cette fière et cette grande Rome ; Ton empire n'est plus ce qu'il fut autrefois, Et ce n'est plus un siècle à se moquer des rois; On ne redoute plus l'orgueil du Capitole, Qui fut jadis si craint de l'un à l'autre pole; Et les peuples, instruits de tes douces vertus, Adorent ta grandeur, mais ne la craignent plus. Que si le ciel t'inspire encor quelque vaillance, Va dresser tes autels jusqu'aux champs de Byzance ; Anime tes Romains à quelque effort puissant, Et va planter ta croix où règne le croissant ; Remplis les premiers rangs d'une sainte entreprise, Et voyons marcher Rome au secours de Venise; Pour tes sacrés autels toi-même combattant, Commence ces exploits que tu nous prêches tant, Ou laisse-moi jouir dans la paix où nous sommes D'un repos que je viens de procurer aux hommes : J'ai vu de tous côtés mes ennemis vaincus, Et je suis aujourd'hui ce qu'autrefois tu fus; Les lois de mon état sont aussi souveraines, Mes lis vont aussi loin que tes aigles romaines; Et, pour punir le crime et l'orgueil des humains, Mes François aujourd'hui valent les vieux Romains. L'invincible Louis, sous qui le monde tremble, Ne vaut-il pas lui seul tous les héros ensemble? La victoire sous lui ne se lassant jamais Lui fournit des sujets de vaincre dans la paix : Dans ce comble d'honneur où lui seul peut atteindre, Tout désarmé qu'il est, il sait se faire craindre; Il dompte ses rivaux et sert ses alliés, Voit, même dans la paix, des rois humiliés;
Il auroit su venger tant de lois violées, Et tu verrois déja tes plaines désolées, Tu verrois et tes chefs et tes peuples soumis; Mais tu n'as pas pour lui d'assez grands ennemis ; Et, dans le mouvement de gloire qui le presse, Tu tiens ta sûreté de ta seule foiblesse : Que n'es-tu dans le temps où tes héros guerriers Eussent pu lui fournir des moissons de lauriers! Pour arrêter sur toi ses forces occupées, Où sont tes Scipions, tes Jules, tes Pompées? Tu le verrois courir au milieu des hasards, Affronter tes héros et vaincre tes Césars, Et, par une conduite aussi juste que brave, Affranchir de tes fers tout l'univers esclave: Mais, puisque ta fureur ne se peut contenir, Après tant de mépris il faudra te punir; La gloire des héros n'est jamais assez pure, Et le trône jaloux ne souffre point d'injure; Ne te flatte plus tant sur ton divin pouvoir; On peut mêler la force avecque le devoir : Des monarques pieux, des princes magnanimes Ont révéré tes lois en punissant tes crimes; Ils ont eu le secret de partager leurs cœurs, D'être tes ennemis et tes adorateurs, De soutenir leur rang, et sauver leur franchise En se vengeant de toi et non pas de l'Église; Ils ont su réprimer ton orgueil obstiné Sans choquer le pouvoir que le ciel t'a donné, Et séparer enfin, dans une juste guerre, Les intérêts du ciel d'avec ceux de la terre. Sur l'exemple fameux de ces rois sans pareils Inspire à mon héros ces fidèles conseils. Prince, dont la valeur et la sagesse est rare, Ménage ta couronne avecque ta tiare; Donne aux siècles futurs un exemple immortel; Garde les droits du trône et les droits de l'autel; Qu'à ton ressentiment la piété s'unisse; Louis, fais grace à Rome en te faisant justice; Pense aux devoirs sacrés d'un monarque chrétien; Fais agir ton pouvoir, mais révère le sien;
Et, melant au courroux le respect et la crainte, Punis Rome l'injuste, et conserve la sainte.
ODE AU RÉVÉREND P. DELIDEL,
DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS,
SUR SON TRAITÉ DE LA THÉOLOGIE DES SAINTS 1.
Toi qui nous apprends de la grace Quelle est la force et la douceur, Comme elle descend dans un cœur, Comme elle agit, comme elle passe ; Docte écrivain, dont l'œil perçant Va jusqu'au sein du Tout-Puissant Pénétrer ce profond abyme;
Que les hommes te vont devoir ! Et que le prix en est ineffable et sublime De ces biens que par-là tu mets en leur pouvoir !
Oui, tant que durera ta course, Tu peux, mortel, à pleines mains Puiser des bonheurs souverains En cette inépuisable source. Un guide si bien éclairé Te conduit d'un pas assuré Au vivant soleil qui l'éclaire:
Suis, mais avec zèle, avec foi,
Suis, dis-je, tu verras tout ce qu'il te faut faire;
Et, si tu ne le fais, il ne tiendra qu'à toi.
Tu pèches, mais un Dieu pardonne,
Et pour mériter ce pardon
Il te fait ce précieux don;
Il n'en est avare à personne.
Reçois avec humilité,
Conserve avec fidélité
Ce grand appui de ta foiblesse :
Avec lui ton vouloir peut tout;
Cette ode se trouve au commencement de ce Traité, imprimé à Paris en 1668,
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