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Implorer le grand Maître, et tous les immortels;
Ses temples sont ornés, des lumières sans nombre
Y redoublent le jour, y font des nuits sans ombre :
Son prélat donne l'ordre, et par un saint emploi
Répond aux dignités dont l'honore son roi.

L'effet suit tant de vœux; les plus puissantes villes
Semblent n'avoir pour nous que des remparts fragiles;
On les perce, on les brise, on écrase les forts :
Il y pleut mille feux, il y pleut mille morts.
Les fleuves, les rochers, ne sont que vains obstacles;
Notre camp à toute heure est fertile en miracles;
Et l'exemple d'un roi qui se mêle aux dangers,
Enflant le cœur aux siens, l'abat aux étrangers.
Besançon voit bientôt sa citadelle en poudre,
Dôle avertit Salins de ce que peut sa foudre:
Et toute la Comté, pour la seconde fois,
Rentre sous l'heureux joug du plus juste des rois.
Mais ce n'est encor rien; et tant de murs par terre
N'étalent aux regards que l'essai d'une guerre,
Où le manque de foi, qu'il commence à punir,
Voit le prélude affreux d'un plus rude avenir.
Généreux citoyens de cette immense ville,
A qui par ce grand roi tout commerce est facile,
Vous qui ne trouvez point de bords si peu connus
Où son illustre nom ne vous ait prévenus;
Si vous n'exposez point de sang pour sa victoire,
Vos cœurs, vos dons, vos vœux, ont du moins cette gloire
Que votre exemple montre au reste des sujets
Comme il faut d'un tel prince appuyer les projets.
Plus à ses ennemis il fait craindre ses armes,

Plus la paix qu'il souhaite aura pour vous de charmes.
Ce sera, peuple, alors que par d'autres vertus
Ses lois triompheront des vices abattus;
Chaque jour, chaque instant lui fournira matière
A déployer sur vous sa bonté tout entière;
Les malheurs que la guerre aura trop fait durer,
Cette même bonté saura les réparer.

Pour augure certain, pour assuré présage,

Dans ces dons qu'il vous rend il vous en donne un gage;

Et si jamais le ciel remplit ce doux souhait,
Vous voyez son amour, vous en verrez l'effet.

Présenté par les gardes des marchands
de la ville de Paris.

LXIII.

AU ROI,

SUR CINNA, POMPÉE, HORACE, SERTORIUS, OEDIPE, RODOGUNE, QU'IL A FAIT REPRÉSENTER DE SUITE DEVANT LUI A VERSAILLES, EN OсTOBRE 1676.

Est-il vrai, grand monarque, et puis-je me vanter
Que tu prennes plaisir à me ressusciter;
Qu'au bout de quarante ans, Cinna, Pompée, Horace,
Reviennent à la mode, et retrouvent leur place,
Et que l'heureux brillant de mes jeunes rivaux
N'ôte point leur vieux lustre à mes premiers travaux?

Achève : les derniers n'ont rien qui dégénère,
Rien qui les fasse croire enfants d'un autre père;
Ce sont des malheureux étouffés au berceau,
Qu'un seul de tes regards tireroit du tombeau.
On voit Sertorius, OEdipe, et Rodogune,
Rétablis par ton choix dans toute leur fortune;
Et ce choix montreroit qu'Othon et Suréna
Ne sont pas des cadets indignes de Cinna.
Sophonisbe à son tour, Attila, Pulchérie,
Reprendroient pour te plaire une seconde vie;
Agésilas en foule auroit des spectateurs,
Et Bérénice enfin trouveroit des acteurs.
Le peuple, je l'avoue, et la cour, les dégradent;
Je foiblis, ou du moins ils se le persuadent;
Pour bien écrire encor j'ai trop long-temps écrit,
Et les rides du front passent jusqu'à l'esprit.
Mais contre cet abus que j'aurois de suffrages,
Si tu donnois les tiens à mes derniers ouvrages!
Que de tant de bonté l'impérieuse loi

Ramèneroit bientôt et peuple et cour vers moi!

Tel Sophocle à cent ans charmoit encore Athènes, Tel bouillonnoit encor son vieux sang dans ses veines,

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Diroient-ils à l'envi, lorsque OEdipe aux abois
De ses juges pour lui gagna toutes les voix.
Je n'irai pas si loin; et si mes quinze lustres
Font encor quelque peine aux modernes illustres,
-S'il en est de fâcheux jusqu'à s'en chagriner,
Je n'aurai pas long-temps à les importuner.

Quoi que je m'en promette, ils n'en ont rien à craindre :
C'est le dernier éclat d'un feu prêt à s'éteindre ;
Sur le point d'expirer il tâche d'éblouir,
Et ne frappe les yeux que pour s'évanouir.
Souffre, quoi qu'il en soit, que mon ame ravie
Te consacre le peu qui me reste de vie :
L'offre n'est pas bien grande, et le moindre moment
Peut dispenser mes vœux de l'accomplissement.
Préviens ce dur moment par des ordres propices;
Compte mes bons desirs comme autant de services.

Je sers depuis douze ans, mais c'est par d'autres bras
Que je verse pour toi du sang dans nos combats :
J'en pleure encore un fils', et tremblerai pour l'autre
Tant que Mars troublera ton repos et le nôtre :
Mes frayeurs cesseront enfin par cette paix
Qui fait de tant d'états les plus ardents souhaits.
Cependant, s'il est vrai que mon service plaise,
Sire, un bon mot, de grace, au père de La Chaise 2.

LXIV.

AU ROI.

Plaise au roi ne plus oublier

Qu'il m'a depuis quatre ans promis un bénéfice3,
Et qu'il avoit chargé le feu père Ferrier

De choisir un moment propice,

Qui pût me donner lieu de l'en remercier :

Le père est mort, mais j'ose croire

Un des fils de Corneille se trouva au passage du Rhin, et fut tué dans une sortie, au siége de Grave, en 1674. Il servoit dans les armées du roi, en qualité de lieutenant de cavalerie.

• Confesseur du roi, qui avoit la feuille des bénéfices.

* Vers l'année 1680, le roi gratifia un des fils de Corneille de l'abbaye d'Aiguevive, près de Tours.

Que si toujours Sa Majesté
Avoit pour moi même bonté,

Le père de La Chaise auroit plus de mémoire,

Et le feroit mieux souvenir

Qu'un grand roi ne promet que ce qu'il veut tenir.

LXV.

A MONSEIGNEUR

SUR SON MARIAGE' (1680).

Prince, l'appui des lis et l'amour de la France,
Toi, dont au berceau même elle admira l'enfance,
Et pour qui tous nos vœux s'efforçoient d'obtenir
Du souverain des rois un si bel avenir,
Aujourd'hui qu'elle voit tes vertus éclatantes
Répondre à nos souhaits, et passer nos attentes,
Quel supplice pour moi, que l'âge a tout usé,
De n'avoir à t'offrir qu'un esprit épuisé!

D'autres y suppléeront, et tout notre Parnasse
Va s'animer pour toi de ce que j'eus d'audace,
Quand sur les bords du Rhin, pleins de sang et d'effroi,
Je fis suivre à mes vers notre invincible roi.

Ce cours impétueux de rapides conquêtes,
Qui jeta sous ses lois tant de murs et de têtes,
Sembloit nous envier dès-lors le doux loisir
D'écrire le succès qu'il lui plaisoit choisir :
Je m'en plaignis dès-lors; et quoi que leur histoire
A qui les écriroit dût promettre de gloire,
Je pardonnai sans peine au déclin de mes ans,
Qui ne m'en laissoient plus la force ni le temps;
J'eus même quelque joie à voir leur impuissance
D'un devoir si pressant m'assurer la dispense;
Et, sans plus attenter aux miracles divers
Qui portent son grand nom au bout de l'univers,
J'espérai dignement terminer ma carrière,
Si j'en pouvois tracer quelque ébauche grossière
Qui servît d'un modèle à la postérité

Avec Anne-Marie-Christine de Bavière, fille de l'électeur Ferdinand-Marie, et d'Henriette-Adelaïde de Savoie. (P.)

De valeur, de prudence, et d'intrépidité :
Mais, comme je tremblois de n'y pouvoir suffire,
Il se lassa de vaincre, et je cessai d'écrire ;
Et ma plume, attachée à suivre ses hauts faits,
Ainsi que ce héros acheva par la paix.

La paix, ce grand chef-d'œuvre, où sa bonté suprême
Pour triomphe dernier triompha de lui-même,
Il la fit, mais en maître : il en dicta les lois ;
Il rendit, il garda les places à son choix :
Toujours grand, toujours juste, et, parmi les alarmes
Que répandoit partout le bonheur de ses armes,
Loin de se prévaloir de leurs brillants succès,
De cette bonté seule il en crut tout l'excès;
Et l'éclat surprenant d'un vainqueur si modeste
De mon feu presque éteint consuma l'heureux reste.

Ne t'offense donc point si je t'offre aujourd'hui

Un génie épuisé, mais épuisé pour lui :
Tu dois y prendre part; son trône, sa couronne,
Cet amas de lauriers qui partout l'environne,
Tant de peuples réduits à rentrer sous sa loi,
Sont autant de dépôts qu'il conserve pour toi;
Et mes vers, à ses pas enchaînant la victoire,
Préparoient pour ta tête un rayon de sa gloire.

Quelle gloire pour toi d'être choisi des cieux
Pour digne successeur de tous nos demi-dieux !
Quelle faveur du ciel de l'être à double titre
D'un roi que tant d'états ont pris pour seul arbitre,
Et d'avoir des vertus prêtes à soutenir
Celles qui le font craindre et qui le font bénir !
C'est de tes jeunes ans ce que ta France espère
Quand elle admire en toi l'image d'un tel père.
N'aspire pas pourtant à ses travaux guerriers :
Où trouveras-tu, prince, à cueillir des lauriers,
Des peuples à dompter, et des murs à détruire?
Vois-tu des ennemis en état de te nuire ?
Son bras ou sa valeur les a tous désarmés ;
S'ils ont tremblė sous l'un, l'autre les a charmés.
Quelques lieux qu'il te plaise honorer de ta vue,
Un respect amoureux y prévient ta venue;
Tous les murs sont ouverts, tous les cœurs sont soumis,

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