Anciennes ordonnances & ftatuts du métier de taillanderie, pourpointerie & peuffeterie, remis en vigueur à la demande des maîtres jurés de Louviers.

1451, 9 mars, à Louviers.

TOUS ceux qui ces préfentes lettres verront ou orront, Richar Bacheler, bailly de Louviers & de Gaillon, comme de longtemps il ait audit lieu de Louviers, ville de roy régie & gouvernée en juftice, en toute bonne police, & pour ce faire y euft en chacun mestier, eftat & marchandises, ordonnances & establissements faits & donnez par la justice à la requeste des parties & jurez eftablis chacun an pour vifiter & refraindre les malefices qui fur ce [fe] peuvent commettre, en préjudice du bien public, vitupere & deffense de ladite ville... & lefquelles ordonnances en tant qu'ils touchent & regardent l'eftat & meftier de taillanderie, pourpointerie, peuffeterie & leurs appartenances, ayant efté par cydevant perdues

& alliénez à l'occasion des guerres & longues divifions qui ont eu cours en ce royaume, pour lefquelles caufes les maiftres jurez defdits mestiers à présent se font naguères tournez devers nous & les autres officiers en juftice d'icelle ville, requérant fur ce eftre pourvû de remède convenable à l'honneur de la juftice..... & euffent mis certains articles à ce fervant & recouverts ès notables villes prochaines, affin d'y donner regle & provision nécessaire & pertinent, lesquels articles nous avons pour ce montrez aux confeulx, procureur & officiers de monsieur l'archevefque audit lieu de Louviers, pour avoir leur bon advis..... Premièrement, que dorénavant en entretenant les anciennes ordonnances & ainffy que usé en est ès autres bonnes villes, nul ne foit receu à leur ouvroir dudit mestier en icelle ville & fauxbours fans faire apparoir qu'il en aye efté paffé maistre en cette ville & de juftice..... affin que par mal engin, ignorance & non fuffifance ils ne puiffent préjudicier..... Apprentifs & apprentiffes jureront garder les ordonnances..... Pour garder lesdites ordonnances feront eftablis par la juftice, chacun an, deux maiftres jurez dudit meftier ès affemblées d'apprez Noüel, de l'élection & présentation des autres ouvriers, lefquels jureront vifiter..... Ils les amèneront à justice affin des délinquans eftre punis felon l'exigence des cas. Sçavoir faisons qu'en la viconté dudit Louviers, tenue par nous bailly deffus nommé, le neuf mars mil quatre cents cinquante & un, après que lefdites ordonnances eurent efté leues en jugement, nous désirant toute bonne pollice de juftice eftre observée..... Veu par nous..... grand & meure délibération avec les gens & officiers de monfieur l'archevefque, à la prière & requeste defdits ouvriers, avons dit & déclaré par l'advis & délibération dessufdit du confeil & confentement defdits ouvriers..... lefdites ordonnances eftre louables & vallables & profitables, & avons, par l'advis & délibération que deffus confirmées & approuvées, confirmons & approuvons par ces préfentes..... lefquelles ordonnances ont promis & juré tenir, entretenir & accomplir.à tousjours.

Collation faite, &c.

Archives de la Seine-Inférieure. Fonds de l'Archevêché, G. 994. (Copie par extrait.)

DLXXVIII.

Guillaume Manchon, curé de Saint-Nicolas-le-Painteur, à Rouen, vient témoigner que, fuivant la commune opinion, les Anglais n'auraient jamais ofé faire le fiége de Louviers tant que Jeanne d'Arc aurait vécu.

1452, 8 mai, à Rouen.

D

ISCRETUS vir, dominus Guillelmus Manchon, presbyter,

curatus ecclefiæ

parochialis Sancti Nicolaï Pictoris Rothomagenfis, ætatis LVII. annorum, vel circa, juratus & examinatus dieta die, octava menfis maii.

Super XXVI. articulo, dicit, de odio & timore, prout fupra depofuit; addendo quod rumor erat quod nunquam Anglici aufi fuiffent ponere obfidionem in Locoveris quamdiu ipfa vixiffet. Et, de fine articuli, dicit quod credit quod Anglici tendebant per hanc viam dare notam Regi Franciæ. Et ulterius dicit quod, in fermone facto in Sancto Audoeno per magiftrum Guillelmum Erard, ipfe Erard exclamando dixit : « O nobilis domus Francia! tu femper fuifti fine macula & reprehenfione erroris; nunc effet magna pietas quod incideres in talem errorem, ficut de adhibendo fidem ifti mulieri! »>

J. Quicherat, Procès de réhabilitation de Jeanne d'Arc, II, 344-345.

DLXXIX.

Même témoignage de frère Ifambart de La Pierre, de l'ordre des Frères Prêcheurs.

R

1452, 9 mai, à Rouen.

ELIGIOSUS & honeftus vir, frater Yfambardus de Petra, presbyter, in theologia baccalarius, ætatis LX. annorum, vel circa, ordinis Fratrum Prædicatorum, juratus & examinatus die martis prædicta.

Super II. articulo, dicit fimpliciter ipfum articulum continere veritatem; & fama erat, in hac civitate Rothomagenfi, quod Anglici non erant aufi obfidere villam de Locoveris quamdiu viveret ipfa Johanna, & donec mortua effet.

J. Quicherat, Procès de réhabilitation de Jeanne d'Arc, II, 348.

DLXXX.

Même témoignage de Jean Riquier, curé de l'églife paroiffiale d'Heudicourt.

1452, 9 mai, à Rouen.

OMINUS Johannes Riquier, presbyter, curatus ecclefiæ parochialis de Heudicurte,

Do

ætatis XL. annorum, vel circa, juratus & examinatus dicta die martis, nona maii.

Super II. dicit quod fimiliter credit ipfum articulum esse verum in forma; & addit quod dicebatur communiter quod Anglici non audebant ponere obfidionem in Locoveris, donec mortua effet.

J. Quicherat, Procès de réhabilitation de Jeanne d'Arc, II, 373.

DLXXXI.

Le même Jean Riquier vient encore témoigner plus tard, qu'étant chorifte à l'église cathédrale de Rouen, il avait entendu dire par plufieurs dignitaires de cette églife, que les Anglais avaient une telle peur de Jeanne d'Arc, que de fon vivant ils n'euffent ofé mettre le fiége devant Louviers.

VE

1452", à Rouen.

ENERABILIS vir, dominus Johannes Riquier, presbyter, cappellanus in ecclefia Rothomagenfi, & curatus ecclefiæ parochialis de Heudicuria, dioecefis Rothomage nfis, ætatis XLVIj. annorum vel cocirca, teftis citatus, productus, juratus & examinatus.

De contentis in V., VI., VII. & VIII. articulis, dicit quod verum eft quod ipfa Johanna fuit adducta ad hanc civitatem Rothomagenfem, & contra eam proceffus agitatus in materia fidei. Et erat tunc ipfe loquens chorarius ecclefiæ Rothomagenfis, & aliquando a dominis ecclefiæ audiebat loqui de hujufmodi proceffu; & inter coetera audivit dici a magiftro Petro Morice & Nicolao Loyfeleur & aliis de quibus non recordatur, quod ipfi Anglici tantum timebant eam quod non audebant, ipfa vivente, ponere obfidionem ante villam de Locoveris, quoufque effet mortua, & quod neceffarium erat eis complacere; quod fieret celeriter proceffus contra eam, & quod adinveniretur occafio mortis fuæ. Et credit quod quidquid factum fuit, id actum exftitit ad interceffionem & expenfas Anglicorum. Et fama tunc erat quod multi qui affiftebant hujufmodi proceffui, libenter abftinuiffent, & quod plus timore quam aliàs hujufmodi proceffui aderant.

J. Quicherat, Procès de réhabilitation de Jeanne d'Arc, III, 188, 189.

a Dans le Ms. de M. T. Bonnin cette pièce porte la date incertaine de « 1455?» on voit bien que dans cette autre dépofition, Jean Riquier s'y montre âgé de 47 ans environ (circa); tandis que dans la pièce précédente, on ne lui donne que l'âge de 40 ans environ (vel circa), quoi qu'il en foit de cette différence d'âge, nous n'avons pas cru devoir

féparer ces deux dépofitions de Jean Riquier des autres témoignages qui viennent affirmer la même opinion, à favoir la crainte qu'inspirait aux Anglais la valeureuse Jeanne d'Arc, fans la mort de laquelle Louviers aurait été préfervé de toute attaque de leur part.

A. CH.

DLXXXII.

Décès de Raoul Rouffel, archevêque de Rouen, et 26 comte de Louviers.

1452, dernier jour de décembre, à Rouen.

ADULFUS Rouffel.

Ecclefiæ Rotomagenfis Canonicus ac thefaurarius Radulfus, libellorumque fupplicum magifter, ex oppido Vernone, in Normannia oriundus, renunciatur archiepifcopus pridie non. decemb. anno 1443, receptusque per procuratorem pridie calendas julii, confecratus eft anno fequenti vii calendas Augusti in Basilica Sti Audoeni (1444), atque eodem die cathedralem ædem confueta inaugurationis pompa ingreffus eft.....

Extremum diem claufit, ex epitaphio fuo, pridie calendas novembris, aut dominica pridie calend. januarii, ex Sammarthanis, anno 1452, tumulatus in metropolis fuæ facello B. Mariæ, fecundo januarii die "....

Gallia Chriftiana, t. XI, col. 89.

a S'il n'a pas été fait mention de cet archevêque à la date de fon élection (1443), c'eft que dans le manufcrit qui nous eft confié il ne s'eft pas rencontré de titres, de 1443 à 1452, où le nom de Raoul Rouffel fût en évidence. Pour réparer cette lacune, nous faififfons ici l'occafion qui fe présente de rapporter en fubftance ce que l'on fait de ce prélat, comte de Louviers.

Après la mort du cardinal de Luxembourg, le chapitre de Rouen avait élu Raoul Rouffel pour être fon archevêque. Son élection fe fit le 4 décembre 1443. Laquelle ayant été ratifiée par le pape Eugène IV, il fut reçu folennellement dans fon église le 26 juillet de l'année suivante, après avoir été confacré dans l'églife de Saint-Ouen, par les évêques de Bayeux, d'Avranches et de Lifieux.

Bien que fa nomination à l'évêché de Rouen eût été permife par Henri VI, Raoul Rouffel ne fupportait cependant qu'à regret la domination anglaife, confervant toujours une affection fincère pour la France. Enfin il put voir avant de mourir la capitale de la Normandie et toute la province rentrer fous

l'obéiffance de Charles VII, à quoi, affure-t-on, il ne contribua pas peu par fa fageffe et fa prudence. Nous trouvons à fignaler fous fon pontificat quelques faits tirés des comptes de l'archevêché, et qui intéreffent Louviers et Gaillon, à favoir : que de 1450 à 1451, il fut payé une certaine fomme « à Colin Martinot pour eftre allé vers le Roy à Tours, à la fanchelerie, & à Monbafon ou eftoit le Roy pour impestrer unes lettres royaux pour eftre receu à oppofition contre le capitaine de Gaillart (ChâteauGaillard), qui contraignet les habitants de Gaillon & d'Aubevoie, par vertu de lettres royaux, pour aller au gais (guet) à Gaillart ».

De 1451 à 1452 il y eut Procès contre Breffey (de Brezé), capitaine de Louviers, qui contraignait ceux de Pinterville à aller au guet ». Et « ajournement des nobles de Louviers pour venir quérir à Rouen les clercs prifonniers de la court d'Eglife & les conduire aux prifons de l'archevêque à Louviers ». Comptes de P. Le François, G. 49 & G. 5o.

A. CH.