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Mém. de Du Bellay,

Liv. 3.

CHAPITRE XV.

Expédition de Naples. Défection d'André Doria.

DE's qu'on fut le Pape arrivé à

1528. Orviete, les Puiffances d'Italie s'emprefferent de le féliciter fur fa délivrance. Le Pape reconnut qu'il la devoit aux bons offices des François, & à la marche de Lautrec vers Rome; il écrivit à ce Général pour l'en remercier, & il ne ménagea aucune des expreffions de la plus vive reconnoiffance. Au refte il offrit dès lors fa médiation pour la paix à toutes les Puiffances ennemies; il y eut vers ce temps quelques négociations infructueufes qui ne firent que rendre la guerre plus animée,

Lautrec réfolut de la porter dans le Royaume de Naples, voulut profiter de la reconnoiffance que le Pape témoignoit, pour l'engager de

nouveau dans la Ligue qui lui avoit été fi fatale; il traverfa l'Etat de 1528. l'Eglife en Vainqueur ami, en Libérateur du Pape; il lui fit rendre Imola & Rimini; mais le Pape craignoit de fe replonger dans les malheurs dont il étoit à peine délivré; il demandoit de quel fecours il pouvoit être à la Ligue, dans l'état de foibleffe où il étoit réduit, fans ar gent, fans troupes, & prefque fans places. Il vouloit que Lautrec forçât les Vénitiens de lui rendre Ravenne & Cervia, mais ni Lautrec, ni le Roi ne pouvoient employer que leurs bons offices auprès de la République; ils ne vouloient ni ne devoient se brouiller avec elle. Un autre obftacle empechoit encore l'acceffion du Pape à la Ligue, c'étoit le Traité fait avec le Duc de Ferrare pendant la prifon du Pape. Par ce traité la France affuroit au Duc de Ferrare la poffeffion de fes Etats, Les Papes, toujours ennemis du Duc de Ferrare, ne pouvoient ratifier cette claufe, Clément offroit cepen

Guicciard liv, 18.

dant de traiter avec le Duc, mais: 1528. ..vouloit qu'on remît les chofes dans l'état où elles étoient avant fa prifon. Lautrec, toujours négociant avec le Pape, toujours fe plaignant de fes irréfolutions, toujours efpérant les vaincre, s'avançoit vers le Royaume de Naples, qui alloit enfin devenir férieufement le théâtre de la guerre.

Mém. de Du Bellay, Av. 3.

Les Impériaux, débarraffés du foin gênant de garder le Pape, fe retirerent dans ce Royame, & fe livrerent entiérement au foin de le défendre. La marche de Lautrec étoit pénible, elle fe faifoit au milieu d'un hyver très- rigoureux; plus de trois cens hommes de fon armée, moururent de froid fous fes yeux dans l'Abbruzze; il arriva dans la Capitanate, où il partagea fon armée en plufieurs corps pour la commodité des vivres. Le Prince d'Orange en ayant été averti, vint pour les couper: Lautrec étoit à Lucera. Le Prince d'Orange à Troïa. Lautrec voyant fon deffein, fe hâr

ta de réunir toute fon armée à Lucera. Le Prince d'Orange parut you- 1528. loir traverser la jonction, mais la fiere contenance de Lautrec lui en impofa, & l'arrêta entiérement fans même qu'il ofât rifquer la moindre efcarmouche.

Après la jonction ce furent les François qui allerent chercher les Impériaux dans leur camp de Troïa; ceux-ci en fortirent comme s'ils euffent voulu attaquer eux-mêmes Lautrec, mais il n'y eut que de foibles efcarmouches & les Impériaux rentrerent dans leurs retranchemens, d'où il ne fut plus poffible de les retirer. Le Maréchal de Lautrec tourna autour du camp, parut fur tou tes les montagnes voifines, infulta. le camp de tous côtés par fon artillerie rien ne fut capable d'émou voir les Impériaux. Il ne reftoit plus que deux partis à prendre, il falloit ou renoncer à les combattre, ou les forcer dans leurs retranchemens; l'armée inclinoit fort pour ce des nier parti, les Suiffes baifoient la Tome IV,

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terre avec ardeur, (1) tous les fol1528. dats crioient qu'on les menât à l'enGuicciard, nemi. Lautrec ne fut point de cet diy. 18. avis; il en fut loué, il en fut blâmé. Ses raisons étoient qu'il ne pouvoit livrer cette bataille fans une perte irréparable des plus braves gens de fon armée dont il avoit befoin pour la conquête du Royaume de Naples, & que d'ailleurs il vouloit attendre les bandes noires qui devoient inceffamment le joindre. C'étoit la fameufe troupe de Jean de Médicis, commandée alors par Horace Baglionè; elle n'arriva qu'au bout de huit jours. Pendant tout ce temps les armées refterent dans la même pofition; feulement les braves des deux partis fe fignalerent par quelques efcarmouches. Lautrec n'en négligea aucune & parut dans plufieurs au milieu du péMém. de ril, l'armet en tête & l'épée à la Du Bellay, main. Plufieurs foldats périrent entiv. 3.

(1) Signe d'impatience & de defir de come battre.

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