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Quels excès en ces lieux vont le renouveller!
Malheureuse Fausta, qu'ai-je à te révéler!
Que de pleurs te prépare un pere trop coupable!
Helas! pour te fauver, il faut que je t'accable,
Et toi dont je voulois enfevelir l'horreur,
Déteftable fecret, ne fouille plus mon cœur.
Sur ce myftere affreux répandons la lumière,
Et reprenons enfin ma vertu toute entiére.
Mais pourai-je obtenir ce fatal entretien?
Maurice ne vient pas, je l'apperçois ; eh bien....

SCENE II.

MAURICE, AURELE,

AURELE.

L'Imperatrice enfin confent-elle à m'entendre ?

Pourrai-je lui parler ?

MAURICE.

Vous la pouvez attendre,

Seigneur, vous vous troublez.. Et pourquoi la revoir?

Que ne la fuyez-vous..

AURELE.

Eft-il en mon pouvoir.

MAURICE.

Je ne dois plus entrer dans votre confidence;

Mais duffai-je aujourd'hui commettre une impru dence,

L'amitié tient fur vous mes yeux trop attachés,
Pour ne pas découvrir ce que vous me cachés,
On a donc corrompu le fang de Marc Aurele,
Et vous n'en êtes plus l'imitateur fidéle ›
Souffrez, lorfque je vois un fi grand changement,
Que je ne garde plus aucun ménagement;
Depuis affez long-tems, l'inutile efpérance,
D'un retour déformais, hors de toute apparence,
A contenu mon zéle, & fufpendu ma voix;
Je vais vous offenfer pour la premiere fois,

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Votre amitié m'eft chere, & jamais ne m'offense;
Remis entre vos mains dès ma plus tendre enfance,
Je n'ai fçu qu'applaudir à vos fages avis,
Et j'ofe me flatter de les avoir fuivis,

MAURICE.

Eft-ce en entretenant ces liaisons intimes,
Ce commerce odieux, ces noeuds illégitimes?
Avec qui vivez-vous? Jufte Ciel ! je frémis;
Maximien vous compte au rang de fes amis,
Lui qui n'en eut jamais d'autres que des complices
Deftinés à fubir les plus honteux fuplices,
Lui dont l'ambition ne peut fe rallentir;
Toujours inaceffible au moindre repentir,
Et moins fenfible encore à la haine publique :
Seigneur, ignorez-vous quelle eft fa politique?
Si Diocletien le mit à fes côtés,

Ce fut pour rejetter fur lui fes cruautés;

Ce Prince en apparence humain & débonnaire;
Avoit alors befoin d'une main fanguinaire;
Ainfi Maximien, devenu Souverain,

Fit gémir l'Occident fous un fceptre d'airain:
Mais parmi les excès, fes fureurs & fes crimes,
Je ne vous compte pas tant de faintes victimes.
Ces Baptêmes de fang, loin de porter l'effroi,
Dans les cœurs incertains ont fait germer la foi;
Et ce fang dont la Terre alors fut arrofée,
Eft devenu pour elle une heureuse rofée,
Qui produit aujourd'hui les plus riches moiffons:
Seigneur, au nom de tous, je vous dis nos foupçons;
D'où vient cette union, qui l'a pû faire naître?
Quel apas vous féduit, qu'attendez-vous d'un traître?
Eternel Artifan de complots dangereux,

Toujours mal concertés, & toujours malheureux;
Rebut de la fortune, ennemi de la terre,
Moins digne de pitié que d'un coup de tonnerre ;
Tout autre qu'un ingrat, qui le fera toujours,
A la reconnoiffance eût confacré les jours;
Et charmé de fe voir au fein de fa famille,
Honoré de fon gendre, adoré de fa fille,
Auffi fouverain qu'eux dans leurs propres Etats,
N'eût point formé contr'eux les plus noirs attentats.
Que n'a point fait pour lui cette fille fi tendre?
Que de torrens de pleurs il a fallu répandre,
Pour fléchir fon Epoux, & lui faire épargner
Un fang que dévoroit la fureur de régner;

On diroit à le voir tranquile en apparence, Qu'il foutient fa difgrace avec indifférence: On croiroit qu'il ne fonge au fond de ce Palais, Qu'à jouir d'un repos qu'il ne goûta jamais : Tant de tranquilité n'eft qu'un pur artifice, Il eft né dans le crime, il faut qu'il y périffe; Il vous entraînera, s'il ne l'a déja fait. Ce lien réciproque eft pour vous un forfait; Ce n'est qu'une amitié funeste & redoutable: Qu'ai-je dit, je profane un nom fi respectable; L'amitié ne convient qu'à des cœurs vertueux : Nous allons voir éclore un crime infructueux, Il va fe confommer, & c'est sous vos aufpices, Si vous n'y prêtiez pas des fecours fi propices..... AURELE.

Pour paroître coupable, on ne l'eft pas toujours, Crains moins pour ma vertu, ne crains que pour mes

jours.

Oui, Maurice, ma vie eft tout ce que j'expofe;
Je remplis un devoir que la pitié m'impose;
Ma naiffance; & le rang que je tiens dans l'Etat,
N'y ferviront jamais l'audace & l'attentat;
C'est pour les empêcher que je me sacrifie :
Ecoute, puifqu'il faut que je me justifie,
Je ne le vois que trop, tu sembles soupçonner,
Que mon cœur par l'amour se laisse empoisonner.
Tu crois que pour Faufta mon ardeur fe ranime;
Et qu'un espoir fondé fur le fuccès d'un crime,

Me ramene aux genoux d'un objet trop aimé ;
Ne puis-je la revoir fans en être enflâmé !
Sans que mes premiers feux m'en inspirent Faudacé
L'amitié ne peut-elle en occuper la place?
Pourquoi n'aurai-je pas un pur attachement ?
Ah! Maurice, le cœur n'a-t'il qu'un sentiment ?
Et l'amour ne peut-il fe changer en estime?
Ce triomphe demande un effort magnanime:
Mais enfin il n'eft pas au deffus d'un Chrétien;
Aprends donc le fecret d'un fatal entretien......
Il lui coûtera cher..... Mais je la vois paroître
Ami, refte en ces lieux, tu vas me reconnoître.

SCENE III.

FAUSTA, AURELE, MAURICE, EUDOXE & PULCHERIE, dans l'éloignement.

J

AURÉLE.

'Ai devancé les pas de votre augufte Epoux, J'ai recherché l'honneur d'être admis devant vous ; Je vous ai fait preffer de vouloir bien m'entendre: Ma conduite, Madame, aura pû vous surprendre, Vous allez me juger, & j'ofe fur ce point..... FAUSTA.

Seigneur, dans vos deffeins ne pénétrai-je point? Auprès de mon Epoux, vous fuis-je nécessaire?

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