Grand-Prêtre. Zingis leur demanda ce qu'ils penfoient de la divinité en général. Ils répondirent qu'ils croyoient, comme tous les Musulmans, qu'il n'y a qu'un Dieu, qui a tout créé, & qui mérite feul nos adorations. L'Empereur les affura qu'il penfoit là-deffus comme eux. Il voulut favoir enfuite quels étoient leurs fentimens au fujet de Mahomet. Ils lui dirent que c'étoit un faint Prophete, que Dieu avoit envoyé fur la terre, comme fon ambaffadeur, pour annoncer fa volonté aux hommes, & leur enfeigner la loi qu'ils devoient fuivre. Ce que vous me dites, repliqua Zingis, me paroit affez croyable; car moi qui ne fuis que le ferviteur de Dieu,j'envoye tous les jours des ambassadeurs en divers païs. L'entretien tomba enfuite fur la priere, fur le jeûne, fur l'aumône, & fur d'autres points de la Religion Mufulmane. L'Empereur approuva toutes ces pratiques. Il dit à l'occafion de l'abftinence, prefcrite dans le tems du Ramadan, qu'il étoit bien jufte que les Musulmans jeûnaffent pendant un mois de l'année, eux qui faifoient la débauche tout le reste du tems, même pendant les nuits de leur

و

mois facré. Il difputa long-tems fur l'article des Mofquées, dont ces Docteurs prêchoient la néceffité, & qu'ils appelloient les maisons de Dieu. Tout ce qu'ils alléguerent en faveur de cet ufage lui parut peu convainquant. I foutint qu'on pouvoit prier par-tour, que Dieu entendoit ceux qui l'invoquoient dans quelque lieu qu'ils fuffent, & que le monde entier étoit fa maison.

Zingis-Khan ne fut de retour à Cáracorum qu'en 1224. Il étoit alors âgé de foixante-dix ans. L'année fui vante il porta la guerre dans le Tangu, & remporta une grande victoire fur Schidafcou, Souverain de cette contrée. Il fe préparoit en 1226 à conquérir la Chine méridionale; mais dans le tems qu'il s'occupoit de cette Mort de Zin- grande entreprise, il tomba dans une maladie de langueur, à laquelle les reIbid. chap, medes ne purent apporter aucun adouciffement, & qui le conduifit enfin au tombeau fur la fin de cette année. Ce 1226. Prince eut toutes les qualités qui font les grands conquérans un génie élevé, un grand courage, une force de corps extraordinaire, une ambition exceffive, Il entendoit parfaitement la

gis-Khan.

XIV.

guerre ; il étoit fobre; il avoit une élo quence naturelle, qui le faifoit parler en public avec dignité, & qui dans le particulier rendoit fa converfation très-agréable. Une cruauté exceffive, qui étoit autant le vice de fon païs que celui de fes mœurs, ternit l'éclat de fes grandes actions. Aucun conquérant n'a fondé avant lui une Monarchie fi vafte. Son Empire s'étendoit depuis la Chine méridionale jufqu'à la Natolie, & depuis l'extrémité de la Tartarie feptentrionale jufqu'aux Indes; c'eft-àdire, que de l'Orient à l'Occident il comprenoit près de deux mille lieues, & plus de mille du Nord au Midi. L'Empire Romain, dans le tems de fa plus grande puiffance, étoit moins étendu. Un grand Miniftre* ayant fait M. Colbert traduire un manufcrit oriental, qui contenoit le recit des principales actions de Zingis-Khan, fut frappé de la lecture Françoise de cet écrit: Voilà, dit-il, un homme bien extraordinaire, & qui mérite mieux qu'Alexandre le glorieux titre de Conquérant de Afte. Mais le héros Mogol vivoit parmi des peuples barbares, dans un fiecle où l'ignorance étoit prefque générale, & dans un païs dont nos

Ibid. Dans

l'Avertiffe

ment.

plus habiles Géographes ont peine à marquer la veritable pofition: voilà pourquoi fon nom étoit à peine connu de M. Colbert.

Partage de la

Monarchie de

CHAPITRE III

Succeffeurs de Zingis-Khan. Ce que
devint le vafte Empire qu'il
avoit fondé.

OUR achever d'éclaircir l'Hif

Poire des Mogols du moyen âge,

Zingis Khan, il eft important de faire connoître entre fes qua- les fucceffeurs de Zingis-Khan, & ce

are fils.

que devint le vafte Empire dont il fut le fondateur. Le Héros Tartare partagea fes conquêtes entre fes quatre fils. Il donna à Toufchi, ou Zuzi, l'aîné de tous, le Capfchaç, païs fitué au Nord de la mer Cafpienne, où eft aujourd'hui Aftrakan, & qui s'étendoit alors jufqu'à la Sibérie & à la mer glaciale. Peris de la Zagatai obtint la Tranfoxiane & le Croix, vie de Turkeftan. Tuli eut la Perfe, & les païs P. 395 & fuiv, conquis dans l'Inde. Le Mogoliftan, le Catai, & le refte de la Tartarie orientale, furent le partage d'Octai.

Zingis-Khan

Empire de CAPSCH AC.

Ligne de

Zingis-Khan, qui dur à la valeur de Toufchi la conquête du pais de Capf- Touschi, chac, lui en accorda la fouveraineté vers l'année 1224. Touschi étant mort en 1225, laiffa un fils nommé Batou, qui lui fuccéda, & qui conquit le païs des Alains, à l'occident de la mer Calpienne, la Ruffie, la Bulgarie, & d'autres contreés. Il porta la guerre jusque dans la Pologne, faccagea la Moravie & la Dalmatie, & fe préparoit même à paffer dans la Hongrie, pour marcher de là à Conftantinople, lorfque la mort l'enleva en 1256.

Les Khans de

métans.

Heut pour fucceffeur fon frere Bereké, qui eur de grands démêlés avec le Prince Hulacou, fils de Tuli, au fujet de la fucceffion de la Tartarie. Bereké embraffa le Mahometifme, que tous les Capfchac fe Khans de Capfchac ont toujours profef- font Mahofé depuis. Il mourut en 1266. L'Hiftoire de fes fucceffeurs, dans l'efpace de plus d'un fiecle, n'offre aucune revolution remarquable, & ces Princes gouvernerent avec affez de tranquillité. Mais après le regne de Tocta Caya, XXIIIeme Khan, mort en 1376, l'Empire de Capfchac reçut de terribles fe