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infenfiblement à eux, comme on s'accoûtume à une laideur extrême; afin que chaque occafion ne cause pas toûjours la même horreur. La premiere fois, les gens vous font trembler; mais peu à peu ils perdront pour vous ce que d'abord ils ont eu de terrible: les réflexions vous mettent audeffus de leur rudeffe, ou vous la rendent au moins supportable.

MAXIME CXVI.

Ne traiter qu'avec des gens qui ayent de l'honneur.

O

N peut en fûreté s'engager

dans une affaire avec des gens d'honneur, & les y engager: l'amour de leur devoir eft la meilleure caution de leur procedé dans un differend même ; parce qu'ils fe comportent toûjours tels qu'ils font. Il vaut mieux avoir à combattre contre des braves que de fe

foumettre une vile canaille. Il n'y a point de traité fûr avec les malhonnêtes gens; parce qu'ils ne fe croient obligez à aucun devoir: auffi n'y eût-il jamais entre eux de veritable amitié : ils l'imitent affez bien pour qu'elle lui reffemble; mais elle n'en eft pas moins fauffe: les principes de l'honneur lui manquent. Fuyons des hommes de cette efpece. Qui n'a point l'honneur en recommandation ne fait nul cas de la vertu. L'honneur eft comme le trône de la probité.

MAXIME CXVII.

O

Ne parler jamais de foi.

U bien on fe louë, & c'est

vaine gloire; ou bien on se blâme, & c'eft foibleffe: comme l'un & l'autre eft un manque de discretion dans celui qui parle ; l'un & l'autre est une peine à ceux qui l'écoutent : mais fi l'on

ne doit point parler de foi dans la conversation, on doit à plus forte raifon ne le pas faire quand par le caractere du rang que l'on occupe on parle en public: alors tout ce qui porte le moindre indice d'imprudence, paffe pour en être une veritable. Il est encore contre la difcretion de parler de ceux qui font préfens; on s'expo. fe à donner dans l'un de ces deux écüeils, ou de la flatterie, ou de la cenfure,

MAXIME CXVIII.

La réputation d'être civil & poli.

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'Eft affez d'être civil & poli pour se rendre recommandable. La politeffe fait la principale partie du merite dans le monde: elle eft une forte de charme qui s'attire une bienveillance univerfelle; au lieu que l'impoliteffe s'attire une haine generale; celle

ci

ci eft odieuse en effet, fi elle naît de l'orgueil; & fi elle vient d'un fonds de groffiereté elle eft méprifable. La civilité doit pêcher plûtôt par l'excès que par le défaut; de maniere néanmoins qu'elle ne foit pas égale pour tous, ce qui feroit degenerer en une espece d'injustice : & pour qu'on en connoiffe tout le prix, elle est un devoir, une obligation entre ennemis-mêmes : elle coûte peu & vaut beaucoup. Quiconque honore eft honoré. La politeffe & l'honnêteté ont cet avantage qu'elles tournent toûjours à la gloire de celui qui use de l'une & de l'autre.

I

MAXIME CXIX.

Nêtre point dédaigneux.

L n'eft pas neceffaire d'irriter l'averfion d'autrui : elle fait tou tes les avances, lors même qu'on

S

n'y pense pas. Il y a tant de gens qui haïffent gratis, fans fçavoir comment ni pourquoi. La mauvaise volonté précede dans l'hommé celle d'obliger: la haine eft en lui plus vive & plus efficace pour nuire, que l'affection pour fervir. Quelques-uns, foit par un efprit dédaigneux, foit par une humeur chagrine, cherchent, ce femble, à être mal avec tout le monde: fi la haine fe mêle à leur caractere, leur fituation devient comme une maladie formée qu'il est difficile de guerir: on les redoute, s'ils ont de l'efprit, on les déteste s'ils font médifans, on les méprife s'ils font vains, on les abhorre s'ils font railleurs, on les abandonne s'ils font des gens retirez. Que l'on marque de l'eftime fi l'on veut être eftimé : Que l'on foit comme un homme qui veut faire fa fortune; il ne néglige rien.

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