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L

MAXIME CXX.

S'accommoder aux usages.

E fçavoir même doit être conforme à l'usage; & où il n'est pas de faifon, c'est une neceffité de fçavoir faire l'ignorant. Le langage & le goût de temps en temps changent: il ne faut point parler comme au temps jadis, mais dans le goût d'aujourd'hui. Le goût des bons efprits fait en chaque chofe la régle; il faut le fuivre ce goût, & s'efforcer d'y exceller. Le fage s'accommode au fiecle pour les ornemens de l'efprit, & pour les parures du corps ; quoique les ufages d'autrefois lui paroiffent peut-être meilleurs que ceux d'apréfent. Il n'y a que par rapport aux mœurs que cette conformité ne peut avoir lieu; parce que la vertu doit être de tous les temps: néanmoins on

ne la reconnoît plus aujourd'hui : dire la verité, tenir fa parole, ce font comme des modes paffées : les gens de bien font des gens du bon vieux temps; on les aime toûjours, mais de telle forte que fi l'on en connoît quelques-uns on ne les pratique point, on ne les imite point. Malheureux fiécle, où la vertu eft regardée comme un ufage qui lui eft étranger;& où le vice paffe pour un ufage déformais établi. Que l'homme vertueux vive ici comme il peut, s'il ne le fait comme il voudroit: ce que la providence lui a donné, qu'il le tienne pour meilleur à fa vertu que ce qu'elle lui a refufé.

MAXIME

CXXI.

Ne fe faire point une affaire de ce qui n'en est pas.

C

Omme il en eft qui traitent
tout de bagatelle ; il en est

au contraire qui font une affaire de tout. Les derniers ont toûjours des chofes importantes à dire, raménent tout au ferieux, tournent tout en difcuffions, trouvent en tout du myftere. De toutes les chofes chagrinantes, il en eft peu que l'on doive prendre fort à cœur ; à moins que l'on ne veüille fe tourmenter mal-à-propos. Saifir les objets qu'il faudroit éloigner de foi, c'est le bon fens renverfé. Bien des chofes qui pouvoient être de quelque conféquence fe font réduites à rien en les négligeant: & d'autres qui n'étoient rien font devenües importantes pour en avoir fait trop decas. Au commencement, il eft aifé de terminer, tout : & après ce n'eft plus cela. Souvent le remede même eft la caufe du mal. Laiffer aller les chofes, ce n'est pas la pire de toutes les régles de conduite.

MAXIME CXXII.

La fuperiorité dans la maniere de parler d'agir.

C

Ette fuperiorité se distingue

en toute rencontre ; & imprime d'abord du refpe&t: elle fe fait fentir en tout; dans la converfation, dans les difcours prononcez en public, dans la démarche, dans le regard, dans le figne de la volonté. C'eft un grand triomphe que celui des coeurs. Cette fuperioriténe vient pas d'une vaine audace, ni d'un ton de voix imperieux: elle eft une autorité honnête, laquelle naît d'un genie fuperieur, fecondé d'une réputation meritée.

MAXIME CXXIII.

L'homme fans affectation.

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Lus on a de merite, & moins on doit avoir d'affectation; elle eft le défaut ordinaire qui gâte toutes les belles qualitez. L'affectation est aussi insipide aux autres, qu'elle eft onéreufe à l'homme affecté : celui-ci eft le martyr de fes attentions continuelles ; & fa ponctualité fait à chaque occafion fon fupplice. Par l'affectation les plus rares perfections perdent en effet beaucoup de leur prix car on croit aifément qu'elles font plûtôt un effort de l'art que l'ouvrage de la nature : & tout ce qui eft naturel fut toujours fort au-deffus de ce qui eft étudié. Une chofe affectée eft regardée comme étrangere à ceux qui l'affectent. Plus ce que l'on fait eft excellent, plus l'art Y

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