pour faire une fois plaifir à autrui. On ne doit jamais troubler fon propre bonheur pour complaire à un homme qui confeille une chofe, & qui ne veut y rien mettre du fien. En un mot dans toute alternative ou de plaire à quelqu'un, ou de nous attirer un déplaifir mortel & fans refsource, il eft jufte que notre propre bien ait la préference,

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MAXIME LXV.

Le goût exquis,

E goût auffi-bien que l'efprit se perfectionne, à mesure qu'on le cultive. Un efprit excellent éleve le goût; & enfuite vient le bonheur d'avoir celui-ci à proportion de l'autre. Le fonds de l'homme fe déclare par fon goût. Pour contenter un goût étendu, il faut de vaftes objets. Les vûes fublimes font pour un ge

nie fublime de même que les grands repas font pour un large eftomac. Un excellent goût est redoutable aux meilleures chofes; les perfections mêmes les plus affurées perdent devant lui leur confiance.. Que l'on foit extrémement avare de fon eftime; parce que le premier ordre eft très-rare.. Le goût fe communique par le commerce de la vie, & à la longue on y acquiert enfin celui d'autrui. Heureux ceux qui font en focieté avec des gens d'un goût parfait ! Cependant il ne faut pas s'ériger en homme qui defaprouve tout ce feroit donner dans une extrêmité infenfée; ce feroit une affectation plus odieufe que l'excès même du mauvais goût n'eft méprifable. Il en eft qui voudroient, ce femble, que Dieu créât un autre univers, & d'autres perfections ; afin de contenter leur bizarrerie & leur extravagance.

MAXIME LXVI.

Attention à ce que les chofes réüffiffent bien.

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Uelques-uns font plus attentifs à obferver ponctuellement les moyens qu'à parvenir heureufement à la fin. Cependant tous nos foins ne prévalent point contre le décri qu'entraîne après elle une malheureuse iffüe. Le vainqueur n'a point de compte à rendre de fa conduite. C'est l'évenement qui frappe la plûpart des hommes, & non le projet, quelque forme réguliere qu'on y ait donnée: auffi la réputation ne reçoit-elle nulle atteinte, pourvû qu'on parvienne à fa fin, y eût-on employé les moyens les plus contraires. C'est un art de fçavoir agir contre les régles mêmes de l'art; lorfqu'il n'eft pas poffible de réüffir autrement,

MAXIME LXVII.

Préferer les emplois publics aux

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autres.

A plupart des chofes dépendent du goût d'autrui. L'eftime des hommes eft pour les belles qualitez ce que le zephyre eft pour les fleurs, l'ame & la vie. Il y a des emplois aufquels un applaudiffement general eft préparé, & il y en a d'autres aufquels on ne fait nulle attention, quoiqu'ils foient plus confiderables; ceux-là s'attirent une bienveillance univerfelle, parce qu'ils s'exercent à la vûe de tout le monde ; ceuxci, bien qu'ils ayent quelque chose de plus extraordinaire, & de plus unique demeurent dans une espece d'obfcurité, révérez pourtant, mais non point applaudis. Entre les Princes, les plus fameux font les guerriers: c'eft par

les qualités de Victorieux; de Conquerans, de Magnanimes, que les Rois d'Arragon fe font rendus fi célebres. Qu'un homme donc qui a un grand merite choififfe un genre de métier plausible, qui frappe, qui intéreffe le Public & un fuffrage general im mortalifera fon nom.

MAXIME LXVIII.

Faire entendre eft bien autre chofe que de faire reffouvenir.

'Un & l'autre ont leur temps;

il faut tantôt faire entendre & tantôt faire reffouvenir. Quelques-uns, parce qu'ils n'y penfent point, ne font pas certaines chofes qui feroient excellentes : qu'un avertiffement honnête les mette alors fur les voies,pour com. prendre eux-mêmes ce qui convient. C'est une grande perfection de l'efprit que d'être préfent à tout