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tenance, & frappoit fortement du pié. Son ami le voyant troublé, le prit par le bras & lui dit : Monfieur, tenez bon contre le revers de fortune; & fi vous m'en croyez fifflez hardiment comme les autres. Pradon revenu à lui-même, & trouvant ce confeil à fon goût, prit fon fifflet & fiffla des mieux. Un Moufquetaire l'ayant pouffé rudement, lui dit en colere, pourquoi fifflez-vous Monfieur ? La piece eft belle; fon Auteur n'eft pas un fot: il fait figure & bruit à la Cour. Pradon un peu trop chaud repouffa le Moufquetaire, & jura qu'il fiffleroit jufqu'au bout. Le Moufquetaire prend le chapeau & la perruque de Pradon, & les jetta jufques fur le Théatre. Pradon donne un foufflet au Moufque taire; & celui-ci l'épée à la main tire deux lignes en croix fur le vifage de Pradon, & veut le tuer. Enfin Pradon fifflé & battu pour l'amour de lui-même, gagne la porte, & va fe faire panser.

IV.

PRADON étoit l'homme du monde le moins inftruit. On prétend qu'un jour au fortir d'une de fes Tragédies; le Prince de Conti, lui ayant dit qu'il avoit transporté en Europe une Ville qui eft en Afie; je prie votre Altesfe de m'excufer, lui dit Pradon; car je ne fais pas la Chronologie.

V.

EPIGRAMME de Gacon, fur la Tragédie de Scipion, qui fut jouée en Carême & qui eut le fort ordinaire aux ouvrages de Pradon.

Dans fa piece de Scipion,

Pradon fait voir ce Capitaine, Prêt à fe marier avec une Africaine:

D'Annibal il fait un poltron,

Ses Héros font enfin fi différens d'eux-mêmes Qu'un Quidam les voyant plus mafqués qu'en un Bal,

Dit que Pradon donnoit au milieu du Carême Une piece de Carnaval.

VI.

MONSIEUR le Verrier, crut amufer M. Desfpréaux mourant, par la lecture d'une Tragédie, qui dans fa nouveauté faifoit beaucoup de bruit. Après la lecture du premier acte, il dit à M. le Verrier. Ah! mon ami, ne mourraije pas affez promptement. Les Pradons, dont nous nous fommes moqués dans notre jeuneffe, étoient des foleils auprès de ceux-ci.

Epitaphe de Pradon.

Cy git le Poëte Pradon, Qui durant quarante ans d'une ardeur fang pareille,

Fit à la barbe d'Appollon
Le même métier que Corneille.

VII.

POUR exprimer l'afcendant que leg femmes ont fur les hommes, Lamothe difoit Elles feroient maîtreffes de faire rechercher la Phedre de Pradon & abandonner celle de Racine

CLAUDE né à Alby

....

I.

BOYER;

mort en 1698.

A Judith de l'Abbé Boyer, fut représentée par de fameux Acteurs, & occupa la fcene pendant tout un Carême. Elle fut malheureusement imprimée dans la quinzaine de Pâques, & fifflée à la rentrée. Mademoiselle de Champmêlé, faifoit le rolle de Judith. Etonnée d'entendre une pareille fimphonie ; elle, dont les oreilles étoient accoûtumées aux applaudiffemens, apostropha le parterre en ces termes : Meffieurs nous fommes furpris que vous receviez aujourd'hui fi mal une piece que vous avez applaudie pendant le Carême. Dans ce moment on entendit une voix qui prononça ces paroles: Les fifflets étoient à Verfail, les, aux Sermons de l'Abbé Boileau.

II.

IL

L'ABBÉ Boyer au fortir d'une de fes pieces, où il n'y avoit pas eu grand monde, en ayant jetté la faute fur la pluie; Furetiere fit l'Epigramme fui

yante.

Quand les pieces représentées

De Boyer, font peu fréquentées ;
Chagrin qu'il eft d'y voir peu d'affiftans
Voici comme il tourne la chofe:
Vendredi la pluie en est cause,
Et le Dimanche le beau tems.

JEAN

RACINE

né à la Ferté-Milon l'an 1639,
mort en 1699.

I.

ACINE fut élevé à Port Royal, M. Lancelot Sacriftain de cette Abbaye, homme très-habile, lui apарprit le Grec, & dans moins d'une année le mit en état d'entendre les TraTome II P

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