que tems après, & ayant apperçu de loin une figure dans l'endroit où elle fouhaitoit qu'on en plaçât une, elle ne fut pas médiocrement furprise. Eftce un enchantement, dit-elle, que ce que nous voyons? Elle avança infenfiblement, & ne reconnut la vérité de cette aventure que lorfqu'elle fut très-proche de la figure. Les Dames & les Seigneurs qui accompagnoient la Princeffe voulurent faire punir féverement la ftatue, mais elle lui pardonna en faveur de la faillie finguliere: & cette folie qui fembloit devoir perdre Lully, fut le premier pas qui le conduifit à la fortune. III. LULLI réuffiffoit admirablement dans les contes obfcenes: hors de-là, il n'avoit point de converfation. Moliere le regardoit comme un excellent pantomime, & lui difoit affez fouvent, Lully fais nous rire. IV. LULLI difoit d'un air qu'il avoit fait pour l'Opéra, & qu'on chantoit à la Meffe: Seigneur je vous demande pardon, je ne l'avois V. pas fait pour vous. ON donna à Lullyjun Prologue d'Opéra que l'on trouvoit excellent: La perfonne qui le lui préfenta, le pria de le vouloir bien examiner devant elle. Lorfque Lully fut au bout, la perfonne lui demanda s'il n'y trouvoit rien à redire? Je n'y trouve qu'une lettre de trop, répondit-il; c'eft qu'au lieu qu'il y a fin du Prologue, il devroit y avoir fi du Prologue. VI. LORSQUE Lully eut été choisi pour Sur-Intendant de la mufique du Roi, il négligea fi fort le violon, qu'il n'en avoit pas même chez lui. Il n'y avoit que M. le Maréchal de Grammont qui trouvât le fecret de lui en faire joüer quelquefois, par le moyen d'un domeftique qui en joüoit mal en préfence de Lully. Auffitôt celui-ci lui arrachoit le violon des mains, il s'échauffoit & ne le quittoit qu'à regret. VII. LOUIS XIV. fut fi content de l'Opéra d'Ifis, qu'il fit rendre un Arrêt du Confeil, par lequel il eft permis à un homme de Condition de chanter à l'Opéra & d'en retirer des gages fans déroger. Cet Arrêt a été enregiftré au Parlement de Paris. VIII. LES ennemis de Lully l'accufoient de devoir le fuccès de fa mufique à Quinaut. Ce reproche lui fut fait un jour par fes amis mêmes qui lui dirent en plaifantant, qu'il n'avoit pas de peine à mettre en chant des vers foibles; mais qu'il éprouveroit bien plus de difficulté fi on lui donnoit des vers pleins d'énergie. Lully animé par cette plaifanterie, & comme faifi d'en thoufiafme; court à un clavecin, & après avoir cherché un moment fes ac+ cords, chante ces quatre vers d'Iphi→ génie qui font des images, ce qui les rend plus difficiles pour la mufique, que des vers de fentiment. Un Prêtre environné d'une foule cruelle Portera fur ma fille une main criminelle, Déchirera fon fein, & d'un œil curieux Dans fon cœur palpitant confultera les Dieux. Un des Auditeurs a raconté, qu'ils fe crurent tous préfents à cet affreux fpectacle, & que les tons que Lully ajoûtoit aux paroles leur faifoient dref fer les cheveux à la tête. IX. L'AUTEUR de la vie de Quinaut rapporte le fait qui va fuivre & dans les mêmes termes. Il y avoit longtems que le Roi avoit donné des Lettres de Nobleffe à Lully. Quelqu'un lui alla dire qu'il étoit bienheureux, que le Roi l'eût ainfi exempté de fuivre la route commune, qui eft qu'on aille à la Gentil - hommerie par une charge de Sécretaire du Roi; que s'il avoit eu à paffer par cette porte, elle lui auroit été fermée, & qu'on ne l'auroit pas reçu.Un homme de cette Compagnie s'étoit vanté qu'on refuseroit Lully s'il fe préfentoit, à quoi les grands biens qu'il amaffoit faifoit juger qu'il pourroit fonger un jour. Lully avoit moins d'ambition, que de noble fierté à l'égard de ceux qui le méprifoient. Pour avoir le plaifir de morguer fes ennemis & fes envieux, il garda fes Lettres de Nobleffe, fans les faire enregistrer, & ne fit femblant de rien. En 1681, on rejoüa à Saint Germain la Comédie & le Ballet du Bourgeois Gentil - homme, dont il avoit compofé la Mufique. Il chanta lui-même le personnage de Mufti qu'il exécutoit à merveille. Toute fa vivacité, tout le talent naturel qu'il avoit pour déclamer fe déployerent là, & quoiqu'il n'eût qu'un filet de voix < |