dit qu'à moins de jetter au feu ce qu'il avoit noté de fon Opéra nouveau, pour montrer qu'il fe repentoit de tous fes Opéra, il n'y avoit point d'abfolution à efpérer: Il le fit. Le Confeffeur s'étant retiré, M. le Duc vint le voir & lui dit : Quoi! tu as jetté au feu ton Opéra ? Que tu es fou d'en croire un Janfenifte qui rêvoit: paix Monfeigneur, paix, lui répondit Lully à l'oreille je favois bien ce que je faifois : J'en avois une feconde copie. Par malheur cette plaifanterie fuṛ Tuivie d'une rechute qui l'emporta.

XIII.

MONSIEUR le Cardinal d'Eftrées étant à Rome, & loüant Corelli fur la belle compofition de fes Sonates: C'est Monfeigneur, lui répondit le Muficien, que j'ai étudié Lully,

PHILIPPE

PHILIPPE QUINAUT, né à Paris l'an 1635, mort en 1688.

ES Comédiens depuis leur établiffement à Paris, étoient dans l'ufage d'acheter des Auteurs les pieces de Théatre qu'on leur préfentoit, au moyen de quoi le profit de la recette étoit en entier pour eux. Cet ufage avoit fon inconvénient ; car il arrivoit affez fouvent que la piece ne faifoit pas fortune dans le Public. Auffi les Comédiens mettoient-ils un prix affez modique à leurs empletes. Quel quefois la réputation de l'Auteur faifoit acheter plus cher l'ouvrage. Triftan pour rendre fervice à fon éleve Quinaut, fe chargea de lire aux Comédiens la piece des Rivales. Elle fut acceptée avec de grands éloges de la part des Acteurs, qui convinrent d'en donner cent écus. Alors Tristan leur Tome II.

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apprit que cette Comédie n'étoit point de lui, mais d'un jeune homme appellé Quinaut, qui avoit beaucoup de talent. Cet aveu fit rétracter les Comédiens. Ils dirent à Tristan que la Comédie dont il avoit fait la lecture, n'étant point de fa compofition, ils ne pouvoient hafarder plus de cinquante écus fur fa réuffite. Triftan infifta envain pour faire revenir les Comédiens à leur premiere propofition; enfin il s'avifa d'un expédient pour concilier les intérêts de ces derniers & de Quinaut; il propofa d'accorder à l'Auteur de laComédie le neuvieme de la recette de chaque repréfentation pendant le tems que cette piece feroit repréfentée dans fa nouveauté, & qu'enfuite elle appartiendroit aux Comédiens. Ce moyen fut accepté de part & d'autre, & parut fi judicieux, que les Comédiens & les Auteurs ont toûjours depuis fuivi cette regle. Lorfque les pieces en un acte & en trois, fe font dans la fuite introduites au Théatre, les Auteurs font convenus avec les Co

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médiens d'un dix-huitieme.

II.

TRISTAN engagea Quinaut à entrer chez un Avocat, lequel le chargea un jour de mener une de fes parties, Gentil-Homme d'efprit & de mérite,chez fonRapporteur pour l'inftruire de fon affaire. Le Rapporteur ne s'étant point trouvé chez lui & ne devant revenir que fort tard; Quinaut propofa au Gentil-Homme de le mener à la Comédie en attendant. A peine furent-ils fur le Théatre, que tout ce qu'il y avoit de gens de la plus haute qualité vint embraffer Quinaut, & le féliciter fur la beauté de fa piece (c'étoit l'Amant indifcret) qu'ils venoient voir représenter, difoientils, pour la troifieme ou quatrieme fois. Le Gentil-Homme étonné de ce qu'il entendoit, le fut encore davantage quand on joüa la Comédie qui fut également applaudie par les loges & par le parterre. Quelque grande que fût fa furprise, elle fut encore

toute autre, lorfqu'étant chez fori Rapporteur, il entendit Quinaut lui expliquer fon affaire avec une netteté incroyable, mais avec des raifons fi folides, qu'il ne douta prefque plus du gain de fa cause.

III.

J'AI vû Quinaut Clerc d'un Avocat au Confeil, dit Ménage. Lorsqu'il fit fes premieres pieces, elles étoient fi goûtées & fi applaudies, que l'on entendoit les brouhaha à deux rues de l'Hôtel de Bourgogne. Un marchand qui aimoit la Comédie conçut tant d'eftime pour lui, qu'il l'obligea de prendre un appartement dans fa maifon. Ce marchand quelque tems après vint à mourir, Quinaut fit les affaires de la famille, & époufa enfuite la veuve de fon ami, de laquelle il a eu plus de quarante mille