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de la cheminée en difant: la poularde eft cuite il faut la manger. Le Pays qui ne connoiffoit point le Prince, ne fe leva point, & lui répondit : La poularde n'eft point cuite,& elle n'eft deftinée que pour moi. Le Prince s'opiniátra à foûtenir qu'elle étoit cuite, & le Pays à dire qu'elle ne l'étoit pas. La difpute s'échauffoit, lorfqu'une partie de la Cour du Prince arriva. Pour lors le Pays le reconnut, quitta fes papiers, & vint fe mettre à fes genoux, en lui difant plufieurs fois : Monfeigneur, elle eft cuite, elle est cuite. Le Prince qui étoit fpirituel : aimable, & familier, fe divertit fort de cette aventure, & lui répondit: Puifqu'elle eft cuite, il faut la manger, enfemble.

Le même Prince ayant trouvé dans cette Hotellerie cette infcription' fur la cheminée :

Je m'appelle Jean Robineau,

Qui bois toûjours mon vin fans eau: Ecrivit de fuite;

Et moi le Prince de Conti,
Qui de même le bois auffi.
II..

LES railleurs appellerent le Pays; le finge de Voiture; parce qu'il fe flatoit d'imiter l'enjouement & la déli cateffe de cet Auteur,

III.

Le Pays ayant dit à Liniere: Vous êtes un fot en trois lettres: Vous en êtes un, vous, lui répondit Liniere, en mille que vous avez composées,

ISAAC DE BENSERADE, né dans la haute Normandie l'an 1612, mort en 1691.

ISAAC

I,

SAAC de Benferade, n'avoit que lorfque l'Evêque qui le

fix ans,

confirmoit lui demanda s'il vouloit changer fon nom Juif avec un nom

plus Chrétien. J'y confens, réponditil, pourvû qu'on me donne du retour. Le Prélat furpris du génie de cet enfant, ne voulut point lui changer fon pom. Il faut le lui laiffer, dit-il, il le rendra très - illuftre.

I L

LE Cardinal de Richelieu qui faifoit une pension de 600 livres à Benferade, étant mort, le Poëte lui fit l'Epitaphe fuivante.

Cy git, oui Cy git par la morbleu,
Le Cardinal de Richelieu:

Et ce qui cause mon ennui

Ma penfion avecque lui.
IIL

LE Cardinal Mazárin, fe trouvant un foir chez le Roi, parla de la maniere dont il avoit vécu à la Cour du Pape, où il avoit paffé fa jeuneffe. Il dit qu'il aimoit les Sciences; mais que fon occupation principale étoit les belles Lettres, & fur-tout la Poëfie, où

il réuffiffoit affez bien ; & qu'il étoit à la Cour de Rome, comme Benferade en celle de France. Quelque tems après il fortit, & alla dans fon appartement. Benferade arriva une heure après : fes amis lui rapporterent ce qu'avoit dit le Cardinal. A peine eurent-ils fini, que Benferade tout pé nétré de joie, les quitta brufquement fans rien dire. Il courut chez le Cardinal, & heurta de toute fa force pour fe faire entendre le Cardinal venoit de fe coucher: Benferade preffa fi fort & fit tant de bruit, qu'on fut obligé de le laiffer entrer. Il courut fe jetter genoux au chevet du lit de fon Eminence & après lui avoir demandé mille fois pardon de fon effronterie il lui dit ce qu'il venoit d'apprendre. Il le remercia avec une ardeur inexplicable de l'honneur qu'il lui avoit fait de fe comparer à lui pour la réputation qu'il avoit pour la Poëfie. II ajoûta qu'il en étoit fi glorieux, qu'il n'avoit pu retenir fa joie, & qu'il fe roit mort à fa porte, fi on l'eût em

pêché de venir lui témoigner fa res connoiffance. Cet empreffement plut beaucoup au Cardinal. Il l'afsûra de fa protection, & lui promit qu'elle ne lui feroit pas inutile. En effet fix jours après il lui donna une penfion de deux mille francs, & lui accorda dans la fuite d'autres graces plus confidérables.

IV.

BENSERADE fut nommé par la Reine Mere, pour aller en Suede réfider auprès de la Reine Chriftine: il n'y alla pas cependant, ce qui donna lieu à une plaifanterie de Scaron, qui datte ainfi une Epître à la Comteffe de Fiefque.

L'an que le Sieur de Benferade
N'alla point à fon Ambaffade.

V

BENSERADE ayant offenfé Molies re; celui-ci réfolut de s'en venger, Pour cela il s'avifa de faire des vers

du

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