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VI.

LA Converfation de Corneille étoit pefante & fans agrément ; ce qui fit dire à une grande Princeffe qui avoit defiré de le voir & de l'entretenir, qu'il ne falloit point l'écouter ailleurs qu'à l'Hôtel de Bourgogne.

VII.

CORNEILLE parloit peu, même fur la matiere qu'il entendoit parfaitement; & quand on lui reprochoit qu'il fe négligeoit un peu trop dans la converfation, il répondoit ordinairement je n'en fuis pas moins Pierre Corneille.

VIII.

CE grand Poëte jouit des honfieurs les plus finguliers. Il avoit fa place marquée au Théatre. Lorsqu'il y alloit, tout le monde fe levoit par refpect, & le Parterre frappoit des mains.

IX.

UNE efpece de Gouverneur qu'on avoit envoyé d'Allemagne à Paris, avec deux Gentils - Hommes de diftinction, pour veiller à leur conduite, écrivit à leur pere. Je laiffe lire Moliere à vos fils, parce qu'il eft affez divertiffant; mais je leur ai confeillé de laiffer Corneille & Racine, pour s'attacher au Théatre de Gherardi, à caufe de la belle morale.

X.

LA devife de Corneille étoit: Et mihi res non me rebus fubmittere conor X I.

JAMAIS piece de Théatre n'eut un auffi grand fuccès que le Cid. Je me fouviens, dit M. de Fontenelle, d'avoir vû en ma vie un homme de guerre & un Mathématicien, qui de toutes les Comédies du monde ne connoiffoient que le Cid. L'horrible barbarie où ils vivoient n'avoit pu empê

cher le nom du Cid, d'aller jufqu'à eux. Corneille avoit dans fon cabinet cette piece traduite en toutes les langues de l'Europe, hormis l'Esclavone & la Turque. On la faifoit apprendre aux enfans ; & en plufieurs Provinces du Royaume, il étoit paffé en proverbe de dire: Cela eft beau comme le Cid. Le Cardinal de Richelieu fouhaita de paffer pour Auteur de cette piece; Corneille qui aimoit la gloire plus que Pargent, n'y voulut pas confentir. Le tout puiffant Miniftre prit alors le parti de la faire examiner par l'Académie. Toutes les critiques qu'on a faites du Cid ont abouti à dire, que toutes les regles du Théatre y étoient violées. Les Partifans de Corneille en conviennent: mais de là même ils tirent un argument invincible contre fes adverfaires. Cette piece, malgré fes énormes défauts, difent-ils, regne fur nos Théatres depuis plus d'un fiecle; il faut donc qu'il y ait des beautés fupérieures à tout ce qui a jamais paru.

X I I.

LORSQUE Corneille publia les Ho races, il courut un bruit qu'on feroit encore des obfervations & un nouveau jugement fur cette piece. Horace, dit l'Auteur, fut condamné par les Duumvirs; mais il fut abfous

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par

le

MADEMOISELLE Duclos a joué avec fuccès le rolle de Camille. Un jour qu'après fes imprécations contre Rome victorieufe, elle fortoit du Théatre avec une forte de précipitation, elle s'embarraffa dans la queue traînante de fa robe, & tomba. L'Acteur plus civil qu'il ne convenoit à la fureur d'Horace outré de tous les propos injurieux de fa fœur, ota fon chapeau d'une main, & lui préfenta l'autre la relever & pour la conduire avec une grace affectée dans la couliffe;où ayant remis fon chapeau, & tiré fon épée, il parut la tuer avec

pour

brutalité. Baron, dit l'Abbé Nadal, qui rapporte l'Anecdote, n'eût pas fait certainement la même faute que Beaubourg; il eût profité de l'occafion en grand Comédien qui joüoit avec nobleffe, & il n'eût pas manqué de la tuer dans la chûte même. La fin

gularité de l'accident eût corrigé peut être l'atrocité de l'action, & la faute même du Poëte.

XIV.

LA Tragédie de Cinna a fait fur le cœur de Louis XIV, une impreffion bien honorable à ce beau Poëme. Tout le monde fait que le Chevalier de Rohan avoit confpiré contre l'Etat, & que le Roi refufa conftamment fa grace. Ce grand Prince vit repréfenter Cinna la veille du jour où F'on devoit exécuter le Chevalier; & il en fut fi frappé, qu'il a avoué depuis que fi on eûit faifi cet inftant pour Jui parler en faveur du criminel, it auroit accordé tout ce qu'on auroit voulu

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