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fans dégradation & fans. perspective, le décréditoit dans l'efprit des Connoif feurs.

Tous les Peintres fe liguerent contre le Caravage; ils lui reprochoient qu'il n'avoit ni genie, ni grace, ni intelligence, ni choix : fes ni choix fes figures en effet n'ont point de nobleffe, & font des & font des ferviles représentations des portefaix qui lui fervoient de modeles, dont il ne pouvoit fe paffer, ce qui lui faifoit dire que chaque coup de pinceau qu'il donnoit, étoit dû à la nature & non à lui.

Il n'eft pas furprenant que la maniere du Caravage foit dure & outrée; fon caractere brufque & emporté s'y manifefte par-tout. Il ne fe fit jamais un véritable ami parce qu'il fe faifoit des af faires avec tout le monde. Il vécut toujours miférable, & mourut enfin fans fecours fur un grand chemin, en 1609.

On vante comme un trèsbeau tableau, un Cupidon du Caravage, & fon incrédulité de S. Thomas. On ne peut guéres regarder fon Promethee attaché au rocher, fans reffentir une impreffion approchante de celle que l'objet réel auroit pû produire.

Le Roi a de ce Peintre le portrait du Grand-Maître de Vignacourt, la mort de la Vierge, une Bohémienne qui dit la bonne-avanture, & un S. Jean-Baptifte. On trouve dans la collection du Palais Royal, le facrifice d'Ifaac d'Ifaac, une Transfiguration, le fonge du Caravage, & un jeune-homme qui joue de la flûte. Son Promethée eft dans l'Abbaye de Saint Germain-des-Prés.

Ses deffeins font heurtés d'une grande maniere, qui rend bien la couleur. On y voit par-tout fon goût bifarre, des contours irréguliers, & des draperies mal jettées.

Il eut pour Difciples Barthelemi Manfredi de Mantouë, Jofeph Ribera, dit l'Espagnolet, Gerard Honshort & quelques autres.

GUIDO RENI, connu fous le nom du Guide, naquit à Bologne en 1575, & apprit les premiers principes de fon art de Denis Calvart, bon Peintre Flamand. A l'âge de vingt ans, il fe mit fous la difcipline d'Annibal Carrache, où il fit des progrès fi furprenans, qu'Annibal jaloux de fon mérite, vouloit le détourner de la Peinture.

Le Guide fuivit quelque
Niv

tems la maniere du Caravage, qu'il quitta pour en prendre une plus claire, plus vague, & qui lui acquit une très-grande réputation, qu'il s'eft toujours confervée depuis, & qui fut comme fcellée pour l'immortalité, dès le moment qu'il eut peint le martyre de S. André dans l'Eglife de S. Gregoire à Rome, & qu'il avoit fait en concurrence avec le Dominiquin,

Paul V. le choifit pour peindre la chapelle fecrette de Monte Cavallo; l'Al bane & Lanfranc l'aiderent dans cet ouvrage, qui fut applaudi de tout le monde. Le Pape lui donna, pour preuve de fon eftime particuliere, un équipage & une forte penfion, qui le mit en état de vivre honorablement; fa penfion ayant été fupprimée, il fe retira à Bologne, pour y jouir de fa patrie & de fes amis.

Quelque tems après, la paffion du jeu le maîtrifa au point, qu'étant de retour à Rome, il perdit dans une nuit une forme confidérable qu'il avoit reçue d'arrhes de la Fabrique de Ș, Pierre, pour y peindre l'Hiftoire d'Attila. Cet événement lui caufa beaucoup d'embarras, mais ne le corrigea pas; il

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faifoit très-fouvent des per tes qui le mettoient dans l'indigence, & qu'il réparoit néanmoins par fa facilité prodigieufe à manier le pinceau. La feule propofition cependant de faire un tableau, le mettoit de mauvaife humeur, & il vint au point qu'il ne fe mettoit au travail, que pour gagner de l'argent, & payer ce qu'il devoit; il fe mit même à peindre à la journée, & à tant par heure.

Cette facilité qu'il avoit à peindre, fe manifefta bien clairement dans une tête d'Hercule qu'il fit en deux heures de tems, fi parfaitement devant le Prince JeanCharles de Tofcane, pour qui il l'avoit peinte, qu'il lui donna foixante piftoles dans une boëte d'argent, avec une chaîne d'or.

Malgré les fommes confidérables qu'il touchoit, le jeu où il les perdoit auffitôt, le mit toujours mal à fon aife. Enfin devenu vieux, & poursuivi par l'indigence & par fes créanciers, le chagrin s'empara de lui, & lui caufa la mort en 1642.

Le Guide n'aimoit que les avantages de fon art, & en foutenoit les préroga tives avec ardeur. Il ne cachoit rien à fes Eleves de

tout ce qui pouvoit les rendre auffi habiles que lui; il retouchoit volontiers leurs ouvrages.

La correction, la lége reté de la touche, la nobleffe, la grandeur, la fpiritualité & le coulant du pinceau, avec une grande délicateffe, une riche compofition, un coloris frais, un grand goût de draperies, des airs de têtes, des mains, des pieds admirables, font ce qui caractérise particulierement les ouvrages de ce grand Maître, qui eût été l'objet d'une admiration générale, s'il eût mis un peu plus de feu & un peu plus de vigueur de coloris dans fes tableaux.

Il travailloit également bien à fraifque & à l'huile, & fe délaffoit en jouant du clavecin, en fculptant & en gravant à l'eau-forte.

Ses ouvrages les plus confidérables font à Rome & à Bologne; les autres font difperfés dans toute l'Europe. On voit dans le cabinet du Roi de France, une charité Romaine, un Ecce Homo, Dalila & Samfom, une Vierge & l'Enfant Jefus qui dort, Jefus-Chrift au jardin des Olives, une Vierge vêtue de rouge, appellée la Coufeufe, S. Jean

en méditation, Hercule enlevant Dejanire, Hercule fur le bucher, un S. Sebaf tien, David tenant la tête de Goliath, & beaucoup d'autres.

Dans la collection du Palais Royal, on trouve une Magdeleine portée fur un nuage, Sufanne prête à entrer dans le bain, une Vierge vêtue de bleu, une Sibylle avec un turban, Herodiade de grandeur naturelle, David & Abigail, la décolation de S. Jean-Baptifte, l'Enfant Jefus couché fur la croix, &c.

A l'Hôtel de Toulouse, on voit David vainqueur de Goliath, & l'enlevement d'Helene par Paris. Le Couvent des Carmelites de la rue S. Jacques poffede autfi une Annonciation, tableau admirable de ce célebre Ar

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les font rechercher avec beaucoup de foin & de curiofité.

Ceux de fes Eleves qui fe font le plus diftingués, font Guido Cagnacci, Gio Andrea Sirani,Simone Cantarini da Pefaro, Francefco Geffi, Le Guide employoit particulierement ce dernier dans fes grands ouvrages. ALBANE (François) nâquit à Bologne en 1578, & fut mis chez Denis Calvart, pour apprendre les principes de la Peinture; il y trouva le Guide, qui l'aida de fes confeils, & l'un & l'autre quitterent ce Maître, pour entrer chez les Carraches; ils furent enfuite à Rome, où l'Albane devint un des plus gracieux & des plus fçavans Peintres du monde.

Il portoit toujours le Taffe avec lui, ou quelqu'autre, Poëte Italien, pour le former le goût du fublime, & fçavoit en faire ufage à propas,

Sa vie réguliere le porta au mariage, & la naiflance d'une fille le priva de fa femme au bout de l'an. Il prit un nouvel engagement avec une femme peu riche, mais d'une grande beauté; il en eut douze enfans aufli beaux que la mere. Elle

lui fervit de modele, & il la peignit, tantôt en Venus, tantôt en Nymphe, tantôt en Déeffe, tantôt en Vierge, en Magdeleine, enfin pour toutes les femmes qui entroient dans la compofition de fes tableaux. Ses enfans furent les objets qu'il imita, quand il eut à peindre des Génies des Amours, ou autres figures d'enfans : leur mere les tenoit dans fes bras dans les attitudes convenables à fes fujets, ou les fufpendoit avec des bandelettes; fouvent elle les prenoit endormis. Elle confentit même qu'ils ferviffent de modele à l'Algarde & à François Flamant, fameux Sculpteurs.

L'Albane étoit admirable pour les carnations des femmes & des enfans; les corps mufclés des hommes n'etoient pas fi bien de fon goût, & l'on peut dire que les fujets gracieux étoient plus de fon reffort que les actions fieres & terribles.

Il vouloit qu'un Peintre rendit compte des moindres chofes qu'il met dans fes tableaux. La naturę, difoitil, eft très-finie, & l'on n'y voit point de touche ni de maniere particuliere, & n'ef timoit point les Peintres qui n'avoient fait que relever

Jeur peinture par des tou ches, quoique légeres & fpirituelles. Il méprifoit ceux qui repréfentoient des fujets bas, tels que des tabagies, & ceux qui traitoient des fujets lafcifs; il s'étonnoit avec raifon, que des morceaux qu'on ne pouvoit expofer en public, puffent trouver place dans les palais des Grands, ou dans les cabinets des Particuliers. Il congédia même un de fes Difciples qui avoit percé le mur, pour regarder un modele de femme qu'il deffinoit auffi étoit-il fi modefte, que lorfque fa propre femme fut hors d'âge de lui fervir de modele, les femmes qu'il employoit, n'étoient jamais nues dans les endroits que la pudeur oblige de cacher; à l'exemple de Louis Carrache & du Guide, il ne leur découvroit que les bras, les jambes & la gorge. It mourut de dé-. faillance à Bologne en 1660, âgé de 83 ans.

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On pourroit lui reprocher qu'il n'étoit pas tour jours correct, qu'il répétoit fouvent le même fujet, & que fes têtes de vieillards, de femmes & d'enfans, font prefque les mêmes dans tous fes tableaux; un Auteur Ita lien rapporte à cette occafion

que M. de Piles, après avoir admiré un tableau de l'Albane à Florence, s'écria qu'il pouvoit dire les avoir tous vûs, puifqu'ils fe reffem→ bloient tous,

Malgré tout ce qu'on peut reprocher à l'Albane, ses ouvrages feront toujours les délices des Connoiffeurs ; on les recherche dans toute l'Europe, & on les paye comme des pierres précieufes. En effet, quel autre Peintre a mis dans les fiens plus de moëlleux, plus de légereté, plus d'enjouement & plus de grace?

Ses deffeins font extrêmement rares on remar¬ que dans ceux qui font faits au crayon rouge, ou à la pierre noire, peu de facilité, des figures lourdes & un crayon peiné, & fes têtes toujours reflemblantes, comme dans fes tae bleaux.

Ses Difciples furent entr'autres Jean-Baptifte & Pierre-François Mola, André Sacchi, le Cignani,

&c.

Le Roi poffede un grand nombre de tableaux de l'AI bane, & l'on en voit neuf au Palais Royal; les uns & les autres font prefque tous, petits tableaux de chevalet, peints fur cuivre.

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