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DOMINIQUE ZAMPIERI, dit le Dominiquin, nâquit à Bologne en 1581. Il quitta l'Ecole de Denis Calvart pour se mettre dans celle des Carraches.Il remportoit tous les prix de l'Académie, & travailloit même dans le tems que les autres Eléves fe divertiffoient, & Louis Carrache le leur propofoit pour modele. Il étoit lent & long dans fes opérations, & méditoit fi long-tems avant que de fe mettre à l'ouvrage, que fes camarades le nommerent le Bauf de la Peinture, prétendant qu'il deffinoit trop lentement, qu'il étoit lourd, & que fes Ouvrages fentoient le joug. Sur quoi Annibal fon Maître difoit que ce Boeuf labouroit un champ très-fertile, qui nourriroit la Peinture.

L'amitié étroite qui fe lia entre l'Albane & le Dominiquin, excitoit leur émulation fans caufer entr'eux aucune jaloufie. Annibal & fon ami lui procuroient tous les Quvrages qu'ils pouvoient, & le Dominiquin répondit toujours très bien aux idées que ces deux amis donnoient de lui. La nature lui avoit donné un efprit pareffeux, pefant & affez ftérile; mais fon opiniâtreté au travail lui acquit de la faci

lité, de la fécondité, & fon génie caché que l'on traitoit de ftupidité, lui ont fait mettre au jour des morceaux admirables. Cet efprit, ce gé nie fe développa dans la fuite, de maniere qu'il s'en faut peu que le Dominiquin ne foit arrivé au fublime. En effet, on ne peut rien voir de plus beau que fa Communion de S. Jérôme, fon S. Sébastien dans la feconde Chapelle de l'Eglife de Saint Pierre, le Mufée, & bien d'autres Ouvrages que l'on voit à Rome, à la chapelle du Tréfor de Naples, & dans les environs de cette ville à l'Abbaye de Grotta Ferrata.

On ne peut attribuer qu'à fon mérite & à fes rares talens la jaloufie que lui portoient fes rivaux dans tous les endroits où il à travaillé, puifque le Dominiquin étoit modefte, fincere, & ne difant jamais du mal de perfonne. Ses envieux en vinrent au point d'employer pour détruire fes Ouvrages, des moyens, auffi honteux que ceux qui furent em¬ ployés prefqu'en même tems contre les Peintures de le Sueur au petit Cloître des Chartreux de Paris.

Cette jaloufie & les tours qu'on lui jouoit dans toutes les occafions, le chagrine

rent beaucoup : on corrompit jufqu'au Maçon qui préparoit la chaux, dans laquelle on lui fit mêler de la cendre pour faire tomber l'enduit & l'Ouvrage à frefque qu'il peignoit dans la Chapelle du Tréfor de Naples. Frappé de ces mauvaises mancuvres, fon chagrin augmenta, il craignit qu'on ne voulût l'empoifonner, & ne fe fiant plus à perfonne, même à fa femme, il changeoit tous les jours de mêts, & les apprêtoit lui-même. Il mourut enfin en 1641, âgé de foixante

ans.

Le Dominiquin deffinoit tout d'après nature; & comme il travailloit pour la gloire, fes modeles, fes cartons, fes études lui coûtoient tant d'argent & tant de tems, qu'il ne lui reftoit prefque rien des fommes qu'on lui donnoit pour fes Ouvrages.

Il fçavoit accorder parfaitement les mouvemens des bras, des jambes, le contour

du corps, aux fentimens de l'ame, & s'attachoit à bien rendre une action & à exprimer les paffions. On l'entendoit fouvent, lorfqu'il étoit feul, pleurer, rire,gémir, fe mettre en colere, felon le fujet qu'il traitoit, & difcouroit alors fi haut, qu'on l'eût pris pour un in

Ses tableaux à l'huile n'ont pas la même beauté que fes Ouvrages à fresque. Il étoit grand colorifte, très correct, bon paysagifte, entendant bien le coftume, la Perfpective & l'Architecture: quant à l'expreffion, le Pouffin difoit qu'il ne connoiffoit que lui de Peintre, & que depuis Raphaël perfonne n'y avoit réuffi comme le Dominiquin.

Ses deffeins fentent trop le travail; ses paysages sont plus libres, & la plume en eft mieux maniée."

à

Rome poffede quantité d'Ouvrages du Dominiquin. On en voit à Bologne, Naples, & en divers autres endroits d'Italie. On trouve dans le cabinet du Roi Renaud & Armide, Timoclée devant Alexandre, la Vierge à la coquille, un Payfage où Hercule eft repréfenté tirant Cacus de fa caverne, Ste. Cecile, une Magdeleine, &c.

Au Palais Royal, un Sacrifice d'Abraham, un portement de croix, un S. Jérome, une Sibylle à demicorps, un petit Paysage avec plufieurs barques, & plufieurs autres.

LANFRANC (Jean) nâquit à Parme en 1581, & fut mis dans l'Ecole des Carta

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ches, où il fit bientôt des progrès étonnans. Il travailla fous Annibal dans le Palais Farnefe; les Ouvrages du Correge flattoient beaucoup Lanfranc, qui étoit charmé des raccourcis admirables qu'on y trouve. Sa réputa tion augmentoit tous les jours. Il paffa fa vie avec beaucoup de douceur & d'agrément. Son caractere lui fit quantité d'amis, & point de jaloux. Les Papes Paul V. & Urbain VIII. le comblerent d'honneurs & de bien- ́ faits, qui le firent vivre fplendidement. Il mourut à Rome en 1647.

Lanfranc né pour les grandes machines, & fur-tout pour les raccourcis, fe montra toujours un grand Peintre. Ses compofitions font élégantes, fes groupes font un grand effet, fes draperies font jettées avec un art furprenant; fon pinceau eft fier, mais il lui manque un peu d'expreffion & de correction, & fon goût de couleur est un peu trop noir.

Ses deffeins font fpirituels & d'une main hardie, fes têtes, fes draperies larges font beaucoup d'effet.

Le Roi poffede de ce Peintre un S. Auguftin & S. Guillaume à genoux, la féparation de S. Pierre &

de S. Paul, Agar & fon fils, Diane & Pan dans un Payfage, Mars & Venus.

On voit au Palais Royal une Annonciation, une Charité Romaine, & un portrait de femme à mi-corps.

GUERCHIN (Jean-Frans çois Barbieri dà Cento, dit le) né à Cento près de Bologne en 1590, fut mis dans cette derniere ville chez un Peintre médiocre, & ne doit prefque fa fcience dans la Peinture qu'à lui-même & à la vûe des beaux Ouvra→ ges des Carraches & des autres grands Maîtres.

Le Guerchin donna d'abord dans la maniere du Carravage, trouvant trop foibles celles du Guide & de l'Albane.

Son génie fécond & fon imagination vive lui firent enfanter ces belles compofitions, ce grand, ce fublime, qui remue & qui enchante. Ses ouvrages firent tant de bruit que bien des Peintres allerent exprès à Cento pour les voir, & les admirer. Quand il eut fait quelque féjour à Bologne, il quitta les ombres fortes & rouffes, & employa des teintes plus claires.

Malgré les défauts de cor rection, d'expreffion & de nobleffe, ses tableaux font

très-eftimés, à caufe de la fierté de fon style & des autres beautés qu'on y remarque. Il mourut en 1666.

Peu de Peintres ont travaillé autant que le Guer chin; on compte plus de cent fix tableaux d'Autel, plus de cent cinquante grands fujets pour des Princes, fans compter les coupoles, les plafonds, les morceaux peints fur les murs des Chapelles & les tableaux de che

valet.

On trouve chez le Roi un S. Jérôme s'éveillant au bruit de la trompette, une Vierge, un S. Pierre, Circé te nant un vafe d'or, &c. Au Palais Royal une Préfentation au Temple, une Vierge, un Chrift couronné d'épines, David & Abigail. A l'Hôtel de Toulouse, Coriolan qui reléve fa mere & fa femme profternée à fes pieds, le combat des Ro mains & des Sabins, très beaux, &c.

Le nombre de fes deffeins eft prefqu'incroyable; à fa mort on en trouva dix gros volumes; ce ne font la plupart que des croquis très-peu arrêtés, mais pleins de feu. Ses payfages font très-eftimés. On le reconnoît particulierement à fes figures courtes & incorrectes, & à

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fa maniere de coëffer les têtes, à fes yeux pochés, & à un certain griffonnement chargé d'encre, qui produit une efpéce de beau clairobfcur.

CAVEDONE (Jacques) nâquit à Saffuolo dans le Modenois, en 1580, prit les premiers élémens de la Peinture chez Annibal Carrache, où il fit des progrès très-rapides, & s'y fit une maniere belle & expéditive. La vûe des ouvrages du Titien le perfectionna. Il fut eftimé pendant un tems égal à Annibal Carrache, & plufieurs de fes tableaux paffent pour être de ce grand Maître: le Colonna, le Velafquez & Rubens y furent trompés fur une Annonciation du Cavedone que le Roi d'Espagne avoit.

Les commencemens de ce Peintre furent admirables, fon milieu très-médiocre, & les tableaux qu'il fit dans fes derniers tems ne valent rien du tout. Il devint fi pauvre qu'il fut réduit à peindre des ex voto fon chagrin aug menta quand il fe vit obligé à mendier publiquement fon pain. Comme il avoit donné dans la dévotion, elle lui fut d'une grande reffource; il fe réfigna entierement à la volonté de Dieu, & attendant

sa derniere heure avec patience, il tomba évanoui de foibleffe & de mifere dans une rue de Bologne: on le porta dans une écurie voi fine, où il expira âgé de quatre-vingt ans.

Les compofitions du Cadevone font élégantes, avec une grande intelligence du clair-obfcur, & beaucoup de correction; les yeux de fes figures font pochés; les caracteres de fes têtes ne font pas fi nobles que ceux d'Annibal Carrache, & les contours de fes figures font plus fecs..

Ses principaux ouvrages font à Bologne. Il y a au Palais Royal une Vierge affise, donnant à têter à l'Enfant Jefus, S. Eftienne & S. Ambroise se trouvent dans le même tableau; l'autre tableau représente une Junon qui paroît dormir; elle eft peinte fur toile, & elle plafonne.

GRIMALDI (Jean-François, dit le Bolognefe) nâquit à Bologne en 1606. Il entra dans l'école des Carraches, dont il étoit parent, & s'adonna plus particulierement au payfage, genre dans lequel il fe diftingua, & fa réputation étant parvenue jufqu'à Paris, le Cardinal Mazarin l'y attira, lui

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donna une groffe penfion? & l'employa pendant trois ans à embellir fon Palais t Louis XIII. le fit auffi travailler au Louvre. Le Bolognete retourna enfuite à Rome, où Alexandre VII. & Clement IX. lui donnerent beaucoup d'occupa tions. Il y fut enfin attaqué d'hydropifie, & y mourut en 1680.

Le Bolognefe étoit bien fait de fa personne, & avoit des manieres qui le firent aimer de tout le monde : il fut très-généreux fans être prodigue, & très-charitable envers les pauvres. Un Gentil-homme Sicilien ayant été obligé avec fa fille de quitter Meffine pendant les troubles du pays, vivoient fi miférablement à Rome qu'ils n'avoient pas de pain: comme il demeuroit vis-àvis du Bolognefe, celui-ci ne fut pas long-tems fans en être inftruit. Il alla dès le foir jetter de l'argent chez le Sicilien, fans fe faire connoître. La chofe arrivée plus d'une fois, le Gentilhomme curieux de connoître fon bienfaiteur, fe cacha tour auprès de la porte par où le Bolognefe le jettoit, & le prit fur le fait : il l'embrassa, le remercia du mieux qu'il put, & le Bolognefe, qui

resta

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