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on les délaye dans beaucoup d'eau; quand elles font diffoutes, on remue bien l'eau, & l'ayant enfuite laiffé un peu repofer pour faire précipiter le plus gros, on verfe le plus clair par inclination dans des affiettes de porcelaine ou de fayence: quand toute la couleur eft précipitée, on vuide l'eau tout doucement, & on fait fécher la couleur à l'abri de la pouffiere. Si vous mettez un peu de fiel de boeuf, de carpe ou d'anguille, particulierement de ce dernier, dans toutes les couleurs vertes, grifes, jaunes; & noires, vous leur donnerez un luftre & un éclat charmant. Il faut tirer le fiel des anguilles quand on les écorche, & le pendre à un clou pour le faire fécher. Lorfqu'on veut s'en fervir, on le détrempe dans un peu d'eau-de-vie, & on en mêle un peu dans la couleur. Ce fiel la fait mieux attacher au velin.

On délayé toutes les couleurs dans de petits godets d'yvoire, plats & faits exprès, & on les y laiffe fécher. La quantité de gomme arabique, néceffaire pour gommer l'eau, eft la groffeur environ de deux féves d'haricot, ou d'une aveline, fur un grand verre d'eau; on peut y ajouter, gros comme une petite féve, de fucre candi, il empêche les couleurs de s'écailler.

Il faut tenir cette eau gommée dans une bouteille nette & bien bouchée, & n'en jamais prendre avec le pinceau quand il y aura de la couleur, mais avec un pinceau net, un tuyau ou autre chofe. On met de cette eau dans le godet ou dans une coquille de mer", avec la couleur que l'on veut détremper, & avec le doigt bien net on la délaye exactement; on l'y laiffe énfuite fécher. On ne met point d'eau gommée avec les verts d'iris, de veffie, ni avec la gommé gutte, parce que ces couleurs portent leur gomme avec elles. L'outremer, la lacque, le biftre doivent être plus gommés que les autres. Si on veut mettre les couleurs dans des coquilles de mer, il faut auparavant

les bien faire bouillir & long-tems dans de l'eat, pour en ôter un fel qui gâteroit les couleurs. Pour connoître fi elles font affez gommées, on en prend avec le pinceau, & on en met fur la main, elles féchent auffitôt; fi étant féches elles s'écaillent, elles font trop gommées, il faut y ajouter de l'eau; fi en paffant le doigt deffus elles s'effacent, il n'y a pas affez de gomme, & on y en met. La même expérience fe fait fur le velin.

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La palette doit être d'yvoire, fans trou pour paffer pouce, & grande comme la main ou environ. On arrange d'un côté les couleurs, pour les carnations, de la maniere fuivante. On met au milieu beaucoup de blanc bien étendu, parce que c'eft la couleur dont on ufe le plus; & fur les bords on place de gauche à droite, un peu éloigné du blanc, du mafficot, du ftil de grain, de l'orpin, de l'ocre, du vert compofé d'outremer, de ftil de grain & de blanc, autant de l'un que de l'autre, enfuite du bleu fait d'outremer, d'inde & de blanc, enforte qu'il foit pâle; puis du vermillon, du carmin, du biftre & du noir. De l'autre côté on étend du blanc, & auprès de lui la couleur, par exemple, dont on veut faire une draperie.

Il est très-important d'avoir de bons pinceaux ; pour les bien choisir on les mouille un peu on les tourne fur le doigt; fi tous les poils fe tiennent affemblés, & ne font qu'une pointe, ils font bons; s'ils ne s'affemblent pas bien, & qu'ils faffent plusieurs pointes, ils ne valent rien.

Pour faire affembler les poils du pinceau & leur faire former une bonne pointe, il faut les mettre fouvent fur les bords des lèvres en travaillant, l'humecter avec la langue même quand on a pris de la couleur, & l'y tourner un peu : c'eft le moyen d'ôter la couleur qu'on auroit prife de trop. L'orpin feul, qui eft un poifon, ne doit point se porter fur les lèvres. Cette ma

niere de faire la pointe eft abfolument néceffaire pour les carnations, où il faut pointiller extrêmement net.

Quand on veut ôter un peu de couleur du pinceau, pour d'autres circonftances, on le paffe fur le bord du godet ou de la coquille, ou fur un morceau de papier qu'on tient toujours fur fon ouvrage, & fur lequel on pofe la main quand on travaille, pour ne pas gâter ce qu'on fait.

Le jour doit venir à gauche de l'Artiste, & fa table doit être tout près & prefqu'au niveau de la fenêtre. On commence à ébaucher, c'est-à-dire, à coucher fa couleur à grands coups, le plus uniment. que l'on peut, & on ne donne pas à la couleur toute la force qu'elle doit avoir; on la réferve pour pointiller. Les points doivent fe perdre dans le fond, afin que l'ouvrage foit gras & moelleux.

Comme la plupart des ouvrages en miniature ne font que des copies; quand on traite des fujets d'hiftoire, la longueur & la fervitude du travail en ôte tout le feu, ce qui fait que la miniature n'eft guère eftimée que pour les portraits. La maniere dont il faut fe conduire pour traiter les sujets différens, est détaillée très au long dans un petit ouvrage qui a pour titre Traite de Miniature. On peut y avoir recours.

Pour conferver les miniatures, on eft obligé de les embordurer, avec une glace pour les couvrir, elle en adoucit le trait à l'oeil. Quelques-uns y mettent un vernis, dont j'ai donné la recette dans l'article Vernis de mon Dictionnaire; mais de quelqu'efpece de vernis qu'on se serve, on rifque de gâter l'ouvrage. Si on n'avoit pas la précaution d'y mettre une glace devant ou du vernis, les mouches le perdroient abfolument, fur-tout fi l'on a `mis du fucre candit dans l'eau gommée. Si on veut conferver les miniatures dans un porte-feuille, il faut avoir foin d'y mettre par-deffus un morceau de papier fin & battu, pour qu'il les préferve du frottement.

Pour faire le Carmin & la Lacque de Florence.

J'ai donné un procédé pour faire le carmin, en voici un fecond qu'on m'a assuré être bon ; je n'ai pas eu le tems de l'éprouver avant de donner cet article à imprimer. On en fera l'effai fi on le juge à propos.

Prenez fix pintes d'eau de riviere filtrée au papier Jofeph & avec un entonnoir de verre : observez de puiser cette eau avec un vaiffeau de bois, ou de terre, ou de verre; faites-la bouillir après l'avoir filtrée, dans un vaiffeau d'étain lorsqu'elle bouillira bien fort, jettez-y une once de cochenille en poudre grof fiere, pilée dans un mortier de verre, ou de marbre, ou de ferpentine; & l'ayant jettée dans l'eau bouillante, vous la remuerez bien avec une spatule d'étain ou de bois qui ne donne point de teinture, & cela pendant le tems que vous compterez trois cens, c'eftà-dire, environ quatre-vingt fecondes ; & après cela vous y jetterez aulli-tôt feize grains d'alun de roche, en poudre, que vous continuerez à faire bouillir pendant le tems que vous compterez cent, & aufli-tôt après vous retirerez le vase du feu, & le laifferez re froidir.

Vous rangerez alors fur une table deux douzaines d'affiettes de porcelaine ou de fayance, & les remplirez avec une cuillier d'étain bien nette, avec la précaution de ne point troubler ce qui fera au fond, & d'empêcher l'ordure & la pouffiere de tomber dans les affiettes. Vous laifferez le tout ainfi jufqu'à ce que le carmin foit bien déposé au fond, & que l'eau foit déchargée de toute fa teinture. Vous décanterez enfuite la liqueur tout doucement pour ne pas troubler le carmin précipité, que vous ferez fécher dans un endroit médiocrement chaud, & le ramafferez pour J'ufage.

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Vous verferez la liqueur décantée dans le même vaiffeau où vous avez laiffé le marc de cochenille; vous ferez enfuite fondre dans un vaiffeau de terre ou de verre une once d'alun, & dans un autre vase trois onces de potaffe. Vous laifferez refroidir ces deux liqueurs féparément pendant vingt-quatre heures, & les filtrerez par le papier Jofeph; vous jetterez la liqueur de potaffe dans votre teinture, & l'ayant bien remuée, vous y verferez l'eau d'alun en remuant toujours. Vous laifferez enfuite repofer le tout, & vous trouverez au fond une poudre fine, que vous retireréz après avoir décanté la liqueur, & la ferez fécher après l'avoir broyée fur le porphyre. Cette poudre eft la lacque de Florence la plus belle. Vous aurez par ce procédé un demi-gros, ou un peu plus, de carmin, & plus de trois onces de lacque.

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DE LA PEINTURE SUR LE VERRE, qu'on appelle PEINTURE D'APREST.

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La Peinture fur le verre étoit autrefois très en ufage, comme on le voit encore aux grands vitraux des Eglifes & des Palais : à peine trouve-t-on aujourd'hui quelques Peintres qui sçachent la maniere de l'exécuter, ce qui a fait penfer mal-à-propos que le procédé en étoit ignoré, & même perdu.

Les couleurs qu'on y employe doivent être minérales, & il faut connoître, comme dans l'émail, l'effet qu'elles produiront quand elles feront fondues, parce qu'il y en a qui changent confidérablement.

Quand cette Peinture étoit en vogue, on faifoit faire dans les Verreries des verres de différentes couleurs, qui fervoient pour les draperies, en les coupant, fuivant les contours, pour les mettre en œuvre avec le plomb, & on les ombroit feulement avec du noir qu'on adouciffoit, ou en hâchant, ou en pointillant. On a

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