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auffi une autre maniere de faire des ombres fur ces verres colorés: on donne une couche de noir égale par-tout avec la gomme arabique, comme on fait toutes les couleurs; & quand elle eft bien féche, on enleve le noir avec une groffe plume un peu arrondie. par le bec, aux endroits où l'on veut que le fond paroiffe; & pour les demi-teintes, on enleve, en hâchant plus ou moins pour les faire plus ou moins fortes, ce qui fait à peu près l'effet des tailles des eftampes; enfuite on fait recuire le noir au fourneau pour l'attacher fur le verre.

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On a fait auffi fur le verre des ouvrages de grifaille, en y couchant également par-tout une foible teinte de noir, que l'on découvroit pour les jours & les demi-teintes, de la maniere que nous venons de dire.

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La plupart de ceux qui travaillent à cette espece de Peinture ne font que de bons Copistes, car ils n'ont qu'à fuivre exactement le deffein ou patron qu'on leur donne, & fur lequel ils couchent le verre à plat ils voyent les contours & les teintes à travers, & n'ont pas beaucoup de peine à les fuivre.

On commença cette Peinture par quelques morceaux de verre colorés dans les Verreries, & on les arrangeoit par compartimens comme la Mofaïque; voyant que cela faifoit un aflez bon effet, on tenta, & l'on réuffit, quoique d'abord très-imparfaitement, à y représenter des fujets d'hiftoire, avec des couleurs détrempées à la colle. Mais ces couleurs ne pou vant réfifter à la pluye ni aux injures de l'air, l'on cherchia d'autres couleurs, qui appliquées fur le verre blanc, & même fur celui qui avoit déja été coloré dans les Verreries, puffent se parfondre & s'incorporer avec lui en le mettant au feu.

On fit d'abord les Draperies; comme nous l'avons dit ci-devant, & pour les carnations on choififfoit du

verre dont la couleur fût d'un rouge clair, fur lequel on deffinoit avec du noir les principaux traits du visage, & des autres parties du corps. Quand on vouloit, peindre für le verre blanc, on y couchoit des couleurs claires ou brunes fans demi-teintes ; auffi voyons-nous les plus anciennes vitres de nos Eglifes toutes peintes dans le goût Gothique: cette maniere fe perfectionna lorsque la Peinture commença à reprendre la vigueur, & les François & les Flamands ont le mieux réuffi dans la Peinture fur le verre. Un Peintre de Marseille la porta le premier en Italie, où elle étoit inconnue, & travailla à Rome fous le Pontificat de Jules II. Albert Durer & Lucas de Leyde la perfectionnerent beaucoup, & l'on parvint enfuite à faire de fi belles chofes en ce genre, qu'on ne peut rien défirer de plus. On voit en plufieurs endroits des vitraux admirables, faits. d'après les deffeins de très habiles Maîtres; tels font ceux de l'Eglife de S. Gervais à Paris, d'après Jean Coufin, qui y travailla lui-même à la Sainte Chapelle de Vincennes, d'après les cartons de Lucas Peni, aux grands Cordeliers, à Anet, & en divers autres lieux de ce Royaume.

On choififfoit ou l'on tailloit des morceaux de verre pour y peindre les figures par parties, enforte que les piéces puffent fe rapprocher dans les contours des parties du corps, & des plis des Draperies, afin que le plomb qui devoit les raffembler ne parût pas interrompre les contours ni le jeu des Draperies. On marquoit chaque piéce peinte par un chiffre ou une lettrè, pour les reconnoitre & les mettre à leur place.

Nous voyons dans les anciennes vitres des couleurs admirables, que l'efprit d'épargne empêche d'imiter aujourd'hui. Il y a des verres dont la couleur est répandue dans l'intérieur même, & d'autres où elle n'eft adhérente que fur une des furfaces, ou n'a pénétré dedans que fort peu. Ceux-ci avoient la commodité

qu'en ufant avec l'émail la furface colorée, jufqu'à ce qu'on en avoit enlevé toute la couleur, on pouvoit fur le même morceau fubftituer d'autres couleurs pour enrichir de fleurons ou d'autres ornemens d'or, d'argent ou d'autres couleurs, des draperies & divers objets. On les couchoit fur la furface oppofée à celle qu'on avoit ufée à l'émail, afin que les couleurs nouvelles ne fe brouillaffent pas avec les anciennes, en mettant les morceaux de verre au feu.

.. Ce travail fe fait avec la pointe du pinceau, principalement pour les carnations, & les couleurs fe couchent détrempées à l'eau gommée. On épargne le verre quand il s'agit des réhauts, des jours, ou de marquer les poils de la barbe, les cheveux, ou l'on enleve la couleur déja couchée, avec une petite pointe de bois, dans les endroits où il ne doit pas refter d'ombres ni de demi-teintes.

Les couleurs dont on fe fert ne font que des verres colorés & tranfparens. On n'y employe point de blanc, tant parce que le verre coloré en blanc paroîtroit opaque, que parce que le verre paroit blanc quand il fe trouve entre la lumiere & le spectateur. Le noir fe fait avec des pailles ou écailles de fer qui tombent de l'enclume des Forgerons; on les broye, comme les autres couleurs, fur le porphyre. Ce noir eft auffi fort doux à la vûe pour laver fur le papier; mais la difficulté de le préparer empêche d'en faire cet ufage. Le principal corps de toutes les autres couleurs eft un verre aflez tendre, qu'on appelle rocaille, qui se fait avec dù fablon blanc calciné plusieurs fois, puis jetté dans de l'eau pure, & dans lequel on mêle enfuite du falpêtre, pour lui fervir de fondant. On teint ce verre avec différens métaux calcinés, & des terres ou pierres minérales. On trouve la meilleure maniere de faire ces verres de toutes les couleurs dans le Traité de l'Art de la Verrerie de Neri, avec les Obfervations de

Merret & les Notes de Runckel, édition de Paris de 1752. Félibien en parle auffi très au long dans fon Traité qui a pour titre, les Principes de l'Architecture, pag. 244 & fuiv.

Lorfque les couleurs font appliquées & bien féches fur les morceaux de verre, on fait recuire toutes les pieces dans un petit fourneau fait exprès, avec des briques, & qui n'ait en quarré qu'environ dix-huit pouces, à moins que la grandeur des pieces n'en demande un plus grand. Dans le bas, & à fix pouces du fond, on pratique une ouverture pour mettre le feu & l'y entretenir. A quelques pouces au-dessus de cette ouverture, on fixe en travers deux ou trois verges quarrées de fer, qui par leur fituation puiffent partager le fourneau en deux parties. On pratique encore une petite ouverture d'environ deux pouces au-dessus de ces barres, pour faire paffer les effais quand on recuit l'ouvrage.

Le fourneau ainfi dreffé, on pose sur les barres de fer une poële de terre, quarrée comme le fourneau, mais de grandeur telle qu'elle laiffe trois bons pouces de vuide entr'elle & les parois. Cette poële doit être épaiffe d'environ deux doigts, & fes bords élevés d'environ fix pouces; il faut qu'elle foit faite de terre de creuset & bien cuite. Le côté qui doit répondre au devant du fourneau aura un trou pour les effais.

Ayant placé cette poële, on répand fur tout fon fond de la chaux vive bien tamisée, de l'épaiffeur d'un demi-doigt, ou de la poudre de plâtre cuite trois fois dans un fourneau à Potier, & par-deffus cette poudre, des morceaux de verre caffés, par-deffus le verre de la poudre, enforte qu'il y ait trois lits de poudre & deux de verre. Sur le troifiéme lit de poudre on étend les morceaux de verre peints, & on les diftribue auffi par lits avec la poudre, jufqu'à ce que la poêle foit

pleine, fi on a affez d'ouvrage pour cela, ayant foin que le lit de deffus foit de la poudre.

Tous étant ainfi difpofé, on met quelques barres de fer en travers fur les parois du fourneau, & l'on couvre la poêle de quelque grande tuile qui puiffe s'y ajufter en façon de couvercle, de maniere qu'il ne reste au fourneau qu'une ouverture d'environ deux pouces de diametre à chaque coin du fourneau, & une en haut pour fervir de cheminée & laisser échapper la fumée.

Pour échauffer le fourneau, on met d'abord à la porte feulement un peu de charbons allumés, qu'on y entretient pendant près de deux heures, pour chauffer le verre peu à peu, afin qu'il ne caffe pas. On pouffe enfuite le charbon plus avant, & on & on l'y laiffe encore une bonne heure, & après cela on le fait entrer deffous la poële peu à peu. Quand il y a été ainsi deux heures, on l'augmente par degrés, rempliffant infenfiblement le fourneau avec du charbon de jeune bois bien sec, enforte que le feu foit très-vif, & que la flamme forte par les quatre trous des angles du fourneau. Il faut entretenir le feu le plus vif pendant trois ou quatre heures. De tems en tems on tire de la poële, par le trou qui répond à celui du devant du fourneau, les épreuves ou effais, pour voir si les couleurs font fondues & incorporées.

Quand on voit que les couleurs font prefque faites, ́on met du bois très-fec & coupé par petits morceaux, & l'on ferme enfuite la porte, qui le doit être depuis que le feu a commencé à être pouffé sous la poële. Lorfqu'on voit que les barreaux qui foutiennent la poële font d'un rouge étincellant & de couleur de cerife, c'eft une marque que la recuite s'avance. Mais pour fa perfection, il faut un feu de dix ou douze heures. Si on vouloit précipiter la recuite, en donnant au commencement un feu plus âpre, on rifqueroit de faire eaffer le verre, & de brûler les couleurs.

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