Imágenes de páginas
PDF
EPUB

noiffe la nature des couleurs, de la lumiere, des ombres, & des rayons réfléchis, qu'on appelle réflets. L'effet qui réfultera du mêlange de ces couleurs, & de la pofition qu'elles ont fur la toile les unes relativement

aux autres.

La Géometrie, l'Optique, la Perspective, la Géographie, l'Oftéologie, la Myologie, l'Architecture & bien d'autres Sciences font néceffaires à un Peintre, & ne le font pas à un Historien, ni à un Poëte.

Le Peintre qui fe borne au portrait, n'a pas tout-àfait befoin d'être inftruit de tant de chofes ; mais il faut qu'il faffe une étude particuliere des hommes; qu'il fe plię aux différentes fortes de gens à qui il a affaire ; il faut qu'il fçache faire une différence entre le caractere distinctif d'un homme de qualité, & celui d'un homme du commun, Un Peintre très-médiocre peut réuffir à faire un portrait reffemblant, mais d'une reffemblance froide & infipide; un bon Peintre doit y donner l'amẹ & la vie, pénétrer autant qu'il eft poffible dans le caractere de l'homme qu'il peint, & en exprimer l'efprit avec autant d'exactitude qu'il rend les traits du visage,

On peut donc dire qu'un tableau eft le fruit de l'étude & de l'occupation d'un grand homme, d'un homme utile à l'humanité, d'un homme qui mérite une confidération particuliere de la part des Grands & des autres perfonnes. Mais il faut qu'un Peintre s'en rende digne par un grand amour pour fon Art, & par fon habileté ; qu'il fe garde de fe deshonorer par un travail dont les productions pourroient bleffer l'honnêteté & la décence de nos moeurs, & le faire foupçonner de conduite irréguliere. Son objet étant d'exprimer des fentimens nobles, pour les faire paffer jufques dans l'ame même du fpectateur, il faut qu'il fe les rende familiers, qu'il penfe & agiffe conformément le feul moyen de devenir excellent Peintre, eft d'être un excellent homme.

:

DES DIFFERENTES MANIERES d'exécuter la Peinture, avec les matieres & les outils qu'on y employe

LA

A Peinture a vraisemblablement commencé par le Deffein, qui s'exécute fur toutes fortes de matieres, ordinairement fur une furface plate, pour y conduire plus aifément le crayon, qui doit y marquer les contours, les traits & la position de tous les objets qu'on veut y représenter.

Le papier eft aujourd'hui la matiere la plus en usage pour le deffein. Le Deffinateur le choifit de la couleur qu'il veut; lorsqu'on employe le papier blanc, on y deffine avec des crayons de fanguine, ou de pierre noire, ou de mine de plomb, ou de charbon léger, ou la plume. Sur le papier bleu ou gris, on se fert plus communément des crayons de pierre noire, ou de charbon; & l'on rehauffe les clairs avec des crayons de craye blanche, ou avec du blanc au pinceau. Les traits du crayon noir forment les ombres, ceux du crayon blanc font les clairs, & la couleur du papier donne une espece de demi-teinte.

Il y a différentes fortes de deffeins, qui prennent leur nom du plus ou moins de perfection qu'on leur donne, ou de la maniere de les exécuter. On appelle les premiers croquis, efquiffes, penfées, études, acadé mies, deffeins arrêtés ou terminés; les feconds fe nomment contr'épreuves, deffeins calqués, poncis, deffeins craticulés, deffeins réduits, deffeins eftompés, deffeins hachés, deffeins lavés, lavis, deffeins aux trois crayons. Quand on deffine fur le velin, on le fait avec le crayon de mine de plomb, ou la plume.

Lorfqu'on a tracé les traits & les contours des objets,

on le termine en hachant avec le crayon, comme font les eftampes, ou en eftompant, ou en lavant avec le pinceau. Les deffeins hachés à la fanguine fe gâtent quand on les manie, ou par le frottement le plus léger contre d'autre papier. Pour prévenir cet inconvénient on les fait paffer à la contr'épreuve, & l'on en a deux pour un.

Il y a encore une efpece de deffein qui représente les couleurs naturelles des objets comme c'eft une efpece de Peinture, on l'a nommée Peinture au pastel, parce qu'elle s'exécute avec des crayons de différentes couleurs appellés pastels; nous en parlerons dans la fuite.

Des outils néceffaires à un Peintre.

Les couleurs naturelles ou artificielles que l'on em. ploye dans la Peinture font en pierre ou en pains avant leur préparation; on ne pourroit donc en faire usage fans les réduire en poudre, afin de pouvoir les rompre pour en faire les teintes & les demi-teintes. On broye ces couleurs fur une pierre à broyer, au moyen d'une molette. Les autres outils font en général l'amaffette, le couteau, le chevalet, la palette, la baguette ou appui 'main, le pincelier, les crayons de différentes fortes, la parallele, le compas, le tire-ligne, la regle, les broffes & les pinceaux.

De la Détrempe.

On peut conjecturer que la plus ancienne maniere de peindre étoit à détrempe, que nous appellons Peinture à gouache, ou à gouaffe, de l'Italien guazzo. Elle fe fait avec les terres de différentes couleurs, détrempées avec de l'eau préparée à la colle ou à la gomme.

On n'employe guères aujourd'hui la peinture à détrempe en grand, que dans les décorations des théâtres & des fêtes publiques, foit qu'on pense mal-à

propos qu'elle ne peut fubfifter long-tems, foit qu'on n'y trouve pas ce coup d'oeil flatteur qu'ont les autres manieres de peindre, foit enfin qu'on trouve trop de difficultés à la bien exécuter. Quoi qu'il en foit, elle eft aujourd'hui bannie des Eglifes & des Palais; & fi on l'employe dans les appartemens, c'est tout au plus pour tirer quelques moulures de panneaux ; on l'a releguée chez les Peintres de tapifferie, où elle ne se foutient pas avec honneur, parce qu'elle ne vaut rien en effet pour cet usage. Elle blanchit, elle s'évanouit, & au bout d'un tems il ne refte de la tapifferie qu'une toile falie de couleurs indécifes: ce qui vient de ce qu'ils employent beaucoup de teintures tirées des végé taux qui ne tiennent pas à l'air.On ne doit cependant pas de là porter fon jugement fur la durée de cette forte de Peinture: la bonne détrempe fe foutient parfaitement: j'en ai vû dans les appartemens de M. Joseph-Ignace Parrocel, exécutée de fa propre main fur les murailles, qui s'eft foutenue dans toute fa beauté depuis nombre d'années. Ce célebre Artifte a acquis dans ce genre de Peinture par le grand exercice, & les obfervations judicieufes qu'il a faites, des connoiffances qu'il m'a communiquées avec cette bonté, cette politeffe & cet empreffement qu'il a toujours de rendre fervice, & que tout le monde lui connoît. C'est à lui que le Public eft redevable de la plupart des chofes qui compofent

cet article.

Avant l'invention de la Peinture à l'huile, on ne peignoit qu'à frefque ou à détrempe, fi l'on en excepte les Anciens ; & l'on voit encore en Italie & en France des peintures à détrempe fur le plâtre, qui malgré le laps de plufieurs fiécles, confervent encore plus de fraicheur que l'huile même. Cette forte de Peinture a encore l'avantage qu'étant exposée à quel jour ou lumiere qu'on voudra, elle fait toujours fon effet, & plus le jour eft grand, plus elle paroît vive & belle;

de plus, les couleurs une fois féches ne changent ja mais, tant que le fond fur lequel elles font appliquées fubfifte. La raifon en eft que les couleurs y font employées comme elles fortent du fein de la terre. La colle ou la gomme qu'on y mêle pour les rendre plus adhérentes, les changent fi peu, que quant la couleur appliquée a acquife le degré de ficcité convenable elle reprend fa premiere fraîcheur & fon premier 'état.

Une bonne détrempe exécutée fur un enduit de p'âtre bien fec, eft au bout de fix mois en état de fouffrir fans altération des pluyes affez longues; que ne feroit-elle donc pas à l'abri de l'humidité? Il est étonnant que les Peintres la négligent fi fort; elle leur feroit avantageufe & au Public; parce que la détrempe s'exécutant très-vite, l'Artifte feroit plus d'ouvrage & à meilleur marché; & ceux qui employent les Artiftes auroient la fatisfaction d'une jouiffance plus prompte.

Quand il s'agit de grands morceaux, elle doit être touchée de grands coups, & vigoureusement. Elle demande donc alors d'être vûe de loin : elle produiroit un effet charmant dans les plafonds. Il eft vrai qu'elle ne feroit pas fi bonne dans les voûtes & dômes des Eglifes, par la raifon qu'on n'y fait pas des enduits de plâtre fur les pierres : le falpêtre de la pierre feroit détacher l'enduit. La toile, comme trop fufceptible de l'humidité, ne fait pas non plus un corps propre à la recevoir.

Il n'y a point de maniere de peindre qui admette plus de différentes fortes de couleurs que la détrempe; toutes les terres y font bonnes; la terre d'ombre même, qui, brûlée & dans fon état naturel, eft avec raison bannie de la palette de ceux qui peignent à l'huile, loin de pouffer au noir, devient à la détrempe une couleur admirable. Elle eft préférable aux ocres brûlées, parce qu'elle n'eft pas fujette, comme elles, à

« AnteriorContinuar »