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de la belle fanguine, en frottant & en eftompant comme fi l'on deffinoit.

Si l'on vouloit dorer fur la Frefque, on pourroit le faire de la maniere que j'ai indiquée pour la Peinture à détrempe, en suivant le procédé pour dorer fur la Peinture à l'huile avec l'or couleur.

L'Italie & Rome entr'autres Villes, offrent aux yeux curieux divers ouvrages exécutés de cette maniere de peindre du tems même des anciens Romains, & qui fe font bien confervés, quoiqu'ils ayent été enfevelis pendant plufieurs fiécles dans des ruines de bâtimens & fous terre.

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DE LA MOSAYQUE OU MUSAYQUE.

Les Anciens appelloient cette forte de Peinture Opus Mufivum. C'est un affemblage de petites pierres, de cailloux, de petits morceaux de marbres de différentes couleurs artiftement incrustés & arrangés dans un enduit de mortier frais, & d'une maniere à repréfenter des objets avec les couleurs qui leur font propres au défaut de pierres naturelles pour certaines couleurs, on fe fervoit d'artificielles, c'eft-à-dire, de morceaux de verre colorés au feu. Les voûtes de l'Eglife de Saint Pierre de Rome font peintes de cette

maniere.

Quoique ce travail demande un peu de fcience dans la Peinture, il eft cependant facile de juger que fon exécution eft plutôt un ouvrage de patience que d'art. Il faut avant de commencer, avoir tous les deffeins au net de la grandeur de l'ouvrage qu'on fe propofe, c'eft-à dire, des cartons comme pour la Frefque, avec un tableau peint, foit en petit, foit en grand, pour fervir de modele.

On range enfuite par ordre, dans des paniers ou boëtes plates, toutes les petites pierres de chaque

teinte ou nuance d'une même couleur, & chacune de ces pierres doit avoir une surface plate & unie, celle qui doit être exposée à la vûe; les autres côtés feront un peu moins larges & un peu raboteux, afin que le mortier dans lequel ils feront incruftés ait prife fur eux. Il ne faut pas que la furface plate & unie foit polie ni luifante, elle réfléchiroit la lumiere trop vivement, & empêcheroit d'en voir la couleur. Plus les pierres font petites, plus l'ouvrage eft délicat, mais le travail augmente à proportion, & l'exécution en devient plus longue. Il n'eft pas néceffaire que toutes les pierres foient de même figure, il fuffit qu'elles puiffent s'adapter exactement les unes auprès des autres, de maniere qu'elles ne laiffent pas entr'elles des vuides trop fenfibles. Il faut auffi que l'ouvrage fini préfente une furface la plus unie & la plus égale qu'il fera poffible, de maniere qu'une pierre ne foit pas plus faillante que l'autre.

On commence à faire fur le mur un premier enduit, comme celui de la Peinture à Frefque : lorfqu'il eft fec, on mouille un peu la place fur laquelle on doit travailler, & l'on y ponce le deffein ou on l'y marque par des cartons de même grandeur, comme à la Frefque. On met enfuite du mortier fait de chaux, de pierre dure, de tuile ou de brique pilée & tamifée; quelques-uns y ajoutent de l'eau gommée avec la gomme adragant & des blancs d'œufs battus. Ce mortier doit être fin & mis d'une épaiffeur égale fur chaque petite place, fans paffer le trait du deffein; car il faut le conferver, & placer les petites pierres fuivant les couleurs, en les trempant auparavant dans le même mortier, mais plus clair & plus liquide, qu'on doit avoir auprès de foi dans une auge ou jatte de bois.

Quand on a couvert de pierres un petit espace, il faut les battre avec une regle épaiffe & forte pour les dreffer & les enfoncer également, à peu près comme

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les Carreleurs font quand ils carrelent; & il faut avoir foin de faire cette opération pendant que le mortier eft encore tout frais, autrement la liaison fe romproit & les petites pierres fe détacheroient du mortier.

Lorfqu'on a quelques parties délicates à faire, comme une tête, une main ou autre chofe femblable, on pourroit avoir le trait de ces parties fait à l'encre fur du papier fin & huilé, afin qu'en l'appliquant fur l'ouvrage tout frais fait, on connût file deffein n'en feroit pas alteré, car on verroit l'ouvrage fait au travers du papier huilé, & s'il y avoit quelques défauts, on pourroit les corriger avant que le tout fût bien fec.

Si le mortier déborde un peu entre les joints des pierres qu'il faut rapprocher le plus qu'il eft poffible, on le ratiffe avec la petite truelle qui fert dans tout ce travail. Mais comme les pierres fe barbouillent toujours un peu de mortier, & principalement en les dreffant avec la regle, lorfque tout fera bien fec, on enlevera ce mortier le plus promptement qu'on pourra avec un couteau ou ratiffoire, & enfin on frottera l'ouvrage avec un morceau de bois tendre & du fablon' fin délayé dans de l'eau. On lavera enfuite l'ouvrage avec de l'eau pure, comme on fait aux carreaux des appartemens, ce qu'on appelle décroter.

Lorfque l'ouvrage eft fait, fi l'on a quelque changement à faire, on abat jufqu'au premier enduit feulement, & on remplace par du mortier & d'autres petites pierres l'ouvrage démoli & enlevé.

Pour dorer dans cette efpece de Peinture, foit pour le fond du tableau, foit dans les ornemens ou dans les draperies, on prend des morceaux de verre non colorés, on mouille d'un côté avec de l'eau de gomme, puis on y applique une feuille d'or ; on pofe après cela le morceau de verre fur une pelle de fer, & cette pelle à l'entrée du fourneau, après l'avoir couvert de quelqu'autre morceau de verre concave. On late ainf

la pelle jufqu'à ce que le morceau de verre où l'or eft appliqué foit devenu rouge, & l'or y demeure fi bien appliqué qu'il ne s'en détache plus. On applique fur le mortier la furface dorée. Ces petits morceaux de verre doivent être de la même grandeur que les autres pierres colorées. Mais pour décroter ces pieces de verre, il faut feulement les ratiffer proprement avec un couteau, & les laver enfuite; car le fable le plus fin terniroit la surface du verre, & le brillant de l'or ne paroîtroit plus au travers. Pour que ces morceaux de verre colorés tiennent bien au mortier, il faut que chaque morceau ait au moins feize ou dixhuit lignes d'épaiffeur : on dégroffit les furfaces qui doivent toucher au mortier, pour leur ôter le poli, qui les empêcheroit de happer le mortier.

Il faut faire faire ces morceaux de verre exprès. Pour cet effet on va dans une Verrerie, & quand le verre eft diftribué dans les différens creufets on y met la couleur propre à lui donner les différentes teintes que l'on defire. On commence par la plus claire, & l'on augmente toujours jufqu'à la plus foncée. Quand le verre eft cuit dans fa perfection, on prend avec de grandes cuilliers le verre tout rouge, & on en fait des tas fur un marbre poli & chaud, ou fur une plaque de cuivre, & on applatit ces tas avec un autre marbre auffi poli, jufqu'à ce qu'il ait l'épaiffeur dont nous avons parlé alors on le coupe auffi-tôt par morceaux de différentes figures & grandeurs, suivant le besoin & l'ufage qu'on fe propofe d'en faire. On les conferve enfuite dans des boëtes, par teintes féparées. On doit observer la inême chofe pour toutes les petites pierres ou morceaux de marbres & de cailloux de différentes couleurs & grandeurs. Il n'eft pas précisément néceffaire de faire du beau verre pour cet ufage; il fuffit que ce foit des efpeces d'émaux imparfaits, compofés de fable & de quelques métaux ou mineraux fondus enfemble.

Cette efpece de Peinture doit durer autant que le mur fur lequel elle eft faite, fans aucune altération de couleurs, & l'on en voit quelques morceaux trèsanciens auffi beaux & auffi frais que quand ils ont été faits; mais on ne s'en fert ordinairement que dans les grands ouvrages qui doivent être placés loin de la vûe: on en a cependant fait quelques petits ouvrages, comme des tables, où l'on admire la délicateffe & la patience. Suppl. des Mém. de l'Acad. Tom. IX.

Outre la Mofaïque qui ne fut d'abord qu'un affemblage de petits carreaux de différentes couleurs pour former une certaine varieté, & quelques rinceaux ou autres ornemens, des Peintres s'aviferent dans la fuite d'enrichir cette efpece de Peinture par des représen tations de figures humaines, d'animaux & de fleurs, & même des traits hiftoriques. Un des plus beaux ouvrages en ce genre eft le pavé de l'Eglife Cathédrale de Sienne, où l'on voit le Sacrifice d'Abraham représenté. Il fut commencé par un Peintre nommé Duccio, & achevé par Dominique Beccafumi. Il est composé de trois fortes de marbres, l'un très-blanc, l'autre d'un gris un peu obfcur, & le troifiéme noir. Le premier fert pour les réhauts & les fortes lumieres, le fecond pour les demi-teintes, & le troifiéme pour les ombres. Il y a des traits & des hachures remplis de marbre noir ou de maftic, pour réunir les paffages des clairs aux demi-teintes & de-là aux bruns.

Le Grand Duc Côme de Médicis ayant découvert vers l'an 1563, dans les montagnes de Pietra Sancta, une carriere de marbres de beaucoup de couleurs, donna occafion aux Peintres de fon tems d'exercer leurs talens dans cette espece de Peinture. Les Ducs de Florence ont depuis fait embellir leurs Chapelles & leurs Palais de ces fortes de marbres, & l'on en fait des tables & des cabinets très-curieux: le Roi de France en a un grand nombre.

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