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1o. Elle est infestée pendant l'hiver d'un vent local, appelé par nos marins le raguier, qui, tombant comme un torrent des sommets neigeux des montagnes, chasse les vaisseaux sur leur ancre pendant des lieues entières.

2o. Lorsque les neiges ont commencé de couvrir la chaîne qui enceint le golfe, il en émane des vents opiniâtres, qui en repoussent pendant des trois et quatre mois, sans pouvoir y pénétrer.

3o. La route d'Alexandrette à Alep par la plaine, est infestée de voleurs Kourdes, qui sont cantonnés dans les rochers (1) voisins, et qui dépouillent à main armée les plus fortes cara

vanes.

4°. Enfin une raison supérieure à toutes les autres, est l'insalubrité de l'air d'Alexandrette, portée à un point extraordinaire. On peut assurer qu'elle moissonne chaque année le tiers des équipages qui y estivent: l'on y a vu quelquefois des vaisseaux complétement démontés en deux mois de séjour. La saison de l'épidémie est sur-tout depuis mai jusqu'à la fin de septembre :

(1) Le local qu'ils occupent répond exactement au château de Gyndarus, qui dès le temps de Strabon, était un repaire de voleurs.

Tome II.

K

sa nature est une fièvre intermittente du plus fâcheux caractère; elle est accompagnée d'obstructions au foie, qui se terminent par l'hydropisie. Les villes de Tripoli, d'Acre et de Larneca en Chypre, y sont aussi sujettes, quoiqu'à un moindre degré. Dans tous ces endroits, les mêmes circonstances locales décèlent un même principe de cette contagion; par-tout ce sont des marais voisins, des eaux croupissantes, et par, conséquent des vapeurs et des exhalaisons méphitiques auxquelles on doit en rapporter la cause: pour en compléter l'indication, l'épidémie n'a point lieu dans les années où il n'a pas plu. Malheureusement Alexandrette est condamnée, par son local, à n'en être jamais bien exempte. En effet, la plaine où est située cette ville est d'un niveau si bas et si égal (1), que les ruisseaux n'y ont point de cours, et ne peuvent arriver jusqu'à la mer. Lorsque les pluies d'hiver les gonflent, la mer, grossie de son côté par les tempêtes, les empêche de se dégorger : de-là

(1) Cette plaine, qui règne au pied des montagnes sur une largeur d'une lieue, a été formée des terres que les torrens et les pluies ut arrachées par le laps des temps à ces mêmes montagnes.

leurs eaux, forcées de se répandre sur la plaine, y forment des lacs. L'été vient; l'eau se corrompt par la chaleur, et il s'en élève des vapeurs corrompues comme leur source. Elles ne peuvent se dissiper, parce que les montagnes qui ceignent, le golfe comme un rempart, s'y opposent, et que l'embouchure est ouverte à l'ouest, la plus, mal-saine des expositions, quand elle répond à la mer. Les travaux à faire seraient immenses, insuffisans, et ils sont impossibles avec un gouvernement comme la Porte. Il y a quelques années que les négocians d'Alep, dégoûtés par, tant d'inconvéniens, voulurent abandonner! Alexandrette, et porter leur entrepôt à Lataqié. ; Ils proposèrent au Pacha de Tripoli de rétablir. le port à leurs frais, s'il vouloit leur accorder une franchise de tous droits pendant dix ans. Pour l'y engager, leur envoyé fit beaucoup var loir l'avantage qui en résulterait pour tout le pays, par la suite du temps: Hé que m'importe la suite du temps, répondit le Pacha? J'étais hier à Marach, je serai peut-être demain à Djedda; pourquoi me priverai-je du présent qui est certain, pour un avenir sans espérance? Il a donc fallu que les facteurs Francs

restassent à Skandaroun. Ils sont au nombre de trois; savoir, deux pour les Français, et un pour les Anglais et les Vénitiens. La seule curiosité dont ils puissent régaler les étrangers, consiste en six ou sept mausolées de marbre venus d'Angleterre, où on lit: Ici repose un tel, enlevé à la fleur de son âge par les effets funestes d'un air contagieux. Ce spectacle est d'autant plus affligeant, que l'air languissant le teint jaune, les yeux cernés et le ventre hydropique de ceux qui le montrent, font craindre pour eux le même sort. Il est vrai qu'ils ont la ressource du village de Bailan, dont l'air pur et les eaux vives rétablissent les malades. Ce village, situé dans les montagnes à trois lieues d'Alexandrette, sur la route d'Alep, a l'aspect le plus pittoresque. Il est assis parmi des précipices, dans une vallée étroite et profonde, d'où l'on voit le golfe comme par un tuyau. Les maisons appuyées sur les pentes rapides des deux montagnes, sont disposées de manière que la terrasse des unes sert de rue et de cour aux autres. En hiver, il se forme de tous côtés des cascades, dont le bruit étourdit, et dont la violence arrache quelquefois des rochers et préci

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pite des maisons. Cette saison y est très-froide ; mais l'été y est charmant. Les habitans, qui ne parlent que le turk, vivent du produit de leurs chèvres, de leurs buffles, et de quelques jardins qu'ils cultivent. L'Aga, depuis quelques années, s'est emparé de la douane d'Alexandrette, et vit presque indépendant du Pacha d'Alep l'Empire est plein de semblables rebelles, qui souvent meurent tranquilles possesseurs de leurs usurpations.

Sur la route d'Alexandrette à Alep, à la dernière couchée avant cette ville, est le village de Martaouân, célèbre, chez les Turks et les Francs, par l'usage où sont les habitans de prêter leurs femmes et leurs filles pour quelques pièces d'argent. Cette prostitution, abhorrée chez tous les peuples Arabes, me paraît venir primitivement de quelque pratique religieuse, soit qu'elle remonte à l'ancien culte de Vénus, soit qu'elle dérive de la communauté des femmes admise les Ansârié, dont les gens de Martaouân font partie. Nos Francs prétendent que leurs femmes sont jolies. Mais il est probable que l'abstinence de la mer et la vanité d'une bonne fortune font tout leur mérite; car leur extérieur n'annonce

par

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