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que la dégoûtante malpropreté de la misère. i. Dans les montagnes qui terminent le Pachalic d'Alep au nord, on fait mention de Klés et d'Aentáb comme de deux villages considérables. Ils sont habités par des Chrétiens - Arméniens, des Kourdes et des Musulmans, qui, malgré la différence des cultes, vivent en bonne intelli-' gence. Ils en retirent l'avantage de résister aux Pachas qu'ils ont souvent bravés, et de vivre assez tranquillement du produit de leurs troupeaux, de leurs abeilles, et de quelques cultures de grains et de tabacs.

A deux journées au nord-est d'Alep, est le bourg de Mambedj, jadis célèbre sous le nom de Bambyce et d'Hierapolis (1). Il n'y reste pas de trace du temple de cette grande Déesse, dont Lucien nous fait connaître le culte. Le seul monument remarquable, est un canal souterrain qui amène l'eau des montagnes du nord dans un espace de quatre lieues. Toute cette contrée était jadis remplie de pareils aqueducs: les Assyriens, les Mèdes et les Perses s'étaient fait un devoir religieux de conduire des eaux

(1) Le nom d'Hierapolis subsiste aussi dans un autre village appelé Yérabolos, sur l'Euphrate.

dans le désert, poury multiplier, selon les préceptes de Zoroastre, les principes de la vie et de l'abondance: aussi rencontre-t-on à chaque pas de grandes traces d'une ancienne population. Sur toute la route d'Alep à Hama, ce ne sont que ruines d'anciens villages,

que

citernes enfoncées, et débris de forteresses et même de temples. J'ai sur-tout remarqué une foule de monticules ovales et ronds, que leur terre rapportée et leur saillie brusque sur cette plaine rase, prouvent avoir été faits de main d'homme. L'on pourra prendre une idée du travail qu'ils ont dû coûter, par la mesure de celui de Kân-Chaikoun, auquel j'ai trouvé 720 pas, c'est-à-dire, 1400 pieds de tour, sur près de 100 pieds d'élévation. Ces monticules, parsemés presque de lieue en lieue, portent tous des ruines qui furent des citadelles, et sans doute aussi des lieux d'adoration, selon l'ancienne pratique si connue d'adorer sur les lieux hauts. Aussi la tradition des habitans attribue-t-elle tous ces ouvrages aux Infidèles. Maintenant au lieu des cultures que suppose un pareil état, l'on ne rencontre que des terres en friche et abandonnées : le

sol néanmoins est de bonne qualité ; et le peu de grains, de coton et de sézame que l'on y sème, réussit à souhait. Mais toute cette frontière du désert est privée de sources et d'eaux courantes. Les puits n'en ont que de saumâtre; et les pluies d'hiver, sur lesquelles se fonde toute l'espérance, manquent quelquefois. Par cette raison, rien de si triste que ces campagnes brûlées et poudreuses, sans arbres et sans verdure ; rien de si misérable que l'aspect des huttes de terre et de paille qui composent les villages; rien de si pauvre que leurs paysans, exposés au double inconvénient des vexations des Turks et des pillages des Bedouins. Les tribus qui campent dans ces cantons se nomment les Maouális ; ce sont les plus puissans et les plus riches des Arabes, parce qu'ils font quelques cultures, et qu'ils participent aux transports des caravanes qui vont d'Alep, soit à Basra, soit à Damas, soit à Tripoli par Hama.

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CHAPITRE XXVIII.

Du Pachalic de Tripoli.

LE Pachalic de Tripoli comprend le pays qui s'étend le long de la Méditerranée, depuis Lataqié jusqu'à Narh-el-Kelb, en lui donnant pour limites à l'ouest, le cours de ce torrent et la chaîne des montagnes qui dominent l'Oronte.

La majeure partie de ce Gouvernement est montueuse : la côte seule de la mer entre Tripoli et Lataqié, est un terrain de plaine. Les ruisseaux nombreux qui y coulent lui donnent de grands moyens de fertilité; mais malgré cet avantage, cette plaine est bien moins cultivée que les montagnes, sans en excepter le Liban, tout hérissé qu'il est de rocs et de sapins. Les productions principales sont le blé, l'orge et le coton. Le territoire de Lataqié est employé de préférence à la culture du tabac à fumer et des oliviers, pendant que le pays du Liban et le Kesraouân le sont à celle des mûriers blancs et des vignes.

La population est variée pour les races et pour les Religions. Depuis le Liban jusqu'au-dessus de Lataqié, les montagnes sont habitées par les Ansârié, dont j'ai parlé ; le Liban et le Kesraquân sont peuplés exclusivement de Maronites; enfin la côte et les villes ont pour habitans des Grecs schismatiques et Latins, des Turks et les descendans des Arabes.

Le Pacha de Tripoli jouit de tous les droits de sa place. Le militaire et les finances sont en ses mains; il tient son gouvernement à titre de ferme, dont la Porte lui passe un bail pour l'année seulement. Le prix est de 750 bourses, c'est-à-dire, 937,500 livres; mais il est en outre obligé de fournir le ravitaillement de la caravane de la Mekke, qui consiste en blé, en orge, en riz et autres provisions, dont les frais sont évalués 750 autres bourses. Lui-même en personne doit conduire ce convoi dans le désert, à la rencontre des pèlerins. Il se rembourse de ses dépenses sur le miri, sur les douanes, sur les sous-fermes des Ansârié et du Kesraouân: enfin il y joint les extorsions casuelles ou avanies; et ce dernier article fût-il son seul bénéfice, il serait encore considérable. Il entretient environ cinq cents hommes à cheval

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