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pardon, et se laissa conduire à Constantinople. Amurat, flatté de voir à ses pieds un Prince aussi célèbre, eut d'abord pour lui cette bienveillance que donne l'orgueil de la supériorité; mais bientôt revenu au sentiment plus durable de la jalousie, il se rendit aux instigations de ses courtisans; et dans un accès de son humeur violente, il le fit étrangler vers 1631.

Après la mort de Fakr-el-din, la postérité de ce Prince ne continua pas moins de posséder le commandement, sous le bon plaisir et la suzerainété des Turks: cette famille étant venue à manquer de lignée mâle au commencement de ce siècle, l'autorité fut déférée, par l'élection des Chaiks, à la maison de Chehab, qui gouverne encore aujourd'hui. Le seul Emir de cette maison qui mérite quelque souvenir, est l'Emir Melhem, qui a régné depuis 1740 jusqu'en 1759. Dans cet intervalle, il est parvenu à réparer les pertes

que

les Druzes avaient essuyées à l'intérieur, et à leur rendre à l'extérieur la considération dont ils étaient déchus depuis le revers de Fakr-el-dín. Sur la fin de sa vie, c'est-à-dire, vers 1754, Melhem se dégoûta des soucis du gouvernement, et il abdiqua pour vivre dans une retraite

religieuse, à la manière des Oqqáls. Mais les troubles qui survinrent le rappelèrent aux affaires jusqu'en 1759, qu'il mourut généralement regretté. Il laissa trois fils en bas-âge : l'aîné, nommé Yousef, devait, selon la coutume, lui succéder; mais comme il n'avait encore que onze ans, le commandement fut dévolu à son oncle Mansour, par une disposition assez générale du droit public de l'Asie, qui veut que les peuples soient gouvernés par un homme en âge de raison. Le jeune Prince était peu propre à soutenir ses prétentions; mais un Maronite, nommé Sad-el-Kouri, à qui Melhem avait confié son éducation, se chargea de ce soin. Aspirant à voir son pupille un Prince puissant, pour être un puissant visir, il travailla de tout son pouvoir à élever sa fortune. D'abord il se retira avec lui à Djebail, au Kesraouân, où l'émir Yousef possédait de grands domaines, et là il prit à tâche de s'affectionner les Maronites, en saisissant toutes les occasions de servir les particuliers et la Nation. Les gros revenus de son pupille, et la modicité de ses dépenses, lui en fournirent de puissans moyens. La ferme du Kesraouân était divisée entre plusieurs Chaiks, dont on était peu content; Sad en traita avec le Pacha de Tripoli,

et s'en rendit le seul adjudicataire. Les Motouális de la vallée de Balbek avajent fait depuis quelques années des empiétemens sur le Liban, et les Maronites s'alarmaient du voisinage de ces Musulmans intolérans. Sad acheta du Pacha de Damas la permission de leur faire la guerre, et il les expulsa en 1763. Les Druzes étaient toujours divisés en deux factions (1): Sad lia ses intétêts à celle qui contrariait Mansour, et il prépara sourdement la trame qui devait perdre l'oncle, pour élever le neveu.

C'était alors le temps que l'Arabe Daher, maître de la Galilée, et résidant à Acre, inquiétait la Porte par ses progrès et par ses prétentions: pour y opposer un obstacle puissant, elle venait de réunir les Pachalics de Damas, de Saide et de Tripoli, dans les mains d'Osman et de ses enfans, et l'on voyait clairement qu'elle avait le dessein d'une guerre ouverte et prochaine. Mansour, qui craignait les Turks sans oser les braver, usa de la politique ordinaire en

(1) Le parti Qatsi et le parti Yamâni, qui portent aujourd'hui. le nom des deux familles qui sont à la tête des Djambelât et des Lesbeks.

pareil-cas; il feignit de les servir, et favorisa leur ennemi. Ce fut pour Sad une raison de prendre la route opposée : il s'appuya des Turks contre la faction de Mansour, et il manoeuvra avec assez d'adresse ou de bonheur, pour faire déposer cet Emir en 1770, et porter Yousef à sa place. L'année suivante éclata la guerre d'Ali-Bek contre Damas. Yousef, appelé par les Turks, entra dans leur querelle; cependant il n'eut point le crédit de faire sortir les Druzes de leurs montagnes, pour aller grossir l'armée Ottomane. Outre la répugnance qu'ils ont en tout temps à combattre hors de leur pays, ils étaient en cette occasion trop divisés à l'interieur pour quitter leurs foyers, et ils eurent lieu de s'en applaudir. La bataille de Damas se donna, et les Turks, comme nous l'avons vu, furent complétement défaits. Le Pacha de Saide, échappé de la déroute, ne se crut pas en sureté dans sa ville, et vint chercher un asyle dans la maison même de l'Emir Yousef. Le moment était peu favorable; mais la fuite de Mohammad-Bek changea la face des affaires. L'Emir croyant Ali-Bek mort, et ne jugeant pas Dâher assez fort pour soutenir seul sa querelle, se décida ouvertement contre lui. Saide

pour l'en ga

Saide était menacée d'un siége; il y détacha quinze cents hommes de sa faction rantir. Lui-même déterminant les Druzes et les Maronites à le suivre, descendit avec vingt-cinq mille paysans dans la vallée de Beqâa; et dans l'absence des Motouâlis qui servaient chez Dâher, il mit tout à feu et à sang, depuis Balbek jusqu'à Sour (Tyr). Pendant que les Druzes, fiers de cet exploit, marchaient en désordre vers cette dernière ville, cinq cents Motouâlis, informés de ce qui se passait, accoururent d'Acre, saisis de fureur et de désespoir, et fondirent si brusquement sur cette armée, qu'ils la jetèrent dans la déroute la plus complète : telles furent la surprise et la confusion des Druzes, que se croyant attaqués par Dâher même, et trahis les uns par les autres, ils s'entretuèrent mutuellement dans leur fuite. Les pentes rapides de Djezîn, et les bois de sapins qui se trouvèrent sur la route des fuyards, furent jonchés de morts, dont très-peu périrent de la main des Motouâlis. L'Emir Yousef, honteux de cet échec, se sauva à Dair-el-Qamar. Peu après, il voulut prendre sa revanche; mais ayant été encore battu dans la plaine qui règne entre Saide et Sour, il fut contraint de remettre à Tome II.

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