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leurs de nuit, des gens qui tuent en guet-àpens ; on emploie ce terme encore aujourd'hui dans ce sens au Kaire et dans la Syrie : par cette raison il convint aux Bâténiens, qui tuaient par surprise; les Croisés qui le trouvèrent en Syrie au moment que cette secte faisait le plus de bruit, dûrent en adopter l'usage. Ce qu'ils ont raconté du vieux de la Montagne, est une mauvaise traduction de la phrase Chaik-elDjebal, qu'il faut expliquer Seigneur des montagnes ; et par-là, les Arabes ont désigné le chef des Bâténiens, dont le siège principal était à l'orient du Kourdestan, dans les montagnes de l'ancienne Médie.

Les Ansarié sont, comme je l'ai dit, divisés en plusieurs peuplades ou sectes; on y distingue les Chamsiés, ou adorateurs du soleil; les Kelbié, ou adorateurs du chien; et les Qadmousié, qu'on assure rendre un culte particulier à l'organe qui, dans les femmes, correspond à Priape (1). M. Niébuhr, à qui l'on a fait les mêmes récits qu'à moi, n'a pu les croire, parce que,

(1) On assure aussi qu'ils ont des assemblées nocturnes, où après quelques lectures ils éteignent la lumière, et se mêlent comme les anciens Gnostiques.

dit-il, il n'est pas probable que des hommes se dégradent à ce point; mais cette manière de raisonner est démentie, et par l'histoire de tous les peuples, qui prouve que l'esprit humain est capable des écarts les plus extravagans, et même par l'état actuel de la plupart des pays, et surtout de ceux de l'Orient, où l'on trouve un degré d'ignorance et de crédulité propre à recevoir 'ce qu'il y a de plus absurde. Les cultes bizarres dont nous parlons, sont d'autant plus croyables chez les Ansarié, qu'ils paraissent s'y être conservés par une transmission continue des siècles anciens où ils régnèrent. Les historiens (1) remarquent que malgré le voisinage d'Antioche, le christianisme ne pénétra qu'avec la plus grande peine dans ces cantons; il y comptait peu de prosélytes, même après le règne de Julien : delà, jusqu'à l'invasion des Arabes, il eut peu le temps de s'établir; car il n'en est pas toujours des révolutions d'opinions dans les campagnes comme dans les villes. Dans celles-ci, la communication facile et continue répand plus promptement les idées, et décide en peu de temps de

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leur sort par une chute ou un triomphe marqué. Les progrès que cette religion put faire chez ces montagnards grossiers, ne servirent quà applanir les routes au Mahométisme, plus analogue à leurs goûts; et il résulta des dogmes anciens et modernes, un mélange informe auquel le vieillard de Nasar dut son succès. 150 ans après Jui, Mohammad-el-Dourzi ayant à son tour fait une secte, les Ansâriens n'en admirent point le principal article, qui était la divinité du Kalif Hakem par cette raison, ils sont demeurés distincts des Druzes, quoiqu'ils aient d'ailleurs divers traits de ressemblance avec eux. Plusieurs des Ansarié croient à la métempsycose; d'autres rejettent l'immortalité de l'ame; et en général, dans l'anarchie, civile et religieuse, dans l'ignorance et la grossièreté qui règnent chez eux, ces paysans se font telles idées qu'ils jugent à propos, et suivent la secte qui leur plaît, ou n'en suivent point du tout..

Leur pays est divisé en trois districts principaux, tenus à ferme par des chefs appelés Moqaddamim. Ils reportent leur tribut au Pacha de Tripoli, dont ils reçoivent leur titre chaque année. Leurs montagnes sont communément moins

escarpées que celles du Liban; elles sont en conséquence plus propres à la culture; mais aussi elles sont plus ouvertes aux Turks; et c'est par cette raison sans doute, qu'avec une plus grande fécondité en grain, en tabac à fumer, en vignes et en olives, elles sont cependant moins peuplées que celles de leurs voisins les Maronites, et les Druzes, dont il faut nous occuper.

S. II. Des Maronites.

Entre les Ansâriens au nord, et les Druzes au midi, habite un petit peuple connu dès long-temps sous le nom de Maouarné, ou Maronites. Leur origine première, et la nuance qui les distingue des Latins, dont ils suivent la communion, ont été longuement discutées par des Écrivains ecclésiastiques : ce qu'il y a de plus clair et de plus intéressant dans ces questions, peut se réduire à ce qui suit.

Sur la fin du sixième siècle de l'Eglise, lorsque l'esprit hérémitique était encore dans la ferveur de la nouveauté, vivait sur les bords de l'Oronte un nommé Maroun, qui, par ses jeûnes, sa vie solitaire et ses austérités, s'attira la considération

du peuple d'alentour. Il paraît que dans les querelles qui déja régnaient entre Rome et Constantinople, il employa son crédit en faveur des Occidentaux. Sa mort, loin de refroidir ses partisans, donna une nouvelle force à leur zèle : le bruit se répandit qu'il se faisait des miracles près de son corps, et sur ce bruit, il s'assembla de Kinésrin, d'Aouâsem et autres lieux, des gens qui lui dressèrent, dans Hama, une chapelle et un tombeau; bientôt même il s'y forma un couvent qui prit une grande célébrité dans toute cette partie de la Syrie. Cependant les querelles des deux métropoles s'échauffèrent, et tout l'Empire partagea les dissensions des Prêtres et des Princes. Les affaires en étaient à ce point, lorsque sur la fin du septième siècle, un Moine du couvent de Hama, nommé Jean le Maronite, parvint, par son talent pour la prédication, à se faire considérer comme un des plus fermes appuis de la cause des Latins ou partisans du Pape. Leurs adversaires, les partisans de l'Empereur, nommés par cette raison Melkites, c'est à dire, Royalistes, faisaient alors de grands progrès dans le Liban Pour s'y opposer avec succès, les Latins résolurent d'y envoyer Jean le Maronite: en conséquence,

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