Imágenes de páginas
PDF
EPUB

de Danville : la Roque, qui partait de leur pays il y a moins de cent ans, ne les désigne que par celui d'Amédiens. Quoiqu'il en soit, ils ont dans ces derniers temps fixé l'attention de la Syrie par leurs guerres, leurs brigandages, leurs progrès et leurs revers. Avant le milieu du siècle, ils ne possédoient que Balbek, leur chef-lieu, et quelques cantons dans la vallée et dans l'anti-Liban, d'où ils paroissent originaires. A cette époque on les trouve gouvernés comme les Druzes, c'est-àdire, partagés sous un nombre de Chaiks ayant un chef principal, tiré de la famille de Harfouche. Après 1750, ils s'étendirent dans le haut du Beqââ, et s'introduisirent dans le Liban, où ils occupèrent des terrains appartenans aux Maronites jusque vers Becharrai. Ils les incommoderent même par leurs brigandages, au point que l'Émir Yousef se vit obligé de les attaquer à force ouverte et de les chasser. D'autre part leurs progrès les avoient conduits le long de leur rivière jusqu'auprès de Sour(Tyr). Ce fut dans ces circonstances, en 1760, que Dâher eut l'adresse de se les attacher. Les Pachas de Saide et de Damas réclamoient des tributs qu'on négligeoit de leur payer; ils se plaignaient de divers dégâts causés à leurs

sujets

sujets par les Motouâlis : ils eussent voulu les châtier; mais la vengeance n'était ni sûre, ni facile. Dâher intervînt; il se rendit caution du tribut, promit de surveiller les déprédations; et par ce moyen, il s'acquit des alliés qui pouvaient, disait-on, armer10000 cavaliers, tous gens résolus etredoutés. Peu de temps après ils s'emparèrent de Sour (Tyr), et ils firent de ce village leur entrepôt maritime en 1771 ils servirent utilement Alibek et Dâher contre les Ottomans. Mais pendant leur absence, l'Émir Yousef ayant armé les Druzes vint saccager leur pays. Il était devant le château de Djezîn, quand les Motouâlis revenant de Damas, apprirent la nouvelle de cette invasion. Au récit des barbaries qu'avaient commises les Druzes, un corps avancé de 500 hommes seulement fut tellement saisi de rage, qu'il poussa sur le champ vers l'ennemi, résolu de périr en se vengeant, Mais la surprise et le désordre qu'ils jetèrent, et la discorde qui régnait entre les factions de Mansour et de Yousef, favorisèrent cette manœuvre désespérée, au point que toute l'armée composée de 25000 hommes, subit la déroute la plus complète. Dans les années suivantes, les affaires de Dâher ayant pris une fàTome II. F

cheuse tournure, les Motouâlis se refroidirent pour lui: enfin ils l'abandonnèrent dans la catastrophe où il perdit la vie. Mais ils ont porté la peine de leur imprudence sous l'administration du Pacha qui lui a succédé. Depuis l'année 1777, Djezzâr, maître d'Acre et de Saide, n'a cessé de travailler à leur perte. Sa persécution les força en 1784 de se réconcilier avec les Druzes, et de faire cause commune avec l'Émir Yousef, pour lui résister. Quoique réduits à moins de sept cents fusils, ils firent plus dans cette campagne que quinze à vingt mille Druzes et Maronites rassemblés sous Dair-el-Qamar. Eux seuls enlevèrent le lieu fort de Mar-Djebaa, et passèrent au fil du sabre cinquante à soixante Arnautes (1) qui le gardaient. Mais la mésintelligence des chefs Druzes ayant fait avorter toutes les opérations, le Pacha a fini par s'emparer de toute la vallée et de la ville même de Balbek. A cette époque on ne comptait pas plus de cinq cents familles de Motouâlis, qui se sont réfugiées dans l'Antiliban et dans le Liban des Maronites ; et désormais

(1) Nom que les Turks donnent aux soldats Macédoniens et aux Epirotes.

proscrites de leur sol natal, il est probable qu'elles finiront par s'anéantir, et par emporter avec . elles le nom même de cette nation.

Tels sont les peuples particuliers qui se trouvent compris dans l'enceinte de la Syrie. Le reste de la population qui forme la plus grande masse, est, comme je l'ai dit, composé de Turks, de Grecs, et de la race Arabe. Il me reste à faire un tableau de la distribution géographique du pays, selon l'administration Turke, et à y joindre quelques considérations générales sur le résultat des forces et des revenus, sur la forme du gouver nement, et enfin sur le caractère et les mœurs de cec peuples.

Mais avant de passer à ces objets, je crois devoir donner une idée des mouvemens qui ont failli dans ces derniers temps causer une révolution importante, et susciter en Syrie une puissance indépendante : je veux parler de l'insurrection du Chaik Dâher, qui pendant plusieurs années, a attiré les regards des politiques. Un exposé succinct de son histoire sera d'autant plus intéressant, qu'il est neuf, et que ce que l'on en a appris par les nouvelles publiques, a été peu

propre à donner une idée juste de l'état des affaires dans ces pays éloignés.

CHAPITRE X X V.

Précis de l'Histoire de Dâher, fils d'Omar, qui a commandé à Acre depuis 1750 jusqu'en 1776.

LE Chaik Daher qui dans ces derniers temps, a causé de si vives inquiétudes à la Porte, était d'origine arabe, d'une de ces tribus de Bedouins qui se sont habituées sur les bords du Jourdain et dans les environs du lac de Tabarié (ancienne Tibériade). Ses ennemis aiment à rappeler que dans sa jeunesse il conduisait des chameaux; mais ce trait, qui honore son esprit en faisant concevoir l'espace qu'il sut franchir, n'a rien d'incompatible avec une naissance distinguée : il est, et sera toujours dans les mœurs des Princes arabes de s'occuper de fonctions qui nous semblent viles. Ainsi que je l'ai déja dit, les Chaiks guident euxmêmes leurs chameaux, et soignent leurs chevaux, pendant que leurs filles et leurs femmes broyent le

« AnteriorContinuar »