prendre du tems, pour éprouver la fincerité de fon AN. 1273. repentir. Au fortir de Florence environ à deux mille, il fe prefenta à nous accompagné de quelques autres, tous nuds piés, en chemife, la corde au cou, profternez par terre & fondant en larmes ; comme plufieurs de nôtre fuite s'arrêterent à ce fpectacle, Gui de Monfort s'écria qu'il fe foûmettoit fans referve à nos commandemens, & demandoit inftamment d'être emprifonné en tel lieu qu'il nous plairoit, pourvû qu'il obtint fon absolution. Toutefois nous ne voulûmes pas alors l'écouter, nous ne lui fîmes aucune réponse; au contraire nous fimes reprimande à ceux qui l'accompagnoient comme prenant mal leur tems. Mais enfuite de l'avis de nos freres nous lui avons mandé par deux cardinaux diacres, Richard de faint Ange & Jean de faint Nicolas refidens à Rome, de lui affigner en quelque fortereffe de l'églife Romaine un lieu pour fa prifon, & le faire garder pendant nôtre abfence par les ordres de Charles roi de Sicile. Cette lettre au roi d'Angleterre eft du vingt-neuviéme de Novembre 1273. XXXIV. L'année suivante, comme le tems du concile approchoit, le pape y appella faint Thomas d'Aquin Themas d'Aquin. en confideration de fa doctrine. Il étoit à Naples, Echard. Sum p. où il avoit été envoyé en 1272. aprés le chapitre 217. 265.. general de l'ordre tenu à la Pentecôte à Florence. L'univerfité de Paris écrivit à ce chapitre, demandant inftamment qu'on lui renvoïât le S. docteur : mais Charles roi de Sicile l'emporta, & obtint p. 266. Ech. p. 267. AN. 1273. que Thomas vint enfeigner dans la ville capitale Sup. lib. LXXXV. de fa patrie dont il avoit refufé l'archevêché. Ce prince lui affigna une penfion d'une onze d'or par 3-par. q.90. mois. Ce fut là que le faint Docteur.continua la troifiéme partie de fa fomme jufques au traité de la penitence qu'il laiffa imparfait. Ce fut auffi à Naples en 1273. que faint Thomas vit en fonge frere Romain neveu du pape Nicolas III. à qui il avoit cedé fa chaire de Theologie à Paris, & qui étoit mort depuis peu. Thomas lui demanda fi la vifion de Dieu par effence étoit telle qu'on la décrit dans les livres. Romain répondit : On le void d'une maniere plus noble & vous le faurez bien-tôt. p. 268. Thomas partit donc de Naples pour se rendre I'ita app. Boll. 7. à Lion fuivant l'ordre du pape; & prit avec lui Mart 10.6.p.676. le traité qu'il avoit fait contre les Grecs par ordre d'Urbain IV. pour les convaincre d'erreur & de fchifme. Mais il tomba griévement malade dans la Campanie, & comme il ne fe trouva point dans le voifinage de convent de freres Prêcheurs, il s'arrêta à Foffe-neuve abbaye celebre de l'ordre de Cifteaux, & fa maladie y augmenta. Aprés être entré dans l'églife & avoir falué l'autel, il passa dans le cloître & devant plusieurs moines qui étoient prefens avec quelques freres Prêcheurs, il dit à fon compagnon comme par efprit de prophetie: Mon fils Rainald, c'eft ici mon repos éternel, c'est l'habitation que j'ai choifie: s'appliquant les paroles du pfeaume. On le mit dans la chambre de l'abbé, & pendant sa maladie PA 131. 14. les moines lui témoignerent toute la charité & le refpect poffible, s'eftimant heureux de lui rendre quelque fervice. Quelques-uns d'entre eux le prierent de leur laiffer un monument de fa doctrine, & quoiqu'il fut tres-foible, il leur fit une courte explication du cantique des cantiques. AN: 1268. Se fentant prés de fa fin, il demanda le viatique, qui lui fut apporté par l'abbé & les moines, avec le refpect convenable. Le malade vint au-devant & fe profterna par terre; & comme l'abbé lui demanda fa profession de foi felon la coûtume, il recita le fymbole avec grande devotion, expliqua particulierement fa creance fur le faint Sacrement & declara qu'il foumettoit fa doctrine & fes écrits à l'examen & au jugement de l'églife Romaine. Le lendemain il demanda l'extrême-onction, & peu aprés l'avoir reçûe, il rendit l'efprit le matin du feptiéme jour de Mars 1274. ayant vêcu environ quarante-neuf ans. A fes fu- Echard. p. 218. nerailles fe trouva François évêque de Terracine, dans le diocefe duquel eft Foffe-neuve. Il étoit de l'ordre des freres Mineurs, donc plufieurs l'accompagnerent à cette ceremonie cette ceremonie, auffi-bien que plusieurs nobles du pays, entre lesquels le défune avoit beaucoup de parens. Il fut enterré dans le fanctuaire, & il fe fit plufieurs miracles à fon tombeau. V.Labbe. Script. Sa vie paroît courte en comparaifon de la multitude de fes écrits. Les cinq premiers volumes Cave. fac fibol p font des commentaires fur la plupart de œuvres 504. AN. 1273. d'Ariftote; enfuite font les commentaires fur le Maître des fentences, puis un volume de queftions theologiques. La fomme contre les gentils, la somme théologique; plusieurs commentaires fur l'écriture fainte, enfin les opufcules au nombre de foixante-treize, entre lefquels il s'en trouve plufieurs de douteux. En general les meilleurs critiques croyent que l'on a attribué à faint Thomas plufieurs écrits, qui n'étoient que les recueils de fes leçons publiques nommez Reportata, fuivant Trivet. Chr. 127. l'usage du tems; & que la conformité du nom a Cave fac vid p8. fait confondre avec lui Thomas l'Anglois ou Jorzi religieux du même ordre, qui vivoit au même fiecle & au commencement du fuivant. Mais à ne compter que les ouvrages qui font certainement de lui, il eft furprenant qu'il ait pû les compofer dans l'efpace d'environ vingt ans depuis fon doctorat jusques à sa mort, étant venu deux fois à Paris & retourné en Italie. Boll. p.665. Ainfi parle Guillaume de Tocco dans la vie du faint, & il ajoûte: On fait par le rapport fidele de fon compagnon & de ceux qui écrivoient fous lui, qu'il dictoit dans fa chambre à trois écrivains, & quelquefois à quatre fur differentes matieres en p. 699.670. même tems. Il dormoit peu & paffoit une grande partie de la nuit en priere, à laquelle il attribuoit fa science plus qu'à l'étude. Il prioit toûjours avant que d'étudier & de compofer doubloit fes prieres dans les grandes difficultez & y ajoûtoit le jeûne. Une fois aprés qu'il eût ainfi re prié & jeûné pour entendre un paffage difficile d'I- AN. 1274. faie, la nuit frere Renaud fon compagnon l'entendit parler à quelqu'un, fans favoir à qui, ni ce qu'ils difoient. Enfuite le S. docteur lui dit : Levezvous, prenés de la lumiere & le cahier que vous aviés écrit fur Ifaïe, & aprés lui avoir dicté longtems il le renvoya dormir. Renaud fe jetta à fes piés, & le preffa tant de lui dire à qui il avoit parlé, qu'il lui dit que Dieu lui avoit envoyé les apôtres faint Pierre & faint Paul pour l'instruire, & lui défendit de le dire pendant fa vie. p. 673. Il étudioit avec tant d'application qu'il ne favoit plus où il étoit : enforte que mangeant une fois avec le roi faint Louis, il frappa fur la table & dit: Voilà qui eft concluant contre l'herefie de Manés. Le Prieur qui étoit du repas le toucha & lui dit: Maître prenés garde que vous êtes à la table du roi de France; de tirant fortement par la chape il le fit revenir à lui. Alors il demanda pardon au roi, qui fut étonné & édifié de le voir fi peu occupé de l'honneur qu'il lui avoit fait. Mais pour ne pas perdre la pensée du faint docteur, il appella fon fecretaire & la fit écrire en fa prefence. S. Thomas craignant que la fubtilité des meditations abstraites ne lui deffechât le cœur & ne refroidit fa dévotion, faifoit tous les jours quelque lecture des conferences de Caffien; en quoi il imitoit S. Dominique,à qui cette lecture fut trés-utile pour s'élever à la perfection. S. Thomas avec toute fa doctrine prêchoit p. 674 Gimplement fans rien donner à la curiofité, mais Dd Tome XVIII p. 669. |