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AN. 1262. réüffiroit mieux en parlant lui-même au patriarche; il le vit plusieurs fois, le priant d'apporter à fon mal le remede convenable. Le patriarche lui répondoit en termes generaux, de faire ce qu'il falloit, difant que les grands pechez demandoient une grande reparation. L'empereur aprés l'avoir preffé de s'expliquer lui dit : Quoi donc m'ordonnez-vous de quitter l'empire! En même tems il détacha fon épée & la lui prefenta pour le fonder. Le patriarche étendit promptement la main pour prendre l'épée ; mais l'empereur la retint, & lui reprocha qu'il en vouloit donc à sa vie. Toutefois il fe découvrit la tête, & se jetta aux pieds du patriarche en presence de plufieurs perfonnes. Le prelat perfifta conftamment dans fon refus, & comme l'empereur continuoit de le preffer, il fe retira dans fa chambre & lui ferma la porte au vifage. Enfin l'empereur par plufieurs inftances réïterées pendant deux ans, ne put jamais le flechir.

XV I.

Paleologue écrit au pape. Pachy., 18.

des

Cependant Paleclogue envoya plusieurs ambaffades au pape, craignant toûjours de la part Latins, & fachant bien qu'ils ne demeureroient pas tranquiles à fon égard. Il envoya donc fouvent au pape avec des prefens, tant pour lui que pour quelques-uns des cardinaux, & des autres qui avoient du credit auprés de lui. Une de fes ambassades fut executée par Maxime Alufard moiap. Rain, 1263. ne, Andronic Muzalon, & Michel Abalante; &

The 23.

la lettre qu'ils apporterent de la part de Michel Paleologue qualifioit Urbain , pape de l'ancienne Rome, fucceffeur du trône apoftolique & pere

fpirituel de l'empereur. Ce prince témoignoit un grand defir pour la paix & la concorde, & marquoit qu'il avoit déja écrit au pape pour ce fujet auffi-tôt aprés la prife de C. P.

Mais, ajoûtoit-il, j'ai été sensiblement affligé d'apprendre que vous avez excommunié les Genois pour avoir fait alliance avec moi, & que vous les preffez de la rompre. Je m'étonne que vous qui te nez le premier rang entre les évêques preferiez la guerre à la paix, & à l'amitié entre les Chrétiens tels que font les Genois & les Grecs. Il décrivoit les grands maux arrivez à la chrétienté depuis les conquêtes des Latins fur les Grecs ; la profanation des églifes, la ceffation des divins offices, le facrilege. Or, continuoit-il, puifqu'on ne peut faire que le paffé ne foit arrivé, il faut du moins pour l'avenir faire ceffer les inimitiés & les fcandales; & comme je le defire de tout mon cœur, fi vous y voulez penfer fincerement, rien ne peut empêcher un fi grand bien. C'étoit à vous qui êtes nôtre pere à nous prévenir, & toutefois j'ai bien voulu vous offrir la paix le premier, proteftant devant Dieu & fes anges, que fi vous la refusez, je n'aurai rien à me reprocher. Je ne parle quant à prefent ni des dogmes ni des ceremonies de la religion. S'il y a quelque different fur ce fujet, il fera plus facile à terminer quand la paix fera faite. Enfin je vous prie de m'envoyer des nonces, qui ayent veritablement l'efprit de paix, & j'attens part eux vôtre réponse.

Quand le pape eut reçû cette lettre de Paleolo

AN. 1262.

XVII. Réponse du pape

Rain. n. 26. Vading. n. 2. &c.

gue, il deftina à la nonciature de Grece, quatre AN. 1264. freres Mineurs, Simon d'Auvergne, Pierre de Moras, Pierre de Creft & Boniface d'Yvrée; mais comme ils étoient alors en des pays éloignés, lê pape ne put les envoyer auffi-tôt qu'il auroit voulu. D'ailleurs la guerre que les Grecs faifoient à Guillaume de Ville-Hardouin prince d'Achaïe, & aux autres Latins du pays, retint encore le pape, qui craignoit que Paleologue n'eut changé de volonté ; enfin il les envoya en 1263. avec une lettre à l'empereur, datée du vingt-huitiéme Juillet, où il témoigne une grande joye des avances qu'il fait pour la paix & l'union, & un grand defir de la conclure. En ce cas, dit-il, nous vous ferions voir combien Rain. n. 3 la puiffance du faint fiege eft utile aux princes qui font dans fa communion & fes bonnes graces. S'il leur arrive quelque guerre, ou quelque divifion, l'église Romaine, comme une bonne mere, fe jette entre-eux, leur ôte les armes des mains, & par fon autorité les oblige à faire la paix. Les rois catholiques de leur côté, s'ils ont quelque different enfemble, ou fi leur vaffaux fe revoltent, ont auffi-tôt recours à cette église pour lui demander fon confeil & fon fecours; & ils reçoivent d'elle infailliblement la paix & la tranquillité. Elle fert auffi de mere aux princes qui viennent à la couronne, étant encore en bas âge; elle les gouverne, les protege, & les défend quand il eft neceffaire, même à fes dépens, contre les ufurpateurs. Voilà en quoi on mettoit alors la grandeur de l'églife ou plûtôt de la cour de Rome,

La

AN. 1263.

La lettre continue : 'Si donc vous rentrez dans fon fein, elle attirera pour appuyer votre trône, non feulement le fecours des Genois & des autres Latins, mais s'il eft befoin, les forces de tous les rois & les princes catholiques du monde entier. Mais tant que vous ferez feparé de l'obéïffance du faint fiege, nous ne pouvons fouffrir en confcience que ni les Genois, ni quelques autres Latins que ce foit vous donnent du fecours. Quant au pillage n. 35å des églises & aux autres defordres femblables, aucun homme sensé ne peut les imputer à tous les Latins; mais aux voleurs particuliers, ou plutôt à ceux qui par leur fchifme ont attiré ces malheurs. Or comme la paix ne feroit point ferme fi elle n'avoit la foi pour fondement, vous n'avez pas dû la mettre avant les dogmes & les cerémonies de la religion : toute paix & toute concorde n'eft qu'un adjectif qui doit fuivre ce fubftantif. Ainfi parloit-on alors dans les affaires les plus ferieufes. Mais ce qu'il eft plus important de remarquer, c'eft que fuivant ce raifonnement du pape, les Chretiens ne pourroient jamais faire de paix folide avec des gens de diferente religion : ce qui vient de l'équivoque du mot de foi, pris tantôt pour la creance des verités revelées, tantôt pour la fidelité dans les traités.

XVIII. Autre lettre de

Avant que Paleologue eut reçû cette reponfe, il écrivit au pape Urbain une autre lettre où il dit: Palcologue. Du temps des empereurs nos predeceffeurs, on a Rain 1164. fouvent envoïé de part & d'autre des embassa- 5. pour travailler à la reunion des églifes: mais Tome XVIII.

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2

A N.. 1263.

ils n'ont pû la procurer, faute de pouvoir s'expli quer enfemble immediatement; étant réduits à fe fervir d'interpretes ignorans. Or la veille de Noël de l'année derniere, quatrième de notre regne, c'étoit l'an 1262. Nicolas évêque de Cortone eft venu nous trouver comme nous l'en avions prié, fachant qu'il eft grec d'origine, & nourri dans l'église Romaine; en forte qu'il fait parfaitement la doctrine des deux églises. Il nous l'a donc expliquée en grec, comme elle a été enfeignée par les peres Latins, favoir les papes Sylveftre, Damase, Celestin, Agathon, Adrien, Leon le grand & le jeune, Gregoire le dialogue: les évêques Hilaire de Poitiers, Ambroife de Milan, Auguftin d'Hipponne, Jerôme, Fulgence, & les autres. Et nous avons trouvé cette doctrine conforme à celle de nos peres Athanase d'Alexandrie, Bafile de Cefarée en Cappadoce, Gregoire le theologien, Gregoire de Nyffe, Jean Chryfoftome, & les deux Cyrilles. C'eft pourquoi defirant fincerement l'union, nous vous envoyons cet évêque, & vous prions de nous le renvoyer promptement avec des legats de votre part, pour 2.61. Confommer ce grand ouvrage. On voit ici les peres tant Grecs que Latins les plus eftimez des Grecs. Le pape ne fit réponse que l'année fuivante le vingt deuxième de Juin. Il y témoigne une grande joïe des bonnes difpofitions de l'empereur, & lui renvoïe l'évêque de Cortone avec deux freres mineurs, Gerard de Prato, & Rainier de Siene, en qualité de fes nonces.

En attendant le fuccés de cette negociation, le

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