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AN. 1281.

Le jour fuivant lundi huitième du mois on faifoit la fefte de la Conception de la fainte Vierge chés les freres Mineurs; & un frere Prefcheur y fit le fermon; qu'il conclud de la même maniere. La veille de faint Thomas vingtiéme du même mois les prelats firent encore publier par les écoles, que tous se trouvaffent aux Bernardins le dimanche qui étoit le lendemain à l'heure du fermon. Un docteur en théologie prêcha contre ceux qui refusent d'obéîr aux prelats: puis l'évêque d'Amiens parla contre les freres mandians, qu'il accufa dhypocrifie, de duplicité & d'injuftice; & ajoûta: Ils ont dit que j'étois prefent quand ils obtinrent leurs privileges. Il eft vrai: & quand je l'apris j'allai trouver le pape, reclamant contre & le priant de les revoquer mais le lendemain le pape m'envoîa à un paîs éloigné pour des affaires difficiles, enforte que je ne pus alors obtenir l'effet de mon oppofition. Nous avons enfuite envoié nos agens en cour de Rome à même fin les freres difent qu'ils n'ont rien avancé mais ils ne difent pas vrai : nos agens nous ont raporté des lettres des principaux de cette cour; qui témoignent que le pape a promis de revoquer entierement ces privileges ou de les expliquer plus clairement ; & nous esperons en avoir bien-tôt une bulle. Frere Gilles de Rome

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de l'ordre des Auguftins, qui paffoit pour le plus grand docteur de Paris, parla enfuite & conclut que la caufe des évêques étoit de beaucoup la meilleure.

to. XI conc. p.

Nous trouvons en effet une bulle du pape AN.1282. Martin donnée au commencement de l'année suivante, par laquelle il confirme aux freres Mineurs 144. le pouvoir de prescher & d'entendre les confeffions, mais avec cette clause remarquable: Nous voulons que ceux qui fe confefferont à ces freres foient tenus de fe confeffer à leurs curés au moins une fois l'année, fuivant l'ordonnance du concile; & que les freres les y exhortent foigneufement & efficacement. La bulle eft du dixiéme de Janvier

1282.

LX.

Décimes detournées.

Charles roi de Sicile s'étant croifé avoit declaré au pape que c'étoit pour aller au fecours de la terre fainte, & le pape pour faciliter fon entreprise lui Rain. 1.8 1. x. 5. accorda pendant fix an's la decime de tous les revenus ecclesiastiques de l'ifle de Sardaigne & du roïaume de Hongrie, en cas que le roi Ladiflas y confentit. A condition que le roi Charles iroit en perfonne à la terre fainte dans le terme qui lui Teroit prefcrit par le faint Siege. Que fi le roi Charles n'y alloit pas lui-même, le pape vouloit que fon fils aîné Charles prince de Salerne fit le voïage avec le nombre convenable de gens de service. Or nous voulons, ajoûtoit le pape, que celui à qui la decime fera remife s'oblige & en donne à l'église des affurances fuffifantes, que fi par mort ou autre empêchement il manque a executer fon vou, la decime retournera à l'église Romaine, pour être convertie au fecours de la terre fainte. Mais nous n'entendons pas nous obliger ni nôtre chambre, en cas que par quelque accident

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vous ne receviés pas la decime; & nous nous refervons la faculté d'en difpofer autrement, fi nous le jugeons neceffaire avant qu'elle vous foit remife La bulle eft du dix-huitiéme de Mars 1282.

Cette decime pour fix ans avoit été ordonnée au fecond concile de Lion en 1274. Non dans les feffions publiques, mais en des conferences particulieres que le pape Gregoire X. avoit eües avec les archevêques: auffi fe trouva-t'il de grandes difficultés dans la levée de cette decime. L'archevêque de Magdebourg affembla un concile provincial, où il deffendit de la païer: Conrad évêque d'Ofnabruc & quelques autres la tournerent à leur profit: d'autres comme Siffrid archevêque de Cologne en détournerent une partie. Quelques princes, comme le roi de Norvege défendirent d'en transporter l'argent hors de leurs états: enfin ce qui en avoit été recouvré fut bientôt emploïé à un autre usage qu'au secours de la terre fainte

Car dans la fin du mois de Mars on vit éclater la conjuration de Sicile contre le roi Charles, fuivant le projet de Jean de Procida. Tous les feigneurs & les chefs qui étoient du complot se rendirent à Palerme, pour y celebrer la feste de Pafque, qui cette année 1282. étoit le vingtneuviéme de Mars. Le lundi trentiéme les habitans de Palerme hommes & femmes alloient à Montreal fitué hors de la ville à trois mille, ou une lieuë, marchant les uns à cheval, les autres à

pić, prendre part à la fête qui s'y faifoit. Les AN. 1282. François & le commandant pour le roi Charles allerent s'y rejoüir comme les autres : d'où il arriva qu'un François prit une femme de Palerme pour lui faire violence. Elle fe mit à crier & le peuple vint à son secours, étant déja ému contre les François, par les domestiques des feigneurs Siciliens. De là nâquit un grand combat : les Siciliens coururent aux armes en criant: Meurent les François le jufticier du roi Charles fut pris & tué, tous les François qui fe trouverent dans la ville furent tués dans les maifons & dans les églifes, fans aucune mifericorde : jufques à ouvrir le ventre des femmes groffes pour faire perir leur Jordan, visa fruit. Après cette execution les feigneurs partirent

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de Palerme & en firent faire de femblables chacun
dans leurs terres : enforte que par toute la Sicile
on fit main baffe fur les François. On appelle ce
massacre les Vespres Siciliennes ; & quelques au-
teurs difent
que le fignal étoit donné quand on

foneroit les vefpres.

Mart.

Le roi Charles en aïant apris la nouvelle, alla Malefp c.100 trouver le pape Martin & les cardinaux, & leur demanda aide & confeil. Ils l'exhorterent à travailler inceffamment à regagner la Sicile, foit par la douceur soit par la force: lui promettant toute forte de fecours fpirituel & temporel, comme fils & champion de l'églife. Puis le pape voulant ramener les Siciliens à leur devoir, publia une bulle, où il reprend l'affaire de Sicile de- Rain. 13. puis le tems du pape Innocent IV..& la depofi

to. xv. conc. p

1146.

AN. 1282, tion de l'empereur Frideric au concile de Lion.
Il vint enfuite à Conrad, à Mainfroi & à Con-
radin, & enfin à la derniere revolte de Sicile
& continue ainfi : Puis donc que le roïaume de
Sicile apartient à l'église Romaine, nous admo-
neftons toutes fortes de perfones de quelque con-
dition qu'elles foient & leur defendons étroite-
ment de molester, attaquer, ou troubler dans
la pofeffion de ce roïaume l'églife où le roi
Charles qui le tient d'elle. De plus nous defen-
dons à tous les fideles, particulierement aux fei-
gneurs & aux communautés des villes, de donner
aucun fecours à ceux qui voudroient envahir ce
roïaume autrement nous déclarons dés-à-pre-
fent les perfones excommuniées & les villes in-
terdites. Nous avertiffons auffi les êvêques, les
abbés & les autres prelats, que s'ils contrevienent
à cette monition, nous les priverons de toute
dignité ecclefiaftique & les autres clercs de leurs
benefices; & quant aux
aux laïques nous leur denon-
çons que nous les priverons des fiefs qu'ils tienent
de l'églife, que nous abfoudrons leurs fujets du
ferment de fidelité, & les expoferons eux-mêmes
tant leurs perfones que leurs biens à qui vou-
dra les attaquer. Enfin il ordonne à la ville de
Palerme & aux autres revoltées de revenir in-
cessamment à l'obéïffance du roi Charles. Cette
bulle fut publiée à Viterbe dans la place de la
grande églife en prefence d'un grand peuple, le
jour de l'Afcenfion feptiéme de Mai 1282.
Le même jour & dans la même place le

pape renouvella

F

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