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Vit. Bafil n.61.
Anaft. p. 14.
Ditmar. p. 95.
II.

Indulgence ple-
niere.

F. Dif. n..16. Hift. liv. LX, 7252.

pendant trois cens ans de perfecutions. Mais les faits ne font que trop certains, & les princes Chrétiens ne traitoient pas les Muful mans pris en guerre comme de fimples ennemis : témoins ceux que l'empereur Bafile Macedonien fit écorcher, & ceux que firent mou-rir les papes Leon IV. Jean VII. & Benoît VIII.

La Croifade ne fut pas réfoluë par le pape Urbain feul, mais par le concile de Clermont compofé de plus de deux cens évêques af-femblez de tout l'Occident ; & on y fut fi perfuadé de la volonté de Dieu pour former cette entreprise, que l'on en fit le cri de guerre.Pour venir à l'execution, & mettre les peuples en mouvement,le grand reffort fut l'indulgence pleniere; & ce fut alors qu'elle commença. De tout tems l'églife avoit laiffé à la difcrétion des évêques de remettre quelque partie de la pénitence canonique, fuivant la ferveur du pénitent & les autres circonftances; mais on n'avoit point vû jufqu'alors qu'en faveur d'une feule œuvre le pécheur fût déchargé de toutes les peines temporelles dont il pouvoit êrre redevable à la juftice de Dieu. Il ne falloit pas moins qu'un concile nombreux, prélidé par le pape en perfonne, pour autorifer un tel changement dans l'ufage de la pénitence, & on crut fans doute en avoir de bonnes raifons. Depuis plus de deux fiecles les évêques avoient beaucoup de peine à foûmettre les pécheurs aux pénitences canoniques; on les avoit mêmes rendues impraticables en les multipliant felon le nombre des pechez, d'où étoit venue l'invention de les commuer, pour en racheter des années entieres en peu de jours. Or entre les commutations de pénitence on employoit depuis longtems les pelerinages de Rome, de Compoftelle, ou de Jérusalem; & la Croifade ajoûtoit les périls de la guerre. On crut donc que cette pénitence valoit bien es jeûnes, les prieres & les aumônes que chaque pénitent pouvoit faire en particulier, & qu'elle feroit plus utile à l'églife, fans être moins agréable à Dieu.

L'indulgence tenoit lieu de folde aux Croifez, & je ne voi pas dans les premiers voyages de levées de deniers pour l'entretien de ces troupes. La premiere fut la décime Saladine à l'occafion de la troifiéme Croifade; mais comme l'indulgence ne donnoit pas la nourriture temporelle, on fupofoit que les Croisez fubfifteroient à leurs dépens, ou aux frais des riches qui voudroient bien les entretenir ; & cette dépense très-considérable dans un fi long voyage devoit voit être comptée pour une grande partie de la pénitence. L'indulgence ne laiffa pas d'être acceptée avec joie, même à ces

conditions.

Les nobles qui fe fentoient la plûpart chargez de crimes, entre autres de pillages fur les églifes & les pauvres, s'eftimerent heureux d'avoir pour toute pénitence leur exercice ordinaire, qui étoit defaire la guerre: avec efpérance, s'ils y étoient tuez, de la gloire du martyre. Auparavant une partie de la pénitence étoit de ne point

porter les armes, & de ne point monter à cheval: ici l'un & l'autre étoit non-feulement permis, mais commandé; en forte que les Crotfez changeoient feulement d'objet, fans rien changer à leur maniere de vie. La nobleffe entraînoit le petit peuple, dont la plûpart étoit de ferfs attachez aux terres, & entierement dépendans de leurs feigneurs; & plufieurs fans doute aimoient mieux les fuivre dans ce voyage, que de demeurer chez eux occupez à l'agrieulture & aux métiers. Ainfi fe formerent ces armées immenfes sque vous voyez dans l'hiftoire: il fembloit qu'il n'y eût 'qu'à marcher Hift. liv. LXI vers la Terre fainte pour affûrer fon falut.

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Les ecclefiaftiques fe croiferent comme les autres: mais ce devoit être par un motif different; pour inftruire les Croifez, les confoler & leur administrer les facremens, non pour racheter eux-mêmes leurs pénitences: car fuivant les vraies regles les pénitences canoniques n'étoient pas établies pour les clercs: quand ils avoient failli, on fe contentoit, fuivant le canon des Apôrres, de les dépofer, & Can. 24.les réduire à l'état des laïques, fans y ajoûter d'autre peine, pour ne pas les punir deux fois. Peut-être néanmoins qu'on n'y regardoit pas de fi près dans l'onziéme fiecle, & que les ecclefiaftiques dont il n'y avoit que trop de coupables, cherchoient auffi-bien que les laïques à expier leurs pechez par la Croifade. Ce qui eft certain, c'eft qu'ils fe croyoient permis de porter les armes, & de s'en fervir en cette guerre & en toutes les autres contre les Infideles. Vous avez vû les évêques de Hongrie armez contre les Tartares, Hift. liv.1XxX1; lorfqu'ils défolerent ce Royaume en 1241. Les prélats du cinquiér n. 48. me fiecle n'en ufoient pas ainfi : le pape S. Leon & S. Loup évêque Hift.liv XXVIII. de Troyes, n'arrêterent Attila que par leurs prieres & leurs rai- 49. fons; & ceux qui ne pouvoient arrêter ces barbares par la douceur, fe laiffoient maffacrer, comme S. Nicaife de Reims, & S. Privat de Martyr.14.DIC. 21. Aug. Givaudan ; & l'églife aprouvoit tellement leur conduite, qu'elle les compte entre les Martyrs.

n. 39. XXVII., Nẹ

Les moines même & leurs abbez fe croiferent, quoique cette dévotion les éloignât plus que les autres de leur vocation, qui étoit la folitude & la retraite. J'ai raporté en fon lieu la réponse de faint Gregoire de Nyffe à un folitaire de Cappadoce, qui l'avoit confulté Greg. Eunt. fur le voyage de Jérufalem, & vous avez vû qu'il l'en détourne ab- Hier. folument, quoiqu'il ne s'agit que d'un fimple pelerinage. Vous avez Hift. liv. xvII; vû les reproches que fit S. Bernard à Arnold abbé de Morimond de ". 49. s'être croifé; & la fermeté avec laquelle il refufa lui-même de prendre la conduite de la feconde Croifade; & toutefois à celle qui fe Hip. liv. LXIX.. fit du tems d'Innocenr III. Nous voyons des abbez du même or- n. 14. dre de Cîteaux. Leurs devoirs effentiels en fouffroient; leur monafftere n'en étoit pas mieux gouverné; & à leur retour, ni eux, ni les moines de leur fuite n'y raportoient pas un efprit de plus grande régularité. J'en dis de même à proportion des évêques & de leur clergé

S. Bern. ep. 7.
Ep. 256.

Villehard.

III.

xecution de la Croisade.

Les armées s'étant affemblées, & mifes en marche à la premiere Fautes dans l'e- Croifade, l'execution ne répondit pas aux intentions du pape Urbain & du concile de Clermont. Il y avoit alors peu de difcipline dans la plûpart de nos armées; & moins encore dans celles des Croifez compofées de volontaires de diverfes nations, & conduites par des chefs indépendans les uns des autres, fans qu'aucun eût le commandement général: fi ce n'étoit le légat du pape, peu capable de contenir de telles troupes. Auffi les Croifez n'attendirent-ils pas pour exercer des actes d'hoftilité, qu'ils faffent fur les terres des infideles :ils pilloient & brûloient par tout fur leur paffage, chez les Hongrois, les Bulgares, les Grecs, quoique tous Chrétiens ; & faifoient main basse fur quiconque vouloit réprimer leurs violences.Il en périffoit plufieurs en ces occafions, & leur nombre.étoit notablement diminué quand ils arriverent en Afie. L'empereur Alexis qui regnoit alors avoit eu de grands differends avec Robert Guichard duc de Pouille, & à fon défavantage; de forte que voyant Boëmond fils de Robert au milieu de la Grece à la tête d'une armée formidable, il fe crut perdu; ne doutant point que ce prétendu pelerin ne visât à fa couronne: ainfi il ne faut pas s'étonner s'il nuifit aux Croifez de tout fon pouvoir, & fi au défaut de la force, il employa contre eux l'artifice, fuivant le genie de fa nation.

Les Croisez étoient mal inftruits de l'état des pays qu'ils alloient attaquer: nous le voyons par les relations de leurs exploits, où les noms des lieux, des peuples, des princes font entièrement défigurez. Il ne paroît point qu'ils euffent de routes certaines : ils étoient réduits à prendre des guides fur les lieux; c'est-à-dire fe mettre à la merci de leurs ennemis, qui fouvent les égaroient exprès, & les faiHift. liv. LXIX. foient périr fans combat, comme il arriva à la feconde Croifade. Ils s'affoiblirent encore dès le premier voyage, en partageant leurs. troupes, pour conferver diverfes conquêtes, Nicée, Antioche,Edeffe; au lieu de tout réserver pour celle de Jérufalem, qui étoit le but de l'entreprise. Mais les différens chefs avoient leurs vûës particulieres; & le plus habile de tous étoit le Normand Boëmond, qui fe fit donner Antioche: plus foigneux autant qu'on en peut juger, d'établir fa fortune, que de fervir la religion.

n. 28.

Ils arrivérent enfin à Jérufalem, l'afficgerent & la prirent par un fuccès qui tient du miracle: car il n'étoit pas naturel qu'au travers de tant d'obstacles une entreprise fi mal conduite eût une fi heureuse fin. Peut-être Dieu l'accorda-t-il à quelques bons Chevaliers qui marchoient droit en cette entreprife par l'efprit de religion: comme Godefroi de Bouillon, dont les hiftoriens du tems louent autant la pieté & la fimplicité que la valeur : mais les ChréHift. liv.LXXIV. tiens gâterent cette victoire par la maniere dont ils en uferent, paffant tous les Mufulmans au fil de l'épée, & rempliffant Jérufalem de fang & de carnage. Efperoient-ils donc les exterminer & abolir

n. 66.

cette religion avee ce grand empire, qui s'étendoit depuis l'Efpagne jufques aux Indes? Et quelle idée donnoient-ils aux infideles de la religion Chrétienne ? N'auroit-il pas été plus conforme à l'efprit de l'Evangile de les traiter avec douceur & humanité, fe bornant à affürer la conquête & la liberté du pelerinage aux faints lieux ? Par une telle conduite on auroit affermi le repos des anciens Chrétiens du pays, ou auroit rendu aimable la domination des nouveaux venus, & on auroit procuré la converfion de quelques infideles. Saladin quand il reprit Jerufalem en ufa d'une maniere plus digne des Chré- Hift.liv.LXXIV. tiens, & fçut bien leur reprocher la barbarie de leurs peres.

Mais encore quel fut le fruit de cette entreprise, qui avoit ébranlé & épuifé toute l'Europe? Le nouveau royaume de Jerufalem déféré au bon Godefroi, par le refus des plus grands feigneurs de la Croifade, qui ayant accompli leurs vœux, fe prefferent de retourner chacun chez eux. On ne trouvera gueres d'exemple dans l'hiftoire d'un plus petit royaume, foit pour l'étendue du pays, foit pour la durée: car il ne dura que quatre-vingts ans, & ne comprenoit que Jerufalem & quelques villages d'alentour: encore étoientils habitez de Mufulmans ou de Chrétiens du pays peu affectionnezaux Francs. Ainfi le nouveau roi ne pouvoit compter pour fujets que le peu qui lui reftoit de Croifez: c'eft-à-dire, trois-cens chevaux & deux mille hommes d'infanterie : voilà à quoi se réduifit cette conquête tant vantée par les hiftoriens & par les poëtes; & il est étonnant qu'on ait perfeveré deux cens ans dans le deffein de la conferver ou la rétablir.

papes

n. II.

IV. Motifs de ces

Mais c'eft que les & ceux qui par leur ordre prêchoient la Croifade, ne ceffoient de la reprefenter à la nobleffe & aux peu- entreprifes. ples comme l'affaire de Dieu & le meilleur moyen pour affûrer leur falut. Il faut, difoit-on, vanger la honte de J. C. retirer d'entre les mains des infideles, cette terre qui eft fon héritage, acquis au prix de fon fang, & qu'il a promis à fon peuple; il a donné la vie pour vous, n'eft-il pas jufte que vous donniez la vôtre pour lui? Pouvez-vous demeurer en repos dans vos maifons, tandis que les ennemis blafphêment fon faint nom, profanent fon temple & les lieux qu'il a honorez de fa préfence par le culte abominable de Mahomet, & infultent aux Fideles qui n'ont pas le courage de les en chaffer? Que répondrez-vous à Dieu au jour du jugement, quand il vous reprochera d'avoir préféré à fa gloire vos plaifirs & votre commodité particuliere; & d'avoir méprifé un moyen fi facile d'expier vos pechez, & de gagner la couronne du martyre? Voila ce que les papes dans leurs lettres, & les prédicateurs dans leurs fermons repréfentoient avec les expreffions les plus pathétiques.

Aujourd'hui que les efprits ne font plus échauffez fur cette matiere, & que nous la confidérons de fang froid, nous ne trouvonsdans ces difcours; ni solidité, ni jufteffe de raisonnement. On vous

QAN. VV. 21.

Hift. liv. Lxx. n.28. 20. n. 46 46.Confid. Hift. liv. LV. AS.

V.

Inconveniens de

doit vanger la honte de J. C. mais ce qu'il tient à injure, & qui le deshonore véritablement, c'eft la vie corrompue des mauvais Chréticns, comme étoient la plupart des croifez, beaucoup plus que la profanation des créatures infenfibles, des bâtimens confacrez à fen nom, & des lieux qui nous rappellent la memoire de ce qu'il a fouffert pour nous. Quelque refpect qui foit dû à ces faints lieux, fa religion n'y eft pas attachée: il nous l'a déclaré lui-même, en difant que le tems étoit venu où Dieu ne feroit plus adoré ni à Jérufalem ni à Samarie, mais par tout en efprit & en verité. C'eft pour défabufer les Juifs de cet attachement à un certain lieu & à un temple materiel, qu'il a voulu que Jérufalem fût détruite, & n'a jamais permis que le temple fût rebâti.

C'est une équivoque d'appeller la Palestine l'héritage du Seigneur & la terre promife à fon peuple: ces expreffions ne convenoient qu'à l'ancien Teftament dans le fens propre & litteral, & ne peuvent être appliquées au nouveau que dans le fens figuré. L'héritage que J. C. s'eft aquis par fon fang, eft son église raffemblée de toutes les Nations ; & la terre qu'il lui a promise eft la patrie célefte. Nous devons être prêts à donner nôtre vie pour lui: mais c'eft en fouffrant toutes fortes de perfécutions, de tourmens & la mort même, plûtôt que de le renoncer & de perdre fa grace. Il ne nous a point commandé d'expofer nôtre vie en attaquant les infideles les armes à la main; & sil eft permis d'appeller martyrs ceux qui font tuez en combattant contre les infideles, c'eft dans une guerre purement de religion. Il s'étoit paffé plus de cinq cens ans depuis que les Musulmans avoient conquis la Palestine jufques à la premiere Croifade; & je ne voi pas que la religion Chrétienne en general en eût fouffert un grand déchet, ni qu'elle ait été plus floriffante depuis. Enfin les reproches que l'on faifoit aux princes qui n'alloient pas à la Croifade, tomboient auffi fur leurs prédéceffeurs, & fur les autres princes les plus zelez pour la religion.

તે

La feconde Croifade conduite par le roi Louis le Jeune avec Conrad roi d'Allemagne fut fans aucun fuccès, & S. Bernard qui l'avoit prêchée fut réduit à fe juftifier contre les reproches qu'elle lui avoit attirez. L'armée du roi Conrad périt fans combat en Natolie par la trahifon des Grecs: mais peut-on affez admirer la fimplicité de ce prince, de fe fier à l'empereur Manuel, après l'experience de la premiere Croifade, ou fon ayoul Alexis avoit effayé de faire avorter l'entreprife? il n'y avoit pas cinquante ans de l'une à l'autre, & les mêmes fujets de défiance fubfiftoient; les Grecs croyoient toûjours que les Latins en vouloient à leur empire: & ce qui arriva cinquante ans après à la quatrième Croifade, ne juftifia que trop leurs foupçons.

Je parle de celle où les François entraînez par les Venitiens allela prife de C. P. rent d'abord attaquer Zara en Dalmatie, puis C. P. pour rétablir le

jeune

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