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AN. 1295.

Seigneur la plenitude de puiffance & à qui tout obeït, unit quelquefois les évêchés, & quelquefois les fepare, felon les tems & les railons. Or nous avons confideré que la grandeur du diocése de Toulouse fait que l'évêque ne peut le vifiter comme il devroit, au grand préjudice des ames, & ses revenus sont fi amples qu'ils pourroient fufire à plufieurs êvêques. C'eft pourquoi le pape Clement IV. bien informé de l'état du païs,avoit réfolu de vifiter l'évêché de Toulouse, & nous de l'avis des cardinaux & de la plenitude de notre puiffance, avons érigé en cité la ville de Pamiers, l'exemtant abfolument de la jurifdiction de l'évêque de Toulouse, du diocéfe duquel elle étoit, & ordonnant que l'églife de faint Martin proche de ladite ville, en laquelle on dit que repofe le corps de faint Antonin martyr, lui ferve de cathedrale. Il regle ensuite le revenu de l'évêque de Pamiers, & marque les bornes du diocéfe. Il ne fait aucune mention du confentement de l'évêque de Toulouse ni de l'archevêque de Narbone son metropolitain, ni du roi; au contraire il menace d'excommunication quiconque s'opofera à cette érection de quelque dignité qu'il foit. Le premier Gall.chr p162. évêque de Pamiers fut Bernard de Saiffet abbé de faint Antonin, que le pape Boniface pourvût de cette dignité; & les chanoines de la nouvelle cathedrale demeurerent chanoines reguliers, comme ils font encore.

Raimond Lulle revint à Rome sous le pontificat de Boniface: c'eft pourquoi je reprendrai ici

XXXIX.

Suite de la vie

de Raimond

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la fuite de fes avantures. Etant venu à Paris en 1287. il expliqua publiquement fon livre de l'art general, par ordre du chancelier de l'Univerfité Bertauld de faint Denis; & aprés avoir vû la maniere d'étudier à Paris, il retourna à Montpellier vers l'an 1289. & y compofa fon art de trouver la verité: puis étant paffé à Genes il le traduifit en Arabe. De là il allà à Rome pour la feconde fois, fous le pape Nicolas IV. en 1291. folliciter l'établissement de ses monafteres pour l'étude des langues Orientales & l'union des ordres militaires: mais il y avança peu, à cause des affaires dont la cour de Rome étoit alors occupée; & il retourna à Genes, voulant paffer chez les infidelles, & effaïer ce qu'il pourroit faire lui feul pour leur converfion. Car il efperoit par le moïen de fon art, que conferant avec leurs fçavans, il leur prouveroit les myfteres de l'Incarnation & de la Trinité, & le bruit s'en étant répandu dans la ville de Genes, le peuple fut tres édifié de sa résolution. Mais comme il étoit prêt à partir, aïant déja fait porter fes livres & fes hardes dans le vaiffeau, tout d'un coup il lui vint en penfée que fitôt qu'il feroit arrivé, les Sarrafins le feroient mourir, ou du moins le mettroient en prifon perpetuelle. Il demeura donc à Genes: puis dés que le vaiffeau fut parti, il eut honte de sa foiblesse & du fcandale qu'il avoit donné, jusques à en tomber malade; & malgré les efforts de ses amis, il s'embarqua avant que d'être guéri sur un autre bâtiment qui alloit à Tunis. Il y arriva en bonne

par

AN. 1295.

santé, & aïant assemblé peu à peu les plus fçavans
Musulmans, il leur dit : Je fuis bien instruit des
preuves de la religion Chrétienne, & je fuis venu
pour entendre les preuves de la vôtre, afin de
l'embraffer, fi je les trouve plus fortes. Les Mu-
fulmans lui aïant aporté les preuves de leur reli-
gion, il y répondit facilement, & ajoûta: Tout
homme fage doit fuivre la créance qui attribuë
à Dieu plus de bonté, de puiffance, de gloire &
de perfection; & qui met entre la premiere cause
& fon effet plus d'accord & de convenance. Il p. 665,
s'efforçoit ainfi des raisonnemens metaphyfi-
ques, de leur prouver les mysteres de la Trinité
& de l'Incarnation, & croïoit en avoir perfuadé
plufieurs qu'il difpofoit au baptême: quand un
Mufulman homme de réputation reprefenta au
roi de Tunis, que ce Chrétien s'efforçoit de ren-
verfer leur religion, & le pria de lui faire couper
la tête. Surquoi le roi aïant tenu conseil, penchoit
à faire mourir Raimond: mais un autre fage Mu-
fulman l'en détourna, & il se contenta d'ordon-
ner que l'on le chaffat inceffamment du roïaume,
fous peine d'être lapidé, fi on l'y retrouvoit ; &
en effet un autre Chrétien qui lui reffembloit
penfa être lapidé pour lui.

DeTunis Raimond vint à Naples,où il continua P. 646,
d'enseigner fon art & de compofer des livres, & y
demeura jusques à l'élection du pape Celeftin:puis
il paffa àRome, & follicita auprés de Boniface VIII.
les affaires qu'il avoit à cœur depuis fi longtems,
fur tout l'établiffement de l'étude des langues

Ffff iij

AN.1295. Orientales: mais il n'y réuffit pas mieux fous ce pontificat que fous les precedens. Ainfi il retourna à Genes, & enfuite à Paris, où il étoit au mois d'Aouft- 1298.

Nang. to. XI. Spic. p. 589. Papebr.to. 14. p.70. Rain. 1295. n.As.

XL Promotion de Cardinaux

Ciacon,

Le Celeftin avoit fait patriarche de Jerupape falem Raoul de Grandville de l'ordre des freres Prêcheurs, & il avoit été facré à Paris par fon ordre en 1294. mais étant allé à Rome, il fut depofé par le pape Boniface: qui donna le titre de patriarche de Jerufalem à un nommé Landulfe, & le recommanda aux Syriens & aux rois de Chipre & d'Armenie.

Aux quatre-tems de l'avent cette année 1295. le pape fit une promotion de cinq cardinaux, fçavoir fr. Jacques Thomasio Gaëtan de l'ordre des Vading. n. 9 freres Mineurs né à Anagni & neveu du pape, fils de fa fœur. Il le fit cardinal prêtre du titre de faint Clement; & voulut auffi faire cardinal un autre frere Mineur fon parent, fçavoir André d'Anagni de la famille des comtes de Segni, mais le faint religieux ne voulut jamais accepter cette dignité. Un autre neveu du pape l'accepta: fçavoir François Gaëtan fils de Geoffroi frere du pape, & il fut cardinal diacre du titre de fainte Marie en Cofmedin. Le troifiéme cardinal de cette promotion fut François Napoleon des Urfins diacre du titre de fainte Luce. Le quatriéme Jacques Stephaneschi Romain, qui avoit écrit en vers latins l'élection du pape Celestin, & écrivit depuis, le couronnement de Boniface. Il fut cardinal'diacre de faint George au Voile d'or. Le cinquiéme

Boll. to. 15. P.438.

Rain 12, 6. n. I.

aufi cardinal diacre du titre de fainte Marie la AN.1296. Neuve fut Pierre Valerien de Piperno, qui fous le pape Celestin avoit été vice-chancelier de l'église Romaine. Le pape Boniface l'envoïa peu de tems aprés legat dans la Toscane, la Romagne, la Marche d'Ancone & les provinces voisines, pour pacifier les peuples divifes: avec pouvoir de proceder fpirituellement & temporellement contre les auteurs des troubles & les ennemis de la paix. Sa commission est du vingt-septiéme d'Avril

1296.

Cependant Pierre de Mouron qui avoit été le pape Celeftin étoit enfermé au chateau de Fu mone dans une tour trés-forte, gardé jour & nuit par fix chevaliers & trente foldats. On lui fourniffoit abondamment les chofes neceffaires, dont il ufoit très-fobrement, gardant fon ancienne abftinence: mais on ne le laiffoit voir à perfone. Il demanda deux freres de fon ordre pour celebrer avec eux l'office divin, & on les lui accorda: mais ils ne pouvoient fouffrir long-temps cette prison fi étroite: on les en tiroit malades, & d'autres leur fuccedoient. Le lieu étoit fi ferré que le faint homme la nuit en dormant avoit la tête au même endroit où il pofoit les pieds le jour en difant la meffe. Il fouffroit toutes ces incommodités & les mauvais traitemens de fes gardes fans donner aucun figne d'impatience.

Apès qu'il eut été dix mois en cette prison, le jour de la Pentecôte treiziéme de Mai 1296. aïant dit la meffe il fit appeller les chevaliers qui le gar

XLI. Mort du pape

Celeftin

Boll. to. 11.2.

476.496.

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